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  • CUB 58261

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la Loi sur l'assurance-emploi

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    DARRELL SIRONEN

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à Burnaby (Colombie-Britannique) le 18 juillet 2002

    DÉCISION

    Appel instruit à Vancouver (Colombie-Britannique) le 23 mai 2003.

    LE JUGE-ARBITRE W.J. HADDAD, C.R.

    Dans cet appel interjeté par le prestataire, il s'agit de déterminer si le prestataire a perdu son emploi chez International Forest Products Limited (aussi connu sous le nom d'Interfor), le 26 mars 2002, en raison de son inconduite.

    Une demande de prestations renouvelée a été établie avec prise d'effet le 28 avril 2002. La Commission de l'assurance-emploi a conclu que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations et cette conclusion a été confirmée par le conseil arbitral dans une décision rendue le 19 juillet 2002.

    Avant que je ne détermine le bien-fondé de l'appel, je vais répondre aux déclarations faites dans une lettre d'Interfor adressée au Bureau du juge-arbitre, en date du 9 mai 2003, à laquelle est jointe une copie de la décision d'un arbitre, qui a tranché le grief déposé par le prestataire, par l'intermédiaire de son syndicat, à la suite de son congédiement. Il est plus pratique de citer la lettre plutôt que de paraphraser son contenu :

    « L'employeur est d'avis que la question litigieuse a déjà été tranchée au cours d'une procédure d'arbitrage effectuée conformément aux dispositions et en application du Labour Relations Code. La question de la cessation d'emploi de M. Sironen à la compagnie Interfor a été tranchée par l'arbitre Ken Albertini. Une copie de cette décision est jointe à titre informatif. Prenez note que l'arbitre Albertini a confirmé que le congédiement de M. Sironen était fondé.

    Selon l'employeur, les conclusions de faits tirées par l'arbitre Albertini portent sur la même question qui fait l'objet de la présente procédure, soit déterminer si le congédiement de M. Sironen était fondé. Aucune nouvelle audience n'est nécessaire dans les circonstances.

    Ainsi, l'employeur soutient que l'appel interjeté par M. Sironen devrait être rejeté au motif qu'il a été congédié en raison de son inconduite; par conséquent, aux termes des articles 30 et 31 de la Loi sur l'assurance-emploi, il n'est pas admissible à recevoir des prestations. » [Traduction]

    Je dois d'abord aviser Interfor que la décision d'un arbitre ne lie pas un juge-arbitre ou un conseil arbitral. En toute déférence, le point de vue exprimé par l'auteur de cette lettre indique la compréhension erronée de l'employeur relativement à la question en litige qui doit être tranchée aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi et à la compétence qui est conférée au juge-arbitre. Le Labour Relations Code, un code provincial, et la Loi sur l'assurance-emploi, une loi fédérale, sont des textes juridiques très divergents et indépendants, conçus à des fins différentes pour atteindre des objectifs différents. Le but de la Loi sur l'assurance-emploi est de fournir une aide financière à un employé qui a perdu son emploi involontairement et qui a droit aux prestations d'assurance-emploi selon les dispositions de cette Loi. Je crois que j'ai raison en disant que l'objectif du Labour Relations Code consiste à réglementer les relations entre la main-d'oeuvre et la direction. La décision de l'arbitre n'a donc aucune valeur probante quant à la conclusion qui a été tirée. De plus, elle ne peut être présentée comme élément de preuve à ce stade. Il incombe au conseil arbitral de recevoir et d'examiner la preuve. Ce n'est pas le rôle du juge-arbitre. La compétence du juge-arbitre consiste à mener un examen judiciaire pour déterminer si le conseil arbitral a commis une erreur au sens des dispositions du paragraphe 115(2) de la Loi qui prévoit ce qui suit :

    a) le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;

    b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

    c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

    En raison de la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Taylor (1991) 81 D.L.R. 697, confirmée par l'arrêt Canada (Procureur général) c. Hamilton A-620-94, le juge-arbitre commet une erreur en acceptant d'examiner de nouveaux éléments de preuve concernant le bien-fondé de la demande de prestations qui n'ont pas été présentés au conseil arbitral.

    Le prestataire, un employé de longue date, a perdu une jambe dans un accident de motocyclette. Par la suite, il a eu des problèmes dans le cadre de son emploi. Son employeur a mis fin à son emploi le 16 avril 2001 et, à la suite d'un grief, il a été réintégré dans ses fonctions selon les modalités d'une entente de réintégration conditionnelle et d'une deuxième entente intitulée « Accord de la dernière chance » [Traduction] (ou entente de probation). Les deux ententes ont été signées par le prestataire et datées du 13 juin 2001.

    Le prestataire n'a pas réintégré son emploi avant le 28 janvier 2002. Ce délai découle du fait que le prestataire a subi une blessure invalidante au cours de la période suivant la signature des deux ententes.

    Le 22 mars 2002, le prestataire est arrivé au travail en retard de neuf minutes et il a été congédié le 26 mars 2002 pour non-respect de son entente de probation. Son superviseur a également déclaré qu'il avait été incapable de trouver le prestataire sur les lieux de travail au cours des deux quarts de nuit précédant le jour de son retard au travail; cependant, le prestataire rétorque qu'il était au travail dans les deux occasions et qu'il était disponible.

    Le conseil arbitral a conclu comme suit que la conduite du prestataire était de l'inconduite :

    « Le conseil constate que le prestataire, malgré le rappel des modalités de son accord de la dernière chance et les soupçons de son employeur relativement à son absence deux jours auparavant, s'est quand même présenté au travail avec un retard de neuf minutes. » [Traduction]

    Il est clair que la prétendue absence du prestataire pendant les deux quarts de nuit n'a pas été prouvée et, par conséquent, que le conseil n'aurait pas dû en tenir compte pour évaluer l'inconduite. Dans les faits, l'inconduite sur laquelle le conseil a fondé sa décision est le retard au travail de neuf minutes du prestataire.

    Le prestataire affirme que le congédiement était une mesure excessive et qu'il n'avait enfreint aucune des deux ententes.

    On ne m'a pas renvoyé à une disposition de l'une ou l'autre des ententes que le prestataire est censé avoir enfreintes. L'employeur a simplement déclaré à la Commission que le prestataire avait enfreint l'entente de la dernière chance sans préciser aucune de ses dispositions. J'ai examiné les deux ententes et je ne relève aucune condition qui mentionne ou qui traite le retard au travail. De plus, il n'y a aucun élément de preuve dans les documents pouvant indiquer des antécédents d'absentéisme ou que les retards étaient chose courante.

    L'affirmation du prestataire n'est pas sans fondement. Le juge-arbitre Cattanach a déclaré ce qui suit dans la décision CUB 6666 :

    « L'"inconduite", incompatible avec l'exercice fidèle et convenable des fonctions pour lesquelles il a été engagé, est un motif de congédiement valable... Les cas mineurs ou insignifiants d'"inconduite" qui n'ont pas de portée matérielle sur l'efficacité de l'employé dans l'exercice de son travail et ne nuisent pas aux intérêts de l'employeur ni à la discipline, ne sont pas des justes causes de congédiement. »

    Le juge-arbitre Cattanach a également fait remarquer qu'il faut tenir compte du degré d'inconduite. Le congédiement du prestataire pour son retard n'a aucun rapport avec son rendement au travail. Se présenter au travail avec un retard de neuf minutes peut difficilement être considéré comme un geste qu'une personne commettrait intentionnellement. Ce comportement correspond aux propos du juge-arbitre, car il s'agit d'un cas mineur ou insignifiant d'inconduite et non d'un comportement qui cadre avec la notion d'inconduite - ou du moins l'inconduite est tellement mineure ou insignifiante et d'un degré si peu élevé, qu'elle ne justifie pas un congédiement ou ne donne pas raison pour exclure un prestataire du bénéfice des prestations.

    Les circonstances invoquées par l'employeur pour justifier le congédiement du prestataire laissent croire que l'employeur a profité d'une occasion, ou a avancé un prétexte, pour se débarrasser d'un employé difficile. Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Brissette (1994) 1 C.F. 684, 168 N.R. 60, la Cour d'appel fédérale (1994 1 C.F., page 690) a déclaré ce qui suit :

    « Il ne suffit pas, pour que l'exclusion joue, que l'inconduite ne serve que de simple excuse ou prétexte pour le renvoi (voir Raphaël Fuller, CUB 4503, 4 février 1976 par le juge Mahoney). Il faut qu'elle cause la perte d'emploi et qu'elle en soit une cause opérante. »

    Le conseil arbitral a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte du fait que l'inconduite mentionnée par l'employeur pour congédier le prestataire était mineure et insignifiante, en termes de degré, et ne justifiait pas l'exclusion du bénéfice des prestations. L'inconduite qui justifie un congédiement ne correspond pas toujours à l'inconduite qui exclut un prestataire de son droit aux prestations aux termes de la Loi.

    La décision du conseil arbitral est par les présentes annulée et l'appel est accueilli.

    « W.J. Haddad »

    W.J. Haddad, c.r. - Juge-arbitre

    Fait à Edmonton (Alberta)
    Le 9 juillet 2003

    2011-01-16