TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'une demande de prestations présentée par
Carolynn HARRIS
et
d'un appel interjeté par la Commission à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue à Windsor (Ontario) le 1er mai 2002
DÉCISION
Le juge-arbitre GUY GOULARD
La prestataire a travaillé pour Sun Parlor Restoration du 26 novembre 2001 au 14 février 2002. Le 6 mars 2002, elle a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi dans laquelle elle indique avoir quitté son emploi en raison de problèmes avec ses heures de travail et sa rémunération. Une demande de renouvellement de prestations a été établie en date du 17 février 2002. La Commission a déterminé par la suite que la prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification. La Commission a exclu la prestataire du bénéfice des prestations pour une période indéterminée.
La prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant le conseil arbitral qui, dans une décision unanime, a accueilli l'appel. La Commission a porté la décision du conseil devant le juge-arbitre. J'ai instruit cet appel à Windsor, en Ontario, le 25 mars 2003 en présence de la prestataire. La Commission était représentée par M. Derek Edwards.
La prestataire a indiqué dans sa demande de prestations qu'elle avait démissionné pour les raisons qui suivent (pièces 4-3 et 4-4). Elle dit qu'elle était une bonne employée et qu'elle acceptait toujours de faire des heures supplémentaires lorsqu'on le lui demandait. Depuis qu'elle avait été engagée, son employeur avait pour politique de payer le travail effectué le samedi au tarif et demi et le travail effectué le dimanche au taux double. Elle a produit des bordereaux de chèque de paie pour appuyer ses dires. Lorsqu'elle a constaté sur deux chèques de paie consécutifs qu'elle n'avait pas été rémunérée pour les heures supplémentaires travaillées la fin de semaine, elle a demandé des explications à son employeur. Ce dernier lui a répondu que la politique avait été modifiée et qu'elle ne serait plus rémunérée à l'avenir pour les heures supplémentaires effectuées la fin de semaine. L'employeur avait décidé unilatéralement et sans préavis de modifier sa politique salariale. Quand la prestataire a essayé d'aborder le sujet, l'employeur lui a dit qu'elle pouvait démissionner si elle n'était pas satisfaite de la situation. Elle l'a rappelé plus tard pour discuter de nouveau de la question, mais elle s'est fait dire que jamais personne n'avait contesté les conditions salariales et qu'il était déloyal de sa part de mettre en doute la façon dont elle était rémunérée.
L'employeur déclare à la pièce 5 que sa décision de modifier la politique salariale est conforme à la législation provinciale.
La prestataire a répété devant le conseil les arguments qu'elle avait déjà avancés concernant la décision unilatérale de l'employeur de modifier sa politique salariale et a également invoqué un problème de santé et de sécurité. La preuve et le témoignage de la prestataire sont résumés dans la décision du conseil :
« La prestataire soutient que, dès qu'elle a commencé son emploi, elle était rémunérée au tarif et demi lorsqu'elle rentrait travailler le samedi et au taux double lorsqu'elle travaillait le dimanche. Elle déclare que l'employeur a décidé sans préavis d'arrêter de payer le travail effectué la fin de semaine selon ces tarifs. Lorsqu'elle s'est plainte de la situation, l'employeur s'est mis en colère. La prestataire affirme également qu'elle utilisait divers produits chimiques au cours des travaux de restauration qu'elle effectuait pour son employeur, ce qui lui causait des irritations cutanées. Elle prétend n'avoir jamais reçu de formation SIMDUT ou d'information au sujet des effets des substances chimiques qu'elle utilisait. De l'équipement de sécurité avait été mis à sa disposition, mais on ne lui avait jamais dit quand elle devait l'utiliser ni qu'elle était obligée de le porter. »
[Traduction]
Le conseil conclut en ces termes :
« Le conseil estime que la prestataire est de bonne foi et qu'elle était fondée à quitter son emploi en vertu de la Loi et du Règlement, sous-alinéas 29c)(iv) "conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité", (vii) "modification importante de ses conditions de rémunération" et (xi) "pratiques de l'employeur contraires au droit". »
[Traduction]
La Commission soutient que le conseil a commis une erreur de droit dans sa décision, car il n'aurait pas dû accorder autant d'importance aux arguments de la prestataire en matière de santé et de sécurité et même il n'aurait pas dû en tenir compte du tout puisqu'il n'en avait pas été question durant l'audience et que la prestataire avait indiqué dans sa demande de prestations qu'elle ne démissionnait pas pour des raisons de santé. Toujours selon la Commission, le conseil n'a pas déterminé que la prestataire n'avait d'autre solution raisonnable dans les circonstances que de démissionner. La Commission soutient que la prestataire aurait pu continuer de travailler et chercher un autre emploi pendant ses temps libres.
Je partage l'avis de la Commission, à savoir que la prestataire n'a pas prouvé qu'elle était fondée à quitter son emploi pour des raisons de santé et de sécurité. Il lui aurait fallu présenter des éléments de preuve démontrant en quoi ses conditions de travail menaçaient sa santé et sa sécurité et quelles mesures elle avait prises pour régler le problème. La jurisprudence fait clairement état de cette exigence (décisions CUB 38804, CUB 23802, CUB 21817, CUB 18965).
Par ailleurs, je n'accepte pas l'argument de la Commission, selon lequel la prestataire n'a pas démontré qu'elle était fondée à quitter son emploi aux termes du sous-alinéa 29c)(vii) de la Loi, en raison d'une modification importante de ses conditions de rémunération. Il a déjà été déterminé dans la jurisprudence que le prestataire est fondé à quitter son emploi lorsque l'employeur refuse de respecter les conditions d'emploi (décision CUB 17491) et que l'employeur qui refuse de verser le salaire dû se trouve à exploiter et à tromper son employé ou à le soumettre à un congédiement déguisé, ce qui constitue une justification pour quitter son emploi (décision CUB 12252). La prestataire a essayé de discuter du problème avec son employeur, mais ce dernier l'a accusée d'être déloyale et l'a invitée à démissionner.
Je suis d'accord avec la Commission : le conseil n'a pas déterminé que la prestataire n'avait d'autre solution raisonnable dans les circonstances que de démissionner. Je vais rendre une décision à ce sujet. J'ai examiné tous les aspects de la situation dans laquelle la prestataire se trouvait et j'estime qu'elle n'avait d'autre solution raisonnable que de démissionner. Les efforts qu'elle a faits pour régler la question avec son employeur montrent bien que l'antagonisme qui s'est développé entre eux avait atteint un tel paroxysme qu'on l'a accusée d'être déloyale du simple fait qu'elle avait voulu savoir pour quelles raisons ses conditions de travail avaient été modifiées. Affirmer que la prestataire devait rester revient à contraindre un employé à travailler pour un employeur qui peut décider unilatéralement d'apporter d'importantes modifications aux conditions d'emploi, refuser de discuter de la question et inviter l'employé à démissionner s'il n'est pas satisfait de la situation. Continuer de travailler dans ces conditions ne constitue pas une solution raisonnable.
J'estime donc que le conseil n'a pas commis d'erreur dans sa conclusion même si sa décision ne traite pas précisément de tous les aspects de la question dont il avait été saisi. Je rejette l'appel de la Commission. J'estime que la prestataire était fondée à quitter son emploi et que c'était la seule solution raisonnable qui s'offrait à elle en l'espèce.
GUY GOULARD
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 4 avril 2003