EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
RELATIVEMENT à une demande de prestations par
Marco BARTOLINI
et
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par l'employeur, Jacques Langevin Installateur de la décision d'un conseil arbitral rendue le 12 mars 2003 à Hull, Québec
DÉCISION
GUY GOULARD, Juge-arbitre
Le prestataire avait travaillé pour Jacques Langevin Installateur du 9 septembre 2002 au 20 décembre 2002. Il présenta une demande de prestations le 16 janvier 2003 et une période de prestations fut établie prenant effet le 22 décembre 2002. La Commission détermina par la suite que le prestataire avait perdu son travail à cause de sa propre inconduite et lui imposa une exclusion indéterminée des prestations à compter du 22 décembre 2002.
Le prestataire en appela de la décision de la Commission au conseil arbitral qui accueillit l'appel. L'employeur porta la décision du conseil devant le juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Ottawa, Ontario, le 10 décembre 2003. Le prestataire n'était pas présent mais était représenté par Me Richard Guérette. L'employeur était représenté par M. Jacques Langevin et la Commission était représentée par Me Antoine Lippé qui a indiqué que sa cliente n'intervenait pas dans cet appel.
Le prestataire avait été congédié pour avoir refusé de retourner au travail suite à un déjeuner de Noël offert par un fournisseur. L'employeur a maintenu qu'il avait permis au prestataire de se rendre au déjeuner mais qu'il lui avait indiqué qu'il devait retourner finir un contrat en après-midi. Le prestataire a, pour sa part, maintenu que l'employeur lui avait donné l'après-midi de congé. Il s'agissait du dernier vendredi avant Noël. L'employeur avait indiqué avoir constaté que le prestataire s'était rendu chez-lui pour se changer avant le dîner et qu'il avait consommé de la boisson alcoolique lors du dîner. Lorsque, vers 14h00, l'employeur demanda au prestataire de retourner au travail, ce dernier refusa, indiquant qu'il était en congé et qu'il avait pris quelques bières et ne voulait pas retourner au travail. L'employeur congédia le prestataire pour refus de retourner au travail. L'employer ajouta qu'il n'avait pas eu de problèmes avec le prestataire avant cet incident.
La décision du conseil arbitral se lit comme suit :
« Face à des témoignages totalement contradictoires, le Conseil arbitral doit plutôt se référer au CUB Siemens 39868 où le juge vient à la conclusion que dans l'éventualité où les éléments de preuve présentés de part et d'autre sont équivalents, la Commission doit accorder le bénéfice du doute au prestataire.
Dans le cas présent le prestataire prenait pour acquis qu'il était en vacances à compter de ce lunch du vendredi 20 décembre, quelques jours avant Noël.
On peut donc conclure que l'acte reproché ne rencontre pas le test légal puisque son geste n'a pas été motivé par de l'insouciance volontaire. "
En appel, l'employeur a maintenu qu'il avait indiqué dans la matinée avant le dîner de Noël que le prestataire devait revenir en après-midi pour compléter son travail. Il maintient que le prestataire savait qu'il devait revenir et qu'il n'aurait pas dû boire durant le dîner. Il a soumis que le conseil avait refusé d'accepter une lettre confirmant qu'il y avait une urgence à compléter le travail commencé en matinée. Il était allé lui-même compléter le travail.
L'avocat du prestataire a soumis qu'il s'agissait d'une situation où les parties en cause ne s'étaient pas bien compris. Le prestataire avait compris qu'il était en congé et l'employeur avait une autre perception des événements.
Il a soumis que le conseil avait revu la preuve et était arrivé à la décision que la version du prestataire devait être acceptée. L'avocat du prestataire a maintenu que la décision du conseil était tout-à-fait compatible avec la preuve soumise et que l'appel devait être rejeté.
La jurisprudence nous enseigne que le conseil arbitral est le maître dans l'appréciation de la preuve et des témoignages présentés devant lui. La Cour d'appel fédérale s'est exprimée ainsi sur ce sujet dans l'arrêt Guay (A-1036-96) :
" De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral, le pivot de tout le système mis en place par la Loi, pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation, qui est celui qui doit apprécier. "
La jurisprudence (Ash (A-115-94) et Ratté (A-255-95)) nous enseigne de plus qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Et plus récemment, dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau indiquait que le rôle d'une juge se limite " à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier ".
Dans ce dossier, la décision du conseil est raisonnablement compatible avec la preuve qui lui avait été soumise. Le conseil avait eu l'opportunité d'observer les témoins, leur attitude et leur comportement et d'en arriver à ses conclusions.
Le paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi prévoit qu'un juge-arbitre ne doit renverser la décision d'un conseil que si l'appelant peut démontrer que le conseil n'a pas observé un principe de justice naturelle, qu'il a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit ou qu'il a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. L'employeur n'a pas démontré que le conseil a erré de la sorte.
En conséquence, l'appel est rejeté.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
Ottawa, Ontario
Le 22 décembre 2003