TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
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d'une demande de prestations présentée par
Charlene PENNER
- et -
d'un appel interjeté par la prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à Burnaby (Colombie-Britannique) le 18 juin 2002
DÉCISION
Le juge-arbitre GUY GOULARD
La prestataire a travaillé pour le University College of the Cariboo du 13 mars 1997 au 14 août 2001. Elle a présenté une demande de prestations le 8 novembre 2001. Le 23 janvier 2002, la Commission a avisé la prestataire qu'elle n'était pas admissible aux prestations parce qu'elle n'avait pas accumulé le nombre minimal d'heures d'emploi assurable au cours de sa période de référence, soit du 5 novembre 2000 au 3 novembre 2001. Le 8 février 2002, la prestataire a demandé que sa demande soit antidatée avec prise d'effet le 12 août 2001. La Commission a refusé la demande d'antidatation parce qu'elle a déterminé que la prestataire n'avait pas de motif valable pour la présentation tardive de sa demande.
La prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant le conseil arbitral, qui a rejeté l'appel. Elle a interjeté appel de la décision du conseil devant le juge-arbitre. L'appel a été entendu à Vancouver (Colombie-Britannique) le 7 août 2003. La prestataire a assisté à l'audience et la Commission était représentée par Me Naomi Wright.
La principale raison invoquée par la prestataire pour la présentation tardive de sa demande était qu'elle attendait de recevoir son relevé d'emploi (RE) afin de s'assurer qu'elle avait le nombre requis d'heures d'emploi assurable pour avoir droit aux prestations.
La prestataire a quitté son emploi le 14 août 2001. Le RE (pièce 3) est daté du 30 octobre 2001. Dans sa demande d'antidatation (pièce 6-1), la prestataire déclare qu'au moment de quitter son emploi, elle a demandé son « certificat de cessation d'emploi » car elle n'était pas certaine de son nombre d'heures d'emploi assurable. Elle ajoute « je n'ai jamais reçu le certificat et comme le temps passait, j'ai décidé de m'en occuper moi-même. (...) Après un certain temps, je l'ai enfin reçu et j'ai constaté au total de mes heures (plus de 500) que je serais probablement admissible à l'assurance-emploi. J'ai aussitôt présenté une demande... » [Traduction]. Sa demande est datée du 8 novembre 2001, un peu plus d'une semaine après la date où le RE a été établi. Si l'on tient compte du temps nécessaire à la prestataire pour recevoir le RE, il est plausible qu'elle ait présenté sa demande immédiatement après avoir reçu son RE. Elle a déclaré qu'un certain temps s'était écoulé avant qu'elle relance son employeur qui ne lui avait pas encore envoyé son RE, parce qu'elle était trop occupée à organiser la réinstallation de sa famille. Dans sa lettre d'appel au conseil (pièce 12-1), elle a écrit : « Ma demande a été refusée parce ce que je n'avais pas assez de renseignements... » [Traduction].
Dans ses représentations écrites au juge-arbitre (pièce 13-1), la Commission a déclaré : « La prestataire a indiqué qu'elle n'avait pas présenté de demande de prestations au moment de sa cessation d'emploi parce qu'elle croyait qu'elle n'avait pas suffisamment d'heures pour y avoir droit » [Traduction]. Ce n'est pas exactement ce qu'a déclaré la prestataire. Elle n'a pas présenté sa demande parce qu'elle attendait son RE pour confirmer ses heures d'emploi assurable. Dans sa décision, le conseil semble s'être fondé seulement sur la déclaration de la Commission relativement à la cause du retard : « elle a choisi de se fonder sur ses idées reçues pour décider qu'elle n'était pas admissible au bénéfice des prestations ». Le conseil soutient également « qu'elle n'avait reçu son relevé d'emploi que le 30 septembre 2002, mais qu'elle n'avait entamé aucune démarche à ce moment ». Cela constitue une importante erreur de fait en ce qui concerne la date de réception du RE et le fait qu'elle n'a a pas agi immédiatement. La preuve irréfutée indique que la prestataire a agi dès réception de son RE un peu après le 30 octobre 2002.
La prestataire a également indiqué que la Commission peut retarder l'exercice de ses responsabilités d'application comme le démontre le délai de presque deux mois de la Commission pour aviser la prestataire de la décision relative à sa demande d'antidatation. La prestataire n'a été avisée de la décision de la Commission qu'après avoir écrit à la ministre de DRHC pour se plaindre de la lenteur du processus.
Dans l'arrêt Albrecht (A-172-85), la Cour d'appel fédérale a déterminé que pour savoir si le prestataire avait un motif valable, il faut déterminer s'il a agi ou non comme une personne raisonnable et prudente aurait agi dans les mêmes circonstances. Dans l'arrêt Caron (A-395-85), la Cour a soutenu que pour justifier la présentation tardive d'une demande de prestations, le prestataire doit démontrer qu'il ou elle a fait ce « qu'une personne raisonnable et prudente aurait fait dans les mêmes circonstances, soit pour faire clarifier sa situation par rapport à son emploi, soit pour s'enquérir de ses droits et obligations en vertu des dispositions de la Loi ».
Dans cette affaire, après avoir perdu son emploi, la prestataire a demandé son relevé d'emploi pour confirmer son admissibilité. Elle était alors très préoccupée par la réinstallation de sa famille. La prestataire a néanmoins poursuivi ses efforts pour obtenir un RE de son employeur. Dès réception de son RE, elle a présenté une demande. Une telle conduite ne peut être considérée incompatible avec la conduite d'une personne raisonnable.
Je conclus donc que le conseil a commis une erreur de fait, d'après les erreurs mentionnées précédemment, et une erreur de droit en concluant que la conduite de la prestataire ne répondait pas au critère de motif valable pour la présentation tardive d'une demande établi par la Cour d'appel fédérale dans la jurisprudence mentionnée précédemment.
Par conséquent, l'appel est accueilli. La décision du conseil est annulée et remplacée par ma décision, à savoir que l'appel interjeté par la prestataire à l'encontre de la décision de la Commission est accueilli.
GUY GOULARD
JUGE-ARBITRE
Ottawa (Ontario)
Le 29 août 2003