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  • CUB 59686

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la Loi sur l'assurance-emploi

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    DAVE STRAUSS

    - et -

    d'un appel interjeté par l'employeur, ALBRICO SERVICES (1982) LTD., à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue à Burnaby (Colombie-Britannique) le 18 septembre 2002

    DÉCISION

    Appel instruit à Vancouver (Colombie-Britannique) le 5 novembre 2003.

    LE JUGE-ARBITRE W.J. HADDAD, C.R.

    La Commission de l'assurance-emploi a déterminé que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations pour avoir perdu, le 13 juin 2002, l'emploi qu'il occupait chez Albrico Services (1982) Ltd. en raison de son inconduite. Le présent appel est interjeté par l'employeur à l'encontre d'une décision rendue à l'unanimité par le conseil arbitral, lequel avait renversé la décision de la Commission.

    L'avocat de la Commission a indiqué que, même si la Commission était présente, elle ne participerait pas à l'appel. L'employeur était habilement représenté par son avocate, Corinn Bell. Le prestataire s'est présenté et a fait de brèves remarques en réaction à la présentation de Mme Bell.

    Je remarque, d'après l'information au dossier que, contrairement à l'employeur, le prestataire s'est présenté devant le conseil arbitral.

    Le prestataire, spécialiste de l'isolation thermique mécanique, a commencé à travailler pour l'entreprise le 7 janvier 1997 et, d'après mon examen de la preuve, la relation employeur-employé s'est réellement dégradée au cours de la dernière année.

    On a décrit le prestataire comme une personne très compétente dans son domaine. Il a occupé le poste de « chef d'équipe » au bureau de Langley et, d'après l'employeur, c'est à partir de ce moment que son rendement au travail a commencé à diminuer. Le prestataire a donc été démis de ses fonctions et muté dans une autre région à un poste moins élevé. L'employeur fournissait à certains de ses employés, y compris le prestataire, un véhicule et une carte d'essence. Le prestataire a remis son véhicule tel que demandé lorsqu'on l'a rétrogradé et a acheté l'un des véhicules de l'employeur afin de se rendre sur les lieux de travail. L'employeur soutient qu'il avait également demandé au prestataire de lui rendre sa carte d'essence, ce que le prestataire nie. De plus, le prestataire refuse d'admettre que son rendement au travail avait diminué.

    L'allégation la plus grave soulevée par l'employeur est que le prestataire aurait utilisé le camion de l'employeur pendant ses vacances pour transporter illégalement du poisson, et qu'il se serait servi de la carte d'essence de l'employeur pour acheter de l'essence pendant ses vacances et pour ses besoins personnels, et ce même après que l'employeur lui eut demandé de lui rendre la carte. Un document rédigé par un agent de conservation, que le prestataire a déposé plus tard devant le conseil arbitral, confirme que le prestataire avait transporté en toute légalité du saumon qu'il avait attrapé lors d'une partie de pêche sportive.

    L'employeur affirme qu'il a décidé de congédier le prestataire après s'être rendu compte que le prestataire utilisait la carte d'essence de l'entreprise à des fins personnelles.

    Sans entrer davantage dans les détails, notons que le prestataire, en plus de démentir cette allégation, a démenti d'autres questions factuelles, notamment qu'il avait rencontré le gérant de l'employeur le 22 avril 2002. En outre, le prestataire a réfuté les affirmations de l'employeur en fournissant ses propres explications au conseil arbitral.

    Les membres du conseil arbitral se sont réunis pour la première fois le 28 août 2002. À cette audience, le prestataire a déposé une série de déclarations faites par des personnes qui travaillaient ou qui avaient travaillé pour l'employeur et qui vantaient le dévouement du prestataire au travail et ses grandes compétences dans son métier. Le conseil a ajourné l'audience afin que des copies des nouveaux éléments de preuve puissent être remises à l'employeur. L'employeur a répliqué en faisant remarquer, d'un ton méprisant, que ces témoins étaient des amis ou des connaissances du prestataire. Je crois qu'il est juste de souligner qu'il n'est pas rare que l'on fasse appel à ses amis et connaissances pour obtenir du soutien. Je me contenterai de dire que les affirmations déposées par le prestataire présentent une image de lui qui contredit à plusieurs égards l'image véhiculée par l'employeur.

    Les membres du conseil arbitral se sont réunis à nouveau le 18 septembre 2002. Ils ont examiné en détail la preuve soumise par l'employeur, et leur décision indique qu'ils connaissaient très bien les allégations de l'employeur et la documentation sur laquelle ils se sont fondés pour appuyer leur position. Toutefois, ils ont également accordé du poids aux observations et explications du prestataire et au fait qu'il niait les allégations de l'employeur. Le conseil a conclu avec ce qui suit :

    « Quand on consulte le dossier et on parle au prestataire, il semble évident qu'il existait des frictions au travail pendant sa dernière année d'emploi. Il existe toutefois des écarts importants entre la version de l'employé et celle de l'employeur. Le prestataire a été rappelé au sujet de l'exactitude des notes de contrôle (pièces 8.16-37) sur lesquelles s'appuient les déclarations. L'employeur n'a pu fournir de preuves concernant des avertissements ou des mesures disciplinaires prises contre le prestataire (pièce 5.2). Si la Commission conclut qu'il s'agit d'inconduite, elle a le fardeau de fournir la preuve à l'appui. Dans le cas qui nous occupe, il existe d'importants écarts inexpliqués entre la version des faits présentée par l'employeur et celle présentée par le prestataire. Il s'agit d'une question de crédibilité et, en l'espèce, le conseil ne peut conclure qu'une partie est plus crédible que l'autre. Le conseil conclut qu'il n'y a pas suffisamment de preuves pour conclure que le prestataire a été informé clairement en avril 2002 qu'il n'avait plus le droit d'utiliser la carte de crédit de l'entreprise. Rien ne prouve qu'il l'a utilisée pour autre chose pour que pour se rendre au chantier et en revenir. On doit donc accorder le bénéfice du doute au prestataire. On ne peut conclure qu'il a fait preuve d'inconduite, comme le définit le tribunal dans l'arrêt A-1342-92. »

    Cette conclusion montre que le conseil a apprécié les éléments de preuve présentés et déterminé qu'ils étaient équivalents, et qu'il fallait accorder le bénéfice du doute au prestataire. Cette conclusion est conforme au paragraphe 99(2) de la Loi sur l'assurance-emploi. La preuve que le prestataire a présentée de vive voix au conseil arbitral a permis aux membres du conseil de faire un contre-interrogatoire. Les éléments du témoignage oral qui contredisent les affirmations écrites sont, de façon générale, traités avec déférence, surtout lorsqu'ils sont toujours recevables après le contre-interrogatoire. La présentation de l'employeur à l'appui du présent appel est en fait un examen de la preuve qu'il avait présentée par écrit au conseil et au juge-arbitre. L'employeur a fait appel parce qu'il considérait que le conseil avait rendu une décision abusive et sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Le conseil connaissait très bien la preuve que l'employeur avait déposée, mais il devait également vérifier la crédibilité du témoignage oral livré par le prestataire. Le conseil est l'entité la mieux placée pour évaluer la crédibilité des parties, et il a conclu que le prestataire était digne de foi. Le conseil a manifestement rejeté l'affirmation de l'employeur selon laquelle il avait demandé au prestataire de ne plus utiliser la carte de crédit de l'entreprise, et il s'agit là d'une conclusion essentielle au dossier. L'avocate de l'employeur a fait une présentation bien étayée et très convaincante. Toutefois, c'est le conseil qui agit comme juge des faits, et non le juge-arbitre.

    Je ne suis pas disposé à modifier la décision rendue par le conseil arbitral.

    L'appel est rejeté.


    W.J. Haddad, C.R., juge-arbitre

    Edmonton (Alberta)
    Le 5 janvier 2004

    2011-01-16