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  • CUB 57989

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande de prestations présentée par
    Hazel ANDERSON

    et

    d'un appel interjeté par la prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à Calgary (Alberta) le 16 juillet 2002,

    DÉCISION

    Le juge-arbitre GUY GOULARD

    La prestataire a travaillé pour la Légion royale canadienne du 25 novembre 1995 au 20 février 2002. Le 27 février 2002, elle a fait une demande de prestations d'assurance-emploi en indiquant qu'elle avait été congédiée. Une demande a été établie avec effet au 17 février 2002. La Commission a déterminé que la prestataire n'avait pas perdu son emploi pour inconduite et a informé l'employeur de cette décision.

    L'employeur a interjeté appel de la décision de la Commission devant le conseil arbitral, lequel a accueilli l'appel à la majorité. La prestataire a porté en appel la décision du conseil devant le juge-arbitre. Cet appel a été instruit à Calgary, en Alberta, le 29 mai 2003 en présence de la prestataire. La Commission était représentée par M. Mark Heseltine.

    La prestataire a été congédiée lorsque l'employeur a constaté un écart négatif au cours de la vérification de l'inventaire du bar où elle travaillait.

    La prestataire a nié avoir commis une faute et a argué que s'il y avait des écarts entre les quantités réelles et consignées d'alcool vendu, l'erreur pouvait être attribuée à un mauvais fonctionnement du distributeur ou au fait qu'un autre barman utilisait cet équipement pour prendre de l'alcool. Lorsqu'il y avait beaucoup de monde au bar, à l'occasion, l'équipement fonctionnait mal. À la pièce 9, la prestataire soutient qu'elle n'a jamais été accusée de malhonnêteté. Elle a déposé un grief pour congédiement injustifié à la Direction générale des normes du travail. Elle a expliqué en détail ce qui s'était produit au bar les soirs où les incidents présumés auraient eu lieu et que le bar était très achalandé ces soirs-là. Elle a également fourni une lettre de référence.

    La Commission a conclu que la prestataire n'avait pas perdu son emploi pour inconduite.

    Au début de l'audience, le conseil a accueilli en preuve les pièces 14-1 à 14-5. Il s'agit de déclarations signées par le chef du bureau et deux collègues de la prestataire. Il y a également une note de service d'une personne qui déclare avoir vérifié le distributeur du bar et que celui-ci fonctionnait parfaitement. Cette note n'est pas datée et ne précise pas quand l'équipement a été vérifié.

    Lorsque les tenants de l'opinion majoritaire ont accueilli l'appel de l'employeur, ils se sont fondés, dans une grande mesure, sur les éléments de preuve de l'employeur et ont ignoré, en grande partie, les preuves, les explications et les arguments de la prestataire. Ils ont constaté que l'employeur avait établi clairement qu'il avait un système de contrôle de l'encaisse et de l'inventaire pratique et simple. Ils n'ont fait aucune référence aux éléments de preuve justifiant ces constatations, sauf aux déclarations de l'employeur. Ils ont conclu que l'employeur avait démontré que le distributeur était en bon état malgré ce qu'en disait la prestataire. Comme nous l'avons mentionné précédemment, il n'y a aucune preuve corroborant que l'équipement fonctionnait au moment visé par cette affaire. Les tenants de la décision majoritaire ont déclaré que « la prestataire doit démontrer que ses actions et son comportement sont raisonnables, compte tenu des responsabilités assignées. Elle n'a pu expliquer les faits décrits à la pièce 4.5. » [Traduction]

    Cette dernière déclaration constitue une erreur de droit et de fait. En réalité, la prestataire a donné des explications qui ont convaincu la Commission qu'elle n'avait aucun acte d'inconduite à se reprocher. Il est clairement établi dans la jurisprudence qu'il incombe soit à la Commission soit à l'employeur de démontrer qu'il y a eu inconduite de la part d'un prestataire. Dans la décision CUB 19112, le juge Martin s'est exprimé ainsi :

    « Dans les affaires d'inconduite, la partie qui allègue l'inconduite a la lourde charge de la prouver. Avant qu'un conseil ne confirme la décision d'un agent d'assurance d'exclure un prestataire dans un cas d'inconduite, il doit définir la conduite du prestataire qu'il qualifie d'inconduite et ensuite conclure que le ou la prestataire a perdu son emploi en raison de cette inconduite. »

    Et dans la décision CUB 44544, le juge Evans a ajouté ceci :

    « Avant de conclure qu'un employé a été congédié en raison de son inconduite, le conseil doit d'abord déterminer la nature de la conduite constituant la présumée inconduite. Cette conduite est habituellement évidente au dossier. Deuxièmement, le conseil doit conclure que le comportement en question constituait une inconduite aux fins de la Loi. Troisièmement, le conseil doit déterminer que la perte d'emploi est le résultat direct de l'inconduite et non une excuse pratique pour se débarrasser d'un employé. Voir le CUB 34832.

    En l'absence d'une preuve suffisante pour justifier une conclusion d'inconduite, la simple allégation d'inconduite avancée par un employeur ne libère pas ce dernier du fardeau de la preuve : CUB 23168. L'employeur dans cette affaire n'a fourni aucune preuve justifiant son allégation à l'égard du fait que l'appelant aurait accédé à des productions sexuelles explicites le 27 décembre 1997, allégation vigoureusement niée par l'appelant. La preuve présentée au conseil n'a nullement été appuyée par les allégations de l'employeur [sic], bien que ce dernier doive prouver l'inconduite : CUB 34832. »

    Et la Cour d'appel fédérale a ajouté ce qui suit, dans l'arrêt Bartone (A-369-88) :

    « Nous estimons également que le juge-arbitre a eu raison de croire que l'obligation de prouver qu'il y avait eu inconduite au sens de l'article 41 incombait à la Commission d'assurance-chômage et/ou à l'employeur. Nous sommes aussi d'avis qu'il était permis au juge-arbitre de conclure, comme il l'a fait, que ce nouvel élément de preuve créait un doute relativement à l'inconduite alléguée du prestataire, et qu'en conséquence il n'avait pas été prouvé que ce dernier avait perdu son emploi en raison de son inconduite, au sens donné à cette expression à l'article 41 de la Loi. C'était là une question d'appréciation de la preuve parfaitement du ressort du juge-arbitre. »

    Le membre dissident du conseil a examiné les allégations de l'employeur ainsi que les explications et les arguments de la prestataire et a conclu que l'employeur n'avait pas prouvé l'inconduite.

    À l'audience, la prestataire souhaitait présenter la décision rendue par la Direction générale des normes du travail du ministère des Ressources humaines et de l'Emploi de l'Alberta, décision selon laquelle elle avait gagné le grief déposé contre son employeur. Je ne peux tenir compte de ce document en appel parce que le conseil arbitral n'en a pas été saisi.

    Pour les raisons énoncées ci-dessus, je conclus que la décision des tenants de l'opinion majoritaire est entachée d'une erreur de droit et de fait. Ces derniers n'ont pas tenu compte des éléments de preuve et des arguments de la prestataire et ont commis une erreur en concluant qu'il incombait à la prestataire de prouver qu'elle n'était responsable d'aucune inconduite. Ils n'ont pas établi clairement que la conduite de la prestataire équivalait à de l'inconduite ayant entraîné son congédiement.

    Par conséquent, la décision majoritaire du conseil est annulée. Je vais rendre la décision qu'aurait dû rendre le conseil. L'appel de l'employeur à l'encontre de la décision de la Commission est rejeté pour les raisons énoncées dans la décision du membre dissident.

    GUY GOULARD

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 9 juin 2003

    2011-01-16