• Accueil >
  • Bibliothèque de la jurisprudence
  • CUB 59201

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande de prestations présentée par
    Yvan GRENIER

    et

    d'un appel interjeté par l'employeur, Enviro-Med Canada Inc., à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à North Bay (Ontario) le 25 avril 2003

    DÉCISION

    Le juge-arbitre GUY GOULARD

    Le prestataire a travaillé pour Enviro-Med Canada Inc. du 15 août 2001 au 6 décembre 2002. Il a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi le 9 décembre 2002. Une période de prestations initiale a été établie à partir du 8 décembre 2002. La Commission a par la suite déterminé que le prestataire avait quitté son emploi sans justification et lui a imposé une période d'exclusion de durée indéterminée à partir du 8 décembre 2002.

    Le prestataire a appelé de la décision de la Commission devant le conseil arbitral, qui a accueilli l'appel à l'unanimité. L'employeur, Enviro-Med Canada Inc., a pour sa part interjeté appel de la décision du conseil devant un juge-arbitre. L'appel a été instruit à North Bay, en Ontario, le 24 octobre 2003. Le prestataire, à qui l'on avait envoyé un avis en bonne et due forme, ne s'est pas présenté à l'audience. L'employeur était représenté par un médecin, M. Bob Porter, et la Commission était représentée par M. Derek Edwards.

    Le prestataire travaillait dans un centre d'élimination des déchets d'hôpitaux assurant un service à l'échelle de l'Ontario. Il considérait que cet emploi présentait de sérieux risques pour sa santé. Il dresse une liste des problèmes et incidents qui le préoccupent, dans les pièces 3-1 et 11-1. Il mentionne notamment s'être piqué à plusieurs reprises avec des aiguilles hypodermiques, avoir été aspergé de sang et de produits chimiques liquides ayant servi à la chimiothérapie, et en avoir reçu dans les yeux. Il a signalé ces incidents à son employeur et lui a fait part de ses préoccupations à cet égard, mais sans résultat. La preuve documentaire présentée vient corroborer plusieurs de ces incidents. La preuve comprend également des lettres de quatre ex-collègues, confirmant les dangers que le milieu de travail du prestataire présente pour la santé. Le prestataire ne s'est pas plaint au ministère du Travail parce qu'il craignait d'être renvoyé. Le dossier d'appel renferme également des rapports du ministère en question qui viennent corroborer certains faits dénoncés par le prestataire.

    L'employeur a fait valoir que les lieux de travail avaient fait l'objet d'inspections et que les problèmes portés à son attention avaient été réglés. Il a soutenu que l'environnement de travail était sécuritaire.

    Aucune des parties ne s'est présentée devant le conseil et ce dernier a rejeté l'appel de l'employeur. Le conseil fournit dans sa décision un résumé détaillé de la preuve documentaire. Il conclut que le prestataire a démontré qu'il avait quitté son emploi parce que ses conditions de travail n'étaient pas sécuritaires, et qu'il avait d'abord tenté de régler la situation en portant à l'attention de son employeur les problèmes qui le préoccupaient.

    Dans le cadre de l'appel, l'employeur a soutenu qu'il offrait à ses employés un milieu de travail aussi sécuritaire que dans n'importe quel service d'élimination des déchets d'hôpital en Ontario. Il a affirmé qu'il leur fournissait la formation et l'équipement de protection nécessaires. Il a fait valoir que le conseil arbitral n'avait pas tenu compte des documents qu'il avait présentés en preuve concernant les mesures de sécurité mises en place.

    Il a été clairement établi dans la jurisprudence que le conseil arbitral est la principale juridiction chargée d'établir les faits et de tirer des conclusions dans les affaires d'assurance-emploi.

    Ainsi, dans l'affaire Guay (A-1036-96), le juge Marceau de la Cour d'appel fédérale écrit :

    « Nous sommes tous d'avis, après ce long échange avec les procureurs, que cette demande de contrôle judiciaire portée à l'encontre d'une décision d'un juge-arbitre agissant sous l'autorité de la Loi sur l'assurance-chômage se doit de réussir. Nous pensons, en effet, qu'en contredisant, comme il l'a fait, la décision unanime du Conseil arbitral, le juge-arbitre n'a pas respecté les limites dans lesquelles la Loi assoit son pouvoir de contrôle.

    [...]

    De toute façon, dans tous les cas, c'est le Conseil arbitral -- le pivot de tout le système mis en place par la Loi pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation -- qui est celui qui doit apprécier. »

    Et dans la décision Ash (A-115-94), le juge Desjardins de la Cour d'appel fédérale écrit :

    « Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. »

    Et plus récemment, dans Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau a déclaré que le rôle d'un juge-arbitre se limitait à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés à la connaissance du conseil.

    En l'espèce, la décision du conseil repose entièrement sur la preuve documentaire substantielle et probante portée à sa connaissance.

    L'appel est par conséquent rejeté.

    GUY GOULARD

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 7 novembre 2003

    2011-01-16