TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la Loi sur l'assurance-emploi
- et -
d'une demande de prestations présentée par
KARL G. BLASS
- et -
d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par le prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à Regina (Saskatchewan) le 23 janvier 2003
DÉCISION
Instruit à Regina (Saskatchewan) le 3 octobre 2003.
LE JUGE-ARBITRE W.J. HADDAD, C.R.
Cet appel interjeté par le prestataire porte sur deux questions :
1) déterminer si le prestataire a démontré avoir eu un motif valable pour présenter en retard sa demande de prestations et s'il y a lieu d'accéder à sa demande d'antidatation de sa demande de prestations;
2) déterminer si l'admissibilité du prestataire aux prestations de chômage est limitée à 20 semaines.
L'article de la Loi sur l'assurance-emploi qui s'applique dans le cas de la question 1) est le paragraphe 10(4) :
10(4) Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu'à cette date antérieure, il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu'il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.
Le prestataire, professeur à l'Université de Regina, est entré en fonction le 1er juillet 1975. D'après le relevé d'emploi émis par l'Université le 27 septembre 2002, le dernier jour de travail du prestataire pour lequel il a été rémunéré était le 27 avril 2002. Le prestataire a retardé jusqu'au 2 octobre 2002 la présentation de sa demande de prestations, laquelle était suivie d'une demande, datée du 8 octobre 2002, d'antidatation de sa période de prestations. La Commission a rejeté la demande d'antidatation parce qu'elle a conclu que le prestataire n'avait pas démontré que, entre le 15 mai et le 28 septembre 2002, il avait eu un motif valable pour tarder à présenter sa demande. Pour obtenir gain de cause, le prestataire doit démontrer, outre le fait qu'il avait un motif valable, qu'il était admissible au bénéfice des prestations à la date antérieure.
Le prestataire affirme qu'il a été amené à croire que les membres du corps professoral n'étaient pas admissibles au bénéfice des prestations. Il a évoqué les propos d'un conférencier qui avait déclaré à la blague, au cours d'un séminaire sur l'investissement en vue de la retraite qui a eu lieu en 1999, que les membres du corps professoral paient des primes d'assurance mais ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations. Le conférencier a poursuivi en disant que l'Université offrait un meilleur régime.
Le prestataire venait de recevoir son dernier chèque quand ses collègues du même cercle que lui l'ont pressé, au début du mois de mai 2002, de communiquer avec le bureau de chômage, ce qu'il a fait. Les démarches du prestataire sont relatées dans sa demande d'antidatation :
« Après que j'eus reçu avis de l'Université de Regina qu'on me remettait mon dernier chèque de paye (vers le 27 avril 2002), mes collègues membres de mon cercle social m'ont pressé de communiquer avec le bureau de chômage (au début de mai 2002). De positive qu'elle était au début, la réponse est très abruptement devenue négative quand j'ai informé mon interlocuteur du fait que l'Université me congédierait si j'acceptais un autre emploi. En juillet 1975, la directrice du personnel, Mme Joyce Blake, m'a fait signer un formulaire qui indiquait que je serais congédié si j'acceptais un autre emploi tant que je ferais partie de l'effectif de l'Université de Regina. Mme Blake avait souligné qu'il fallait faire approuver par les administrateurs de l'Université (soit le doyen et le vice-président signataire) tout contrat ou tout travail de consultation que je pourrais être amené à exécuter. Pour éviter tout problème, j'ai même fait don de mes premiers honoraires de consultation à l'Université de Regina. »
[Traduction]
Cette déclaration donne à croire que, à la date où il a fait sa demande de renseignements, le prestataire croyait qu'il était toujours membre du corps professoral de l'Université et qu'il craignait d'être congédié. La réponse positive s'explique sûrement par la présomption que la demande de renseignements découlait de ce que le prestataire aurait à l'époque été au chômage. La réponse négative a suivi la divulgation par le prestataire, en réponse à des questions, qu'il n'était pas à la recherche d'un nouvel emploi parce qu'il se considérait toujours comme étant employé, de sorte qu'il n'était pas admissible au bénéfice des prestations.
Le conseil arbitral ne s'est vu remettre aucun élément confirmant le statut d'emploi du prestataire après le 27 avril 2002. Le prestataire aurait pu informer le conseil arbitral à cet égard mais, pour une raison inconnue, il ne s'est pas présenté devant le conseil. Dans son argumentation à l'intention du juge-arbitre, le prestataire a expliqué qu'il avait été suspendu sans solde. Voilà un document ayant valeur de preuve qui a été entièrement disponible en tout temps, et que le prestataire aurait pu remettre au conseil. La raison de la suspension n'a pas été communiquée. Il ressort du dossier que la Commission n'a pas communiqué avec l'Université afin de déterminer le statut d'emploi du prestataire, ni pour aucune autre raison, et, par ailleurs, la Commission ne s'est pas efforcée d'obtenir cette information du prestataire. Par conséquent, j'éviterai de conjecturer sur la raison de la suspension. La suspension se justifiait peut-être dans l'esprit des autorités de l'Université mais les circonstances ayant donné lieu à cette mesure peuvent échapper au concept juridique d'inconduite. Quoi qu'il en soit, la question de la suspension et l'omission de la divulguer ne constituent pas des facteurs déterminants dans le cadre du présent appel.
Le fait que l'Université n'a pas émis de relevé d'emploi le 27 avril 2002 ou au moment de la suspension du prestataire présente une certaine importance.
Il n'y a aucune preuve que le prestataire ait été congédié. Il n'y a aucune preuve qu'il ait été mis fin à l'emploi du prestataire avant le moment où l'Université a émis le relevé d'emploi, le 27 septembre 2002, comme suite à une demande à cet effet présentée par le prestataire.
Le prestataire a discuté avec une planificatrice d'investissement en vue de la retraite en septembre 2002, laquelle a pressé le prestataire de communiquer avec le bureau de chômage et lui a conseillé de réclamer un relevé d'emploi à l'Université pour procéder ensuite à la présentation d'une demande de prestations accompagnée d'une demande d'antidatation de sa période de prestations.
Après le 27 avril 2002, l'Université a maintenu le prestataire dans un état d'incertitude quant à son statut d'emploi. Il croyait que s'il se mettait à la recherche d'un autre emploi après le 27 avril 2002 alors qu'il faisait toujours partie du corps professoral, il aurait donné à l'Université un motif pour le congédier ou son geste aurait équivalu à une démission. L'employeur a indiqué le code K (« autre »; voir la section des commentaires) comme raison pour émettre le relevé d'emploi. Aucune explication n'est donnée dans la section réservée aux commentaires.
À son avis d'appel au conseil arbitral, le prestataire a joint une argumentation écrite à l'appui de sa démarche; on trouvait le passage suivant dans le document en question :
« Lorsque je me suis présenté au Bureau des ressources humaines du Canada, il m'a semblé que personne ne savait que faire de ma demande parce que je n'avais pas encore été congédié. »
[Traduction]
Malgré l'absence de paye après le 27 avril 2002, le prestataire croyait, semble-t-il, qu'il faisait toujours partie de l'effectif. Il n'avait pas reçu d'avis de congédiement. C'est pour ces raisons que sa démarche d'information au bureau de chômage en mai 2002 s'est soldée par une réponse négative. Le prestataire était de toute évidence incertain et confus - non sans raison d'ailleurs - quant à son statut d'emploi et tout indique que les membres du personnel de la Commission, qui ne savaient trop que faire de la demande du prestataire, étaient également confus malgré le fait que le relevé d'emploi procurait à la Commission la preuve qu'il avait été mis fin à l'emploi du prestataire sans explication.
Pour déterminer l'existence d'un motif valable, il faut examiner toutes les circonstances pertinentes. Le conseil arbitral a omis de prendre en considération toute la preuve et toutes les circonstances. Il a par conséquent rendu une décision sans tenir compte de tous les éléments portés à sa connaissance. À cet égard, il a commis une erreur.
L'obtention d'un relevé d'emploi a permis au prestataire de démontrer qu'il était admissible au bénéfice des prestations à compter du 27 avril 2002. Le relevé d'emploi ne donnait aucune autre date de cessation d'emploi. Considérant l'incertitude dans laquelle il se trouvait relativement à son emploi à l'Université et la confusion que cela créait chez lui, le prestataire a démontré qu'il avait eu un motif valable pour présenter sa demande en retard. Par conséquent, en ce qui concerne la question 1), l'appel est accueilli.
En ce qui concerne la question 2), la Loi précise que le taux de chômage observé dans la région de résidence du prestataire détermine le nombre maximum de semaines de prestations auxquelles le prestataire est admissible. La Commission a donc fait savoir au prestataire que le nombre de semaines de prestations auxquelles il était admissible était de 20. Le prestataire n'a pas démontré que, conformément aux limites indiquées au paragraphe 115(2) de la Loi, le conseil avait commis une erreur de droit ni fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée quand il a confirmé le calcul de 20 semaines d'admissibilité effectué par la Commission. Par conséquent, relativement à la question 2), l'appel est rejeté.
Résumé :
Question 1) : appel accueilli.
Question 2) : appel rejeté.
« W.J. Haddad »
W.J. Haddad, C.R. - Juge-arbitre
Fait à Edmonton (Alberta)
Le 28 novembre 2003