TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'une demande de prestations présentée par
FRANCES E. RAIDT
et
d'un appel interjeté par la prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à Peterborough (Ontario), le 27 août 2002
DÉCISION
L'honorable David G. Riche
Les questions qui ont été soumises au conseil sont les suivantes :
1. La prestataire était-elle fondée à quitter son emploi?
2. A-t-elle prouvé qu'elle était disponible pour travailler?
Selon la preuve soumise au conseil, la prestataire travaillait pour WalMart depuis huit ans. Un nouveau gérant est entré en fonctions, et il lui aurait dit qu'elle n'était pas suffisamment aguerrie et qu'elle se montrait trop amicale. On ne lui demandait pas de quitter son poste, mais elle trouvait plus que ridicule le fait qu'on lui dise qu'elle n'était pas suffisamment aguerrie et pas assez amicale. Il lui semblait inutile de rester là si on n'était pas satisfait de son travail.
La prestataire a été très blessée par les commentaires de l'employeur et a eu l'impression qu'elle ne pouvait plus répondre aux attentes du gérant. Elle a donc décidé de quitter son emploi. Ces incidents sont survenus pendant une période où elle connaissait également d'autres difficultés dans sa vie personnelle. Elle a quitté son emploi en avril 2002. Elle a alors consulté un médecin, comme en témoigne la pièce 11, qui indique que la prestataire était passablement déprimée par suite des incidents qui s'étaient déroulés à son lieu de travail. Le médecin a jugé qu'elle ne pouvait pas retourner dans un milieu qui valorise la compétitivité et l'insensibilité.
La Commission a jugé que la prestataire n'avait pas prouvé qu'elle était disponible pour travailler parce qu'elle n'avait pas cherché de travail et qu'elle était déprimée après avoir quitté son emploi à WalMart. Elle avait déclaré en mai 2002 qu'elle n'avait pas cherché de travail depuis qu'elle avait quitté WalMart, un mois auparavant. Elle était trop stressée pour chercher du travail avant de quitter son emploi. La Commission a jugé que la prestataire n'avait pas prouvé qu'elle était disponible pour travailler et qu'elle devait donc être considérée comme non admissible au bénéfice des prestations à compter du 8 avril, date à laquelle elle a quitté son emploi, conformément aux dispositions de l'alinéa 18a) de la Loi sur l'assurance-emploi. La prestataire a reconnu qu'elle n'était pas disponible pour travailler quand elle a laissé son emploi à WalMart, ayant perdu confiance en elle-même en raison du traitement qu'on lui avait réservé.
Le conseil s'est dit convaincu que la prestataire n'avait pas prouvé qu'elle avait envisagé toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi. On a jugé qu'elle aurait pu discuter de ses problèmes avec son employeur ou conserver son poste jusqu'à ce qu'elle obtienne un autre emploi convenable. Le conseil a fait référence à la pièce 4, dans laquelle la prestataire a indiqué, en réponse à la question 8, qu'elle n'avait pas quitté son emploi pour des raisons de santé.
J'ai examiné la preuve dans cette affaire et je suis convaincu que le conseil arbitral a commis une erreur en considérant que la prestataire n'avait pas quitté son emploi pour des raisons de santé. Cette dernière a déclaré à la pièce 4.1 qu'elle était trop stressée pour chercher du travail jusqu'à la date où elle a présenté sa demande, c'est-à-dire quelques semaines après qu'elle eut quitté son emploi. Toutefois, le conseil disposait du témoignage du médecin praticien, qui a déclaré qu'elle ne pouvait travailler à un endroit où on lui demandait de faire preuve de compétitivité et de ne pas se montrer trop amicale. Je suis d'avis qu'en l'espèce, la prestataire était à bout de nerfs, ce qui constitue un état pathologique, et qu'elle n'était pas capable de s'en sortir, même si beaucoup de gens n'auraient pas été affectés à ce point par les remarques de son gérant. Il ne faut pas oublier que cette employée travaillait là depuis quelque huit ans quand elle a quitté son emploi. La seule raison pour laquelle elle est partie réside dans l'attitude du nouveau gérant. L'employeur devrait être attentif à la personnalité de ses employés et, dans le cas présent, plutôt que d'exercer des pressions sur la prestataire, il aurait dû prendre des mesures pour la muter à un poste où elle aurait pu se montrer amicale, ce qui est un atout dans le domaine de la vente. Je suis d'avis qu'en l'espèce, la prestataire était fondée à quitter son emploi en raison des agissements de l'employeur. Ces agissements l'ont poussée vers la dépression, qui est une maladie, comme en témoigne d'ailleurs le rapport médical. À mon avis, le conseil arbitral a fondé sa décision sur une conclusion de faits erronée, sans tenir compte de tous les éléments portés à sa connaissance. En ce qui concerne la décision selon laquelle la prestataire a quitté son emploi sans justification, je conclus que l'appel doit être accueilli.
Quant à la question de la disponibilité, il ne fait aucun doute que la prestataire n'était pas disponible pour travailler quand elle a quitté son emploi à WalMart en avril 2002, étant donné qu'elle était trop stressée pour exercer quelque emploi que ce soit. Il est également clair qu'elle n'a pas cherché de travail avant le 30 de ce même mois, soit quelques semaines plus tard. Dans l'intervalle, il est évident qu'elle n'était pas disponible aux termes de l'alinéa 18a), et qu'elle n'était donc pas admissible au bénéfice des prestations. Quand elle est devenue disponible, cependant, je suis d'avis que le conseil aurait dû conclure, dès lors, qu'elle était admissible au bénéfice des prestations.
Pour ces motifs, l'appel de la prestataire est accueilli en ce qui concerne la question de la justification, et rejeté en ce qui concerne la questions de la disponibilité.
David Riche
Juge-arbitre
St. John's (T.-N.-L.)
Le 29 avril 2003