TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande présentée par
CORINE WILSON
- et -
d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la prestataire, à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue le 22 février 2002 à Nanaimo (Colombie-Britannique).
DÉCISION
Le juge-arbitre JEAN A. FORGET
La prestataire appelle de la décision unanime du conseil arbitral d'accueillir l'appel interjeté par l'employeur à l'encontre de la décision de la Commission de faire droit à sa demande de prestations d'assurance-emploi parce qu'elle était fondée à quitter volontairement son emploi.
Ni la prestataire ni l'employeur ne se sont présentés à l'audience bien qu'ils aient tous deux été dûment avisés de la tenue de cette audience. Je rendrai donc une décision sur la foi du dossier, si l'avocat de la Commission est d'accord.
Mme Wilson a travaillé pour Colyn's Nursery & Garden Centre du 15 avril 1998 au 21 juin 2001, date à laquelle elle a quitté son emploi. Après avoir entendu le témoignage des deux parties concernant les motifs de départ de la prestataire, la Commission a conclu que cette dernière était fondée à donner sa démission et a fait droit à sa demande de prestations.
L'employeur a appelé de la décision de la Commission devant le conseil arbitral. La propriétaire de Colyn's Nursery & Garden Centre, Mme Yvonne Colyn, n'était pas présente à l'audience mais elle avait demandé que sa lettre d'appel (pièce 9) soit présentée au conseil. La prestataire pour sa part était présente et a témoigné de vive-voix.
Après avoir entendu la preuve verbale présentée par la prestataire et avoir pris connaissance de la preuve documentaire, le conseil a déclaré dans sa décision en partie ce qui suit :
« ... Elle [la prestataire] soutient que ses rapports avec l'employeur étaient devenus très tendus et que l'attitude de ce dernier montrait bien que le lien de confiance était brisé.
... L'employeur et l'employée s'entendent pour dire que c'est seulement au cours des trois derniers mois ayant précédé le départ de cette dernière que leurs rapports se sont dégradés... Ils sont sans doute les seuls à connaître la cause réelle de cette animosité qui existe entre eux. Ce que l'on peut toutefois affirmer, parce que ce fait est corroboré dans la preuve présentée par Mme Wilson elle-même, c'est que, aussi tendue qu'ait été leur relation, sa décision de mettre fin à la relation avec son employeur était directement liée au fait que ce dernier ait décidé de récupérer l'argent investi dans la voiture... Les membres du conseil arbitral reconnaissent que Mme Wilson se cherchait un nouvel emploi parce qu'elle n'était pas satisfaite de sa situation. Elle a malgré tout confirmé que n'eut été de l'incident survenu au sujet de la voiture, elle aurait conservé son emploi jusqu'à ce qu'elle en trouve un autre ... Elle était en pourparlers avec son employeur pour en venir à une entente qui lui aurait permis de travailler aux deux endroits jusqu'à ce que son emploi à la City of Port Alberni soit plus stable.
...
Les membres du conseil arbitral reconnaissent qu'il y avait une mésentente dans les rapports entre l'employeur et l'employée. L'origine de cette mésentente, comme nous l'avons indiqué précédemment, n'est pas très claire. Le fait est cependant que le différend qui opposait les parties était suffisamment sérieux pour pousser l'employée à se chercher un autre emploi, mais pas assez sérieux, de l'aveu même de cette dernière, pour qu'elle décide de partir sur-le-champ.
Ce qui l'a [la prestataire] vraiment décidée à partir c'est l'incident survenu au sujet de la voiture. Par conséquent la question qu'il faut se poser c'est si le fait que l'employeur ait soudainement insisté pour qu'elle ne soit plus propriétaire de la voiture est une raison suffisante pour justifier son départ volontaire. Les membres du conseil comprennent très bien qu'elle puisse avoir été vexée (ou même blessée) du fait que l'employeur veuille récupérer son investissement dans la voiture, mais ils ne considèrent pas que la décision de l'employeur ait été déraisonnable. Lorsqu'il avait acheté le véhicule pour l'employée, l'employeur avait obtenu l'assurance que les paiements seraient retenus à la source sur la paie de Mme Wilson. Il aurait perdu cette garantie si elle avait décidé de démissionner. Plutôt que de donner sa démission l'employée aurait toutefois pu, dans les circonstances, discuter avec l'employeur du genre de garantie qu'il aurait jugé acceptable pour lui permettre de conserver la voiture. De fait, c'est justement l'arrangement auquel les deux parties en sont venues après le départ de l'employée ... Par conséquent, les membres du conseil ne sont pas convaincus que dans les circonstances, l'employée n'avait pas d'autre solution raisonnable que de démissionner comme elle l'a fait.
Certains faits prouvent que l'employeur aurait assuré un emploi continu à Mme Wilson si elle avait décidé de rester. Cette dernière a confirmé qu'elle n'avait en vue qu'un emploi à temps partiel lorsqu'elle a décidé de quitter. Elle a confirmé que cette décision était liée à la position prise par l'employeur concernant la voiture. Malheureusement, même si elle était mécontente de la position de son employeur à cet égard, le motif qu'elle a allégué pour justifier son départ volontaire ne constitue pas, aux yeux des membres du conseil, une justification. La jurisprudence portant sur des cas similaires vient d'ailleurs renforcer cette conviction, car elle ne reconnaît pas le bien-fondé du départ volontaire en pareilles circonstances.
Par conséquent le conseil, se fondant sur la preuve en l'espèce ainsi que sur la jurisprudence, conclut que Mme Wilson a quitté volontairement son emploi sans justification. »
[traduction]
La prestataire appelle maintenant de la décision du conseil, alléguant qu'il n'était absolument plus question qu'elle continue à travailler pour cet employeur. Elle déclare que ce dernier a refusé de lui accorder les dix jours qu'elle demandait pour réunir la somme qu'il restait à payer sur la voiture, et qu'en fin de compte c'est le beau-frère de l'employeur qui lui a donné la somme requise pour régler ce solde. Mme Wilson soutient par ailleurs que si l'employeur avait été avisé plus tôt de la décision de la Commission de lui verser des prestations, elle n'aurait pas aujourd'hui à rembourser une somme aussi importante et elle aurait pu, avec l'aide de l'Église ou des services sociaux, trouver d'autres sources de revenus qu'elle n'aurait pas à rembourser.
Le conseil ne semble pas avoir tenu compte, dans la décision qu'il a prise, de l'animosité qui existait entre l'employée et son employeur, et s'est fondé uniquement sur l'incident ayant trait à la voiture. Voici un extrait pertinent de la Loi :
29c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas ... (soulignement ajouté)
J'estime que le conseil a erré en n'établissant pas de lien entre, d'une part, les rapports tendus entre les parties et d'autre part, l'incident de la voiture, qui selon moi semble avoir été le coup final porté par un employeur excédé. Il me paraît important de rappeler que la Commission était au courant de l'incident de la voiture lorsqu'elle a décidé de faire droit à la demande de prestations de l'employée.
Par conséquent j'accueille l'appel de la prestataire et je confirme la première décision de la Commission d'approuver sa demande de prestations.
J.A. FORGET
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 25 avril 2003