TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande présentée par
LUCIA LOJEWSKI
- et -
d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par l'employeur, SOINTULA CO-OP, à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral le 5 septembre 2002 à Nanaimo (Colombie-Britannique)
DÉCISION
Le juge-arbitre R.J. Marin
[1] Le présent appel, interjeté par l'employeur, a été instruit à Courtenay le 23 septembre 2003.
[2] L'employeur interjette appel de la décision d'un conseil arbitral confirmant que la prestataire, Lucia Lojewski, avait droit aux prestations puisqu'elle n'avait pas perdu son emploi pour inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi.
[3] La prestataire a demandé des prestations. La Commission a étudié les circonstances ayant conduit à la cessation de son emploi et statué que la prestataire n'avait pas perdu son emploi pour inconduite. Cette décision a été portée en appel devant un conseil arbitral qui a confirmé la décision de la Commission et rejeté l'appel de l'employeur. Ce dernier interjette maintenant appel de cette décision devant le juge-arbitre, invoquant un certain nombre de motifs pour faire annuler la décision du conseil.
[4] Premièrement, comme je l'ai indiqué à l'audience, je n'ai pas eu le loisir d'examiner la preuve présentée au conseil, car on n'a pas ordonné la transcription des délibérations, et je n'y ai pas eu accès. En ce qui concerne mon information limitée quant aux faits, je me reporte à la décision rendue dans l'arrêt Guitard (A-277-98).
[5] L'avocat de l'employeur allègue qu'il y a eu inconduite, du fait que la prestataire a pris un congé non autorisé par l'employeur, lequel avait refusé catégoriquement d'accorder ce congé.
[6] Le noeud de l'affaire est exposé dans la décision du conseil, dont je reproduis quelques extraits tirés des pièces 27-9, 27-10, 27-11 et 27-12. Je ne reproduis que les parties de la décision du conseil qui, à mon avis, sont à la base de ses conclusions :
Le conseil arbitral conteste la fiabilité des déclarations de Brad Piercy. Bien qu'il reconnaisse les titres de compétence de M. Piercy, le conseil arbitral fait remarquer qu'il se contredit dans les déclarations consignées en dossier. M. Piercy est le co-auteur, avec Mme Vokey, du rapport des vérificateurs du 31 décembre 2000. Ce rapport, présenté dans la pièce 3.4, indique que M. Piercy et Mme Vokey concluent que « Lucia est en fait une employée et qu'elle devrait être traitée comme telle aux fins de la paye »» [Traduction]. Toutefois, dans la pièce 14.9, M. Piercy semble avoir changé d'avis professionnel sur cette question lorsqu'il écrit à l'ADRC pour lui dire que de considérer l'intéressée comme une employée admissible aux prestations d'AE équivaudrait à abuser de notre système et à commettre une FRAUDE.
Le conseil arbitral met en doute les raisons ayant motivé un tel revirement de la part de M. Piercy, alors qu'aucune des conditions de travail de l'intéressée n'a changé, pas plus que le type de relation avec son employeur, sauf en ce qui concerne le congé pris par l'intéressée. Le conseil arbitral ne peut s'empêcher de rester songeur face à un revirement si étonnant de la part de M. Piercy par rapport à la déclaration qu'il avait faite dans la lettre de la direction présentée au conseil d'administration de la Co-op Store Association.
[...]
Le conseil arbitral estime qu'aucune preuve ne corrobore que l'intéressée a saboté le système informatique, tel qu'il est allégué. Il retient la version de l'intéressée selon laquelle elle a effacé certains fichiers dans le cadre des activités courantes et que les vérificateurs auraient pu extraire ces fichiers du bac de recyclage s'ils avaient su comment utiliser l'ordinateur et que, par ailleurs, ces fichiers avaient déjà été remis en format papier à chacun des membres du conseil d'administration de la Co-op.
En fait, le conseil conclut que le gérant du magasin et les vérificateurs semblent posséder moins de connaissances que l'intéressée en ce qui a trait à l'utilisation de l'ordinateur. Le conseil maintient que, si ces derniers avaient eu les mêmes connaissances qu'elle, ils auraient su comment accéder à tous les fichiers à l'aide du mot de passe du gérant du magasin et extraire les fichiers « supprimés »» qui se trouvaient dans le bac de recyclage à l'aide du mot de passe de deuxième niveau que l'intéressée avait fourni à Mme Vokey lorsqu'elle l'a demandé, comme il est indiqué dans son affidavit. De plus, il est peu probable que l'intéressée soit coupable de ces allégations, étant donné qu'au moment où elle a signifié qu'elle comptait prendre un mois de congé, elle tenait pour acquis qu'elle reprendrait son poste à la Sointula Co-op. Ainsi, le conseil arbitral estime qu'aucune preuve ne permet de conclure que l'intéressée a fait preuve d'inconduite relativement à cette allégation de sabotage informatique.
L'employeur maintient que l'intéressée n'a pas demandé l'autorisation de prendre congé. L'intéressée a déclaré avoir informé M. Fournier, lors de leur conversation téléphonique du 28 décembre 2001, de son intention de prendre congé tant que la question de son statut professionnel ne serait pas réglée. Elle a affirmé que, comme elle n'a entendu aucune opposition à ce congé de la part de M. Fournier durant leur conversation, elle a supposé qu'il était d'accord pour qu'elle prenne ce congé (pièce 19). Le conseil accepte la version de l'intéressée dans cette affaire, compte tenu de la prépondérance des probabilités. Le conseil arbitral trouve plausible que l'intéressée ait demandé ce congé, ou tout au moins qu'elle ait informé M. Fournier, durant leur conversation téléphonique du 28 décembre 2001, de son intention de le faire. Le conseil conclut que l'intéressée n'a pas agi de façon négligente ou insouciante, et que ses gestes ne constituent pas de l'inconduite. Le conseil maintient que l'intéressée a agi en personne raisonnable et prudente, et qu'elle craignait que ses liens avec son employeur ne donnent à penser qu'elle était sciemment partie à un stratagème de fraude fiscale. Le conseil arbitral juge que, afin d'écarter toute idée selon laquelle l'intéressée participait de plein gré à des pratiques illégales, elle a pris ce qu'elle considérait être les mesures appropriées pour se protéger, étant donné que le conseil d'administration n'a pas fait ce qui s'imposait pour changer son statut professionnel, même si une période de six mois s'était écoulée (de juin à décembre 2001), période durant laquelle ledit conseil savait qu'il manquait peut-être à ses engagements face à l'ADRC, qui avait déterminé que l'intéressée devrait être considérée comme une employée.
Le conseil arbitral est convaincu que l'intéressée n'a pas fait preuve d'inconduite au sens où l'entend la Loi sur l'assurance-emploi et estime qu'elle ne doit pas être exclue du bénéfice des prestations d'assurance-emploi. DÉCISION
Le conseil arbitral maintient la décision de la Commission et l'appel de l'employeur est rejeté.
[7] Pour déterminer s'il y a eu inconduite, il faut considérer de manière purement objective la conduite présumée. Le point de vue doit être objectif et non subjectif.
[8] La prestataire avait d'abord été engagée à contrat. Toutefois, le poste qu'elle occupait était un poste assurable. Il ne fait pas le moindre doute que malgré tout ce qui s'est dit, au moins une des parties avait mal compris la relation d'emploi. L'Agence des douanes et du revenu du Canada a statué que le poste était assurable. Cette décision n'a pas été portée en appel. En conséquence, elle ne peut être modifiée.
[9] Il y avait un malentendu au sujet du salaire payé à la prestataire. Cette dernière a exprimé son mécontentement devant l'absence de solution et indiqué qu'elle prenait congé. L'employeur voyait les choses autrement; il indique à la pièce 3-5 que la prestataire n'est plus à contrat, ajoutant néanmoins avoir apprécié son travail pendant la durée du contrat.
[10] Il ne s'agissait pas d'un contrat au sens strict mais plutôt d'une entente qui créait une situation d'emploi assurable. Dans le contexte, il faut déterminer si la cessation des services, qualifiée à la pièce 5-2 de retrait des services, a entraîné l'inconduite. Le directeur général de l'entreprise dit, à la pièce 5-2 :
Mme Lojewski ne travaille plus pour la Sointula Co-op Store Association, ayant été remerciée de ses services parce qu'elle a retiré ses services sans préavis.
[Traduction]
[11] Il n'y a aucune autre preuve d'inconduite qui aurait pu porter préjudice à l'entreprise. Je ne doute pas que la façon dont la prestataire s'est comportée a été source de désagrément mais il s'agissait seulement d'un « moyen de pression » [Traduction] comme l'a dit l'avocat; il reste à savoir s'il s'agissait d'inconduite au sens de la loi. Je ne suis pas convaincu qu'il s'agissait d'inconduite. En sa qualité de juge des faits, le conseil a d'ailleurs conclu que ce n'en était pas. Je ne crois pas que la conduite de la prestataire pouvait être qualifiée d'inconduite. Je n'ai aucune preuve indiquant que le conseil a rendu une décision abusive ou contraire aux faits. L'inconduite est bien définie dans la jurisprudence et les faits dont je suis saisi ne permettent pas de conclure à l'inconduite au sens de la loi.
[12] Je ne me crois pas justifié d'intervenir. L'appel de l'employeur est rejeté.
R.J. MARIN
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 5 novembre 2003