TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'une demande de prestations présentée par
Franklin D. ROCK
et
d'un appel interjeté par le prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à Windsor (Ontario), le 22 janvier 2002
DÉCISION
Le juge-arbitre GUY GOULARD
Le prestataire a été à l'emploi de Norm Libby Enterprises du 31 octobre 2000 au 31 août 2001. Le 11 octobre 2001, il a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi dans laquelle il a indiqué qu'il avait quitté son emploi. Une demande initiale a été établie en date du 8 octobre 2001. La Commission a par la suite déterminé que le prestataire avait quitté son emploi sans justification et que son départ ne constituait pas dans sa situation la seule solution raisonnable. La Commission a exclu le prestataire du bénéfice des prestations pour une durée indéterminée, à compter du 8 octobre 2001.
Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel devant le conseil arbitral qui, à la majorité de ses membres, a rejeté l'appel. Le prestataire interjette appel de la décision du conseil devant le juge-arbitre. Cet appel a été instruit à Windsor, en Ontario, le 25 mars 2003, en présence du prestataire. La Commission était représentée par M. Derek Edwards.
Le prestataire a indiqué sur son formulaire de démission (pièce 4-1) et dans sa lettre d'appel devant le conseil (pièce 7) avoir quitté son emploi pour des raisons de stress, de harcèlement et de discrimination, parce qu'il a été victime d'accusations qu'il réfute et que l'employeur a refusé de lui dire qui avait porté les accusations. Il a dit que les fausses allégations qui ont été faites contre lui étaient liées à son appui prétendu à des organisateurs syndicaux.
Il est clair d'après les pièces 8, 9 et 10 que le prestataire a démissionné en raison des accusations et avertissements de l'employeur en rapport avec des informations que le prestataire aurait fournies à des employés qui tentaient d'obtenir une accréditation syndicale à leur lieu de travail. L'employeur a accusé le prestataire de fournir des informations confidentielles. On peut lire à la pièce 9-1, qu'une personne a informé l'employeur que le prestataire avait été vu en train de faire de la promotion pour le syndicat et que le prestataire avait été prévenu qu'il ne devait pas divulguer d'information confidentielle ni personnelle concernant les employés parce que cela pourrait être cause de complications pour l'employeur.
Dans la décision qu'il a rendue à la majorité, le conseil écrit ce qui suit :
« Il s'agit d'une affaire difficile à trancher pour le conseil. Nous sommes d'accord sur le fait que la participation aux activités syndicales ne devrait pas donner lieu à du harcèlement; cependant, nous ne comprenons pas pourquoi le prestataire n'a pas poursuivi son engagement dans la mise sur pied d'un syndicat dans son usine étant entendu que l'accréditation syndicale mettrait un terme à ce harcèlement.
Le prestataire ne s'est pas présenté à l'audience, ce qui n'a pas permis au conseil d'en apprendre davantage sur sa situation et peut-être d'en arriver à une conclusion différente. »
[Traduction]
Le membre minoritaire a conclu que le prestataire était fondé à quitter son emploi pour les raisons suivantes :
« M. Rock a expliqué pourquoi il avait quitté son emploi. C'est parce que l'employeur n'arrêtait pas de l'accuser de fournir au syndicat des informations personnelles au sujet des employés.
M. Rock a choisi de démissionner parce qu'il se sentait harcelé par son employeur. »
[Traduction]
Le prestataire a allégué que le conseil avait commis une erreur dans la décision qu'il a rendue à la majorité en tirant des conclusions de faits qui, d'après lui, prouvent qu'il a été l'objet de harcèlement de la part de son employeur, qui l'a accusé d'appuyer le syndicat. Il a dit qu'il n'était pas directement en cause puisqu'il ne faisait pas partie du groupe d'employés, les camionneurs, qui allaient être syndiqués.
Le conseil devait trancher la question à savoir si le prestataire était fondé à quitter son emploi. Dans la décision qui a été rendue à la majorité, le conseil n'a pas précisément examiné la question. Ainsi, les membres du conseil ont conclu à la majorité que le prestataire avait été l'objet de harcèlement mais ont tout de même conclu que, parce que le prestataire ne s'était pas présenté à l'audience, ils n'avaient pu en apprendre davantage sur sa situation, ce qui aurait pu leur permettre de conclure différemment.
Dans la décision qu'ils ont rendue à la majorité, les membres du conseil ont manifestement commis une erreur en ne tranchant pas la question dont ils étaient saisis et en rendant une décision ne prenant pas en considération tous les éléments de preuve dont ils disposaient.
J'accepte sans problème la conclusion de fait à laquelle sont arrivés tous les membres du conseil, c'est-à-dire que la décision du prestataire de démissionner découlait de l'attitude de l'employeur à son égard, qui le harcelait et l'accusait en raison de sa perception, fondée ou non, que le prestataire appuyait les organisateurs syndicaux. Le dossier contient suffisamment de preuves, dont les déclarations claires de l'employeur, pour corroborer cette conclusion. Le prestataire a clairement affirmé à la pièce 7, que « ces actions de mon employeur, pendant des mois, ont fini par me faire quitter mon emploi » [Traduction].
La preuve montre clairement que le prestataire a quitté son emploi en raison des accusations de l'employeur et des mesures de harcèlement dont il était l'objet, qui s'expliquent par la perception que l'employeur avait des opinions du prestataire et de son attitude à l'égard des efforts des employés pour se syndiquer. Cela constitue une justification pour quitter son emploi. Un employé ne devrait pas être l'objet de harcèlement ni se voir porter des accusations en raison de ses opinions et ses actions pro-syndicales, en autant que ces actions ne sont pas illégales ni ne contreviennent aux politiques et procédures mises de l'avant par l'employeur; or, il n'a pas été prouvé que c'était le cas en l'espèce.
La décision rendue par le conseil à la majorité sera annulée puisque ses auteurs n'ont pu trancher la question dont ils étaient saisis. Je vais rendre la décision que le conseil aurait dû rendre et qui correspond à la décision du membre minoritaire. L'appel du prestataire à l'encontre de la décision de la Commission est accueilli.
GUY GOULARD
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 4 avril 2003