TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI,
L.C. 1996, ch. 23
et
d'une demande de prestations présentée par
Laura Cormaggi
et
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à Richmond Hill (Ontario) le 17 juillet 2002
L'appel a été instruit à Toronto (Ontario) le 16 octobre 2003
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE R. C. STEVENSON
Mme Cormaggi interjette appel de la décision d'un conseil arbitral, qui a rejeté son appel à l'encontre d'une décision rendue par la Commission, qui a refusé d'antidater sa demande de prestations.
Mme Cormaggi a arrêté de travailler le 5 janvier 2002 en raison de complications survenues pendant sa grossesse. Elle n'a présenté sa demande de prestations que le 7 juin 2002.
Lorsque Mme Cormaggi a arrêté de travailler, les paragraphes 12(3) et 12(6) de la Loi sur l'assurance-emploi stipulaient ce qui suit :
(3) Le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées au cours d'une période de prestations est :
a) dans le cas d'une grossesse, quinze semaines;
b) dans le cas de soins à donner à un ou plusieurs nouveau-nés du prestataire ou à un ou plusieurs enfants placés chez le prestataire en vue de leur adoption, 35 semaines;
c) dans le cas d'une maladie, d'une blessure ou d'une mise en quarantaine prévue par règlement, quinze semaines.
(4) Les prestations ne peuvent être versées pendant
a) plus de quinze semaines, dans le cas d'une seule et même grossesse;
b) ou de plus de 35, dans le cas de soins à donner à un ou plusieurs nouveau-nés d'une même grossesse ou du placement de un ou plusieurs enfants chez le prestataire en vue de leur adoption.
(5) Des prestations peuvent être versées pour plus d'une des raisons prévues au paragraphe (3), le nombre maximal de semaines de prestations versées au titre de ce paragraphe ne pouvant toutefois dépasser cinquante.
(6) Sous réserve des maximums applicables dans chaque cas, des prestations peuvent être versées à la fois en application du paragraphe (2) et pour une ou plusieurs des raisons prévues au paragraphe (3); le cas échéant, le nombre total de semaines au cours desquelles des prestations peuvent être versées ne peut être supérieur à 50.
Le 27 mars 2002, la Loi d'exécution du budget 2001, L.C. 2002, ch. 9 (la loi modificative) a reçu la sanction royale. L'article 13 de cette Loi a ajouté cette phrase au paragraphe 12(5) de la Loi sur l'assurance-emploi :
si la période de prestations est prolongée au titre du paragraphe 10(13), soixante-cinq.
Le paragraphe 10(13) de la Loi sur l'assurance-emploi, tel qu'édicté par la loi modificative, stipule ce qui suit :
(13) Si, au cours de la période de prestations d'un prestataire, des prestations pour les trois raisons prévues au paragraphe 12(3)--mais aucune prestations régulière--lui ont été versées, mais, en ce qui touche celles versées pour les raisons prévues aux alinéas 12(3)b) et c), pour un nombre de semaines inférieur au nombre maximal applicable, la période de prestations est prolongée du nombre de semaines nécessaires pour que ce nombre maximal soit atteint.
Le paragraphe 15(2) de la loi modificative prévoit que le paragraphe 10(13) vise le prestataire pour toute période de prestations n'ayant pas pris fin avant le 3 mars 2002 ou ayant débuté le jour même ou après cette date.
Lorsque Mme Cormaggi a présenté sa demande de prestations de maternité et de prestations parentales, au mois de juin, la Commission l'a informée que sa demande avait été approuvée, qu'elle prenait effet le 2 juin 2002 et que les prestations parentales payées après les prestations de maternité seront versées pendant 35 semaines. De ce fait, Mme Cormaggi toucherait des prestations pendant 50 semaines au total.
Dans sa lettre d'appel au conseil arbitral, Mme Cormaggi s'est exprimée ainsi :
Je présente maintenant ma demande de prestations parce que, le 5 janvier 2002, on m'a dit que je devais arrêter de travailler en raison de complications qui sont survenues pendant ma grossesse. Lorsque j'ai appelé pour m'informer sur les prestations de maladie, on m'a avisée que je pouvais présenter une demande mais que cela diminuerait le nombre de semaines auquel je serais admissible après la naissance de mon bébé. Par conséquent, j'ai choisi de ne pas présenter de demande de prestations. J'ai appelé les ressources humaines à maintes reprises pour obtenir de l'information sur les prestations de maladie. J'ai communiqué avec eux pour la dernière fois au cours de la dernière semaine de février 2002, et la politique était ce qu'elle avait toujours été. On m'a avisée que je pourrais déposer une demande de prestations de maternité et de prestations parentales dix semaines avant la date prévue de mon accouchement, et c'est pourquoi je présente ma demande maintenant.
Au début du mois de juin, j'ai appelé pour m'assurer que je pouvais bien présenter une demande de prestations de maternité. Le représentant a alors déclaré qu'une nouvelle législation ayant pris effet le 3 mars 2002 permettait aux prestataires de toucher des prestations de maladie pendant 15 semaines et que cette période s'ajoutait à la période de prestations de maternité/parentales. Le représentant a suggéré que je demande des paiements rétroactifs de prestations de maladie et, si je ne fais pas erreur, il a mentionné que, si la demande de prestations ne pouvait pas être antidatée au 5 janvier 2002, on pouvait remonter à quatre semaines avant l'entrée en vigueur du règlement. Je demande que l'on vérifie si ma demande de prestations peut être antidatée au 3 mars 2002 ou le plus tôt possible. J'aurais présenté une demande de prestations de maladie à ce moment si j'avais su que la législation aurait changé, parce que j'étais toujours en congé de maladie non rémunéré. [Traduction]
Lorsqu'il a rendu la décision de rejeter l'appel de Mme Cormaggi, le conseil arbitral a fait la déclaration suivante :
Le conseil note que c'est le 3 mars 2002 qu'est entrée en vigueur la disposition législative portant la durée maximale de la période de prestations spéciales de 50 à 65 semaines. C'est sur la législation telle qu'elle existait à l'époque que la prestataire a fondé sa décision de ne pas présenter sa demande plus tôt. Selon ses dires, elle a présenté sa demande quand on lui a dit de le faire à DRHC et se trouvait en interruption de service lorsque la disposition législative est entrée en vigueur. La prestataire comprend bien la législation entrée en vigueur le 3 mars et, ainsi que l'atteste la pièce 9, a demandé si la Commission pouvait antidater sa demande pour qu'elle prenne effet le 3 mars. Le conseil prie la Commission de réexaminer la pièce 9 afin de déterminer si la prestataire peut bénéficier d'une prolongation de sa période de prestations.
Le paragraphe 10(4) de la Loi sur l'assurance-emploi est libellé comme suit :
Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu'à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu'il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.
Le sommaire de la Loi d'exécution du budget 2001, que l'on trouve dans les codes des lois, indique ce qui suit : « La partie 3 modifie la Loi sur l'assurance-emploi... pour prolonger la période de prestations de tout prestataire de prestations de maternité qui ne peut, sans cette mesure, recevoir des prestations spéciales pour le nombre maximal de semaines auquel il a droit. »
Il est évident que le projet de loi avait été présenté devant le Parlement depuis un certain temps et que la Commission connaîtrait son contenu. La Commission n'aurait toutefois pas pu savoir avec certitude quand et si l'édiction du projet de loi avait eu lieu. On ne peut reprocher à la Commission de ne pas avoir avisé Mme Cormaggi en janvier ou février que la Loi pourrait être bientôt modifiée, de sorte qu'elle puisse recevoir les prestations spéciales auxquelles elle aurait droit pendant un plus grand nombre de semaines.
Mme Cormaggi a fait ce qu'une personne raisonnable et prudente aurait fait dans les circonstances. Elle s'est informée auprès de la Commission en janvier et février, et on lui a donné des renseignements qui étaient exacts à ce moment. Elle avait le droit de présumer que la loi demeurerait inchangée. Lorsqu'elle a appris qu'on avait modifié la loi, elle a rapidement cherché à en tirer profit.
Cette situation correspond à celle décrite dans la décision CUB 37682. Dans cette cause, le prestataire avait pris sa retraite à l'âge de 65 ans. Jusqu'à deux ans auparavant, on ne payait pas de prestations aux personnes ayant atteint l'âge de 65 ans. J'ai établi que le prestataire n'avait pas agi de manière déraisonnable ou imprudente en supposant que la Loi était toujours la même après son départ à la retraite ou en omettant de chercher à savoir si elle avait été modifiée.
Le conseil arbitral n'est pas parvenu à la conclusion que Mme Cormaggi avait des motifs valables pour avoir tardé à présenter sa demande de prestations, soit du 3 mars au 7 juin. Il s'agit d'une erreur de droit. Le conseil a effectivement refusé d'exercer sa compétence lorsqu'il a demandé à la Commission d'examiner de nouveau la pièce 9 afin de déterminer si la période de prestations de Mme Cormaggi pouvait être prolongée.
Je vais rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre. L'appel est accueilli et je renvoie l'affaire à la Commission en lui demandant d'antidater la demande de prestations de Mme Cormaggi au 3 mars 2002.
RONALD C. STEVENSON
Juge-arbitre
FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)
Le 14 novembre 2003