TRADUCTION
Dans l'affaire de la Loi sur l'assurance-emploi,
L.C. 1996, ch. 23
et
d'une demande de prestations de chômage présentée par
Gaétane Michaud
et
d'un appel interjeté par la prestataire à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Mississauga (Ontario) le 25 novembre 2002
Appel instruit à Toronto (Ontario) le 29 mai 2003
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE R. C. STEVENSON
Mme Michaud porte en appel la décision d'un conseil arbitral ayant rejeté l'appel qu'elle avait interjeté de la décision de la Commission de l'exclure du bénéfice des prestations de chômage parce qu'elle avait quitté volontairement son emploi sans justification.
Mme Michaud, qui est maintenant âgée de 52 ans, a travaillé pour Crystal Flooring Ltd. à Grand-Sault (Nouveau-Brunswick) du 18 juin 2001 au 21 septembre 2002. Ses heures avaient été ramenées à 32 heures par semaine, après qu'elle eut travaillé entre 42,5 et 50 heures par semaine. Son salaire horaire était de 9,50 $. Elle avait également travaillé à temps partiel jusqu'en juin 2002 comme commis aux ventes dans une autre entreprise où elle gagnait 54,08 $ par semaine. Elle avait vécu un divorce puis sa mère, qu'elle aidait à soigner, est décédée du cancer en septembre 2002. Les deux enfants de Mme Michaud vivent à Mississauga. Endettée et trouvait qu'elle s'enfonçait financièrement après le décès de sa mère, Mme Michaud a décidé d'aller vivre à Mississauga où elle croyait qu'il y avait des débouchés pour les personnes bilingues. Après quatre mois, elle s'est trouvée un emploi où elle gagne 12 000 $ par année de plus que ce qu'elle gagnait à Grand-Sault.
Lorsque Mme Michaud a demandé des prestations de chômage, en octobre 2002, la Commission a déterminé que celle-ci avait quitté volontairement son emploi sans justification.
Voici un extrait de la décision rendue par le conseil arbitral :
Constatation des faits :
L'appelante a déclaré que le véritable motif de son déménagement à Mississauga était la recherche d'un meilleur emploi. Il est difficile d'avoir un niveau de vie intéressant au Nouveau-Brunswick. En fait, elle y aurait été obligée de demander de l'aide sociale. Cette situation est principalement attribuable aux conditions économiques difficiles de l'endroit. Autrement, la prestataire n'aurait pas quitté son emploi là-bas.
Application de la Loi :
. . .
En l'espèce, l'appelante a fait un choix personnel lorsqu'elle a décidé de démissionner, de quitter le Nouveau-Brunswick et de s'installer à Mississauga, parce que son salaire était peu élevé et qu'elle trouvait difficile d'y gagner sa vie. Sa famille vit à Mississauga, et les débouchés y sont plus nombreux. L'appelante avait le choix de se trouver un emploi à Mississauga avant de démissionner. Elle a mis des années à se décider à déménager, et cela lui laissait amplement le temps de se trouver un emploi à Mississauga avant son départ.
Conclusion :
Le conseil a étudié soigneusement la question. Il comprend l'appelante et reconnaît les efforts qu'elle a déployés pour survivre. Malheureusement, le conseil ne peut tenir compte de considérations d'ordre social, car son mandat se limite à des considérations d'ordre juridique.
En l'espèce, l'appelante a fait un choix personnel lorsqu'elle a décidé de démissionner pour quitter le Nouveau-Brunswick et s'installer à Mississauga. Le conseil comprend la décision de l'appelante, mais considère qu'elle n'avait pas de justification pour quitter son emploi.
À mon avis, le conseil arbitral a tiré une conclusion de fait erronée lorsqu'il a affirmé que Mme Michaud aurait pu trouver un emploi à Mississauga avant de quitter celui qu'elle avait à Grand-Sault. L'éloignement, les coûts liés aux déplacements et l'obligation d'être disponible pour des entrevues personnelles rendaient cette solution irréaliste et déraisonnable.
Le conseil a noté que la décision de Mme Michaud tenait au fait qu'elle était mal rémunérée et qu'il lui était difficile de gagner sa vie mais il n'a pas accordé suffisamment de poids aux conditions économiques qui étaient la raison principale pour laquelle Mme Michaud a quitté son emploi. Ces conditions économiques étaient la cause de son départ; sa situation familiale ne l'a influencée que dans le choix du lieu où elle s'est réinstallée.
Aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi, pour déterminer si une prestataire est fondée à quitter son emploi, il faut tenir compte de l'ensemble des circonstances, y compris la situation économique. Ne pas en tenir compte ou ne pas leur accorder un poids suffisant constitue une erreur de droit. Je me reporte aux décisions que j'ai rendues dans les CUBS 35229, 46437 et 54416.
L'appel est accueilli, et l'exclusion est annulée.
RONALD C. STEVENSON
Juge-arbitre
FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)
Le 16 juin 2003