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  • CUB 59868

    EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    RELATIVEMENT à une demande de prestations par
    Gilles PATRY

    et

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par l'employeur, Les Entreprises Biziers Inc., de la décision d'un conseil arbitral rendue le 30 octobre 2002 à Hull, Québec

    DÉCISION

    Guy Goulard, Juge-arbitre

    Le prestataire avait travaillé pour Les Entreprises Biziers Inc. du 1er avril au 2 août 2002. Il demanda le renouvellement de sa demande de prestations le 9 août 2002 et une période de prestations renouvelée fut établie prenant effet le 4 août 2002. La Commission détermina par la suite que le prestataire avait perdu son emploi à cause de sa propre inconduite et imposa une exclusion indéterminée des prestations à compter du 4 août 2002.

    Le prestataire en appela de la décision de la Commission auprès d'un conseil arbitral qui accueillit l'appel. L'employeur porta la décision du conseil devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Ottawa, Ontario, le 12 décembre 2003. Le prestataire était présent. L'employeur était représenté par M. Marc Bizier.

    La Commission n'est pas intervenu dans cet appel.

    L'employeur avait congédié le prestataire parce que, selon lui, le prestataire lui avait volé du matériel. Le prestataire avait nié les allégations de vol et avait maintenu que, suite à une plainte qu'il avait déposée à la CSST contre son employeur, les relations étaient devenues difficiles et que c'est suite à cela qu'il avait été congédié.

    Dans sa décision, le conseil revoit la preuve au dossier et les témoignages oraux de l'employeur ainsi que du prestataire pour en arriver à la décision suivante :

    « Le Conseil étant devant des versions contradictoires a pris en considération les points suivants : le prestataire a travaillé pendant 4 ans et selon l'employeur il n'a jamais eu à lui faire de reproches. Le prestataire a déposé une plainte devant la CSST et il est évident que l'employeur n'a pas apprécié ce geste. Suite à cette plainte, le prestataire s'est vu enlever le poste de chef d'équipe ce qui a provoqué des relations tendues entre le prestataire et le nouveau chef d'équipe et le prestataire et l'employeur. Une série de plaintes ont été portées pour envenimer le climat de travail. Le prestataire a emprunté de l'équipement avec l'autorisation du chef d'équipe et il semble que cette coutume se faisait avant. Il a acheté du bois comme il faisait avant mais le climat de travail a causé une réaction de la part de l'employeur et du chef d'équipe.

    Le Conseil estime que le geste posé par le prestataire ne constitue pas de l'inconduite au sens de la Loi. Il n'a pas eu de preuve présentée devant le Conseil qu'il y a eu vol (matériel acheté selon le prestataire, vol selon l'employeur). Le Conseil trouve que le climat de travail très difficile a mené à la décision du congédiement. En temps normal, l'incident aurait été traité d'une autre façon. Le prestataire aurait dû être rencontré par l'employeur et avoir la chance d'expliquer le matériel trouvé chez lui. Si l'employeur n'était pas satisfait avec l'explication donnée par le prestataire, il aurait pu lui donner un avertissement et le suivre. L'employeur a admis au Conseil que le prestataire avait sa pleine confiance avant la plainte à la CSST et nous sommes convaincus qu'il n'y aurait pas eu de congédiement si la plainte n'avait pas été déposée. »

    En appel, l'employeur soumet que le conseil n'a pas pris en considération tout la preuve qui lui avait été présentée. Il soumet que le conseil aurait dû accepter la position de la Commission à l'effet que le prestataire avait été congédié pour vol. Il indique qu'il a de la difficulté à trouver des employés et qu'il n'aurait donc pas congédié le prestataire sans motif valable.

    La jurisprudence nous enseigne que le conseil arbitral est le maître dans l'appréciation de la preuve et des témoignages présentés devant lui. La Cour d'appel fédérale s'est exprimée ainsi sur ce sujet dans l'arrêt M. Guay (A-1036-96) :

    « De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral, le pivot de tout le système mis en place par la Loi, pour ce gui est de la vérification des faits et de leur interprétation, qui est celui qui doit apprécier. »

    La jurisprudence (Ash (A-1 15-94) et Ratté (A-255-95)) nous enseigne de plus qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Dans l'arrêt Ash (supra) la juge Desjardins écrivait :

    « Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. Il y avait en outre une preuve abondante appuyant la conclusion de la majorité. »

    Et plus récemment, dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau indiquait que le rôle d'une juge se limite « à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier. »

    Dans le présent cas la décision du conseil est compatible avec la preuve au dossier. Le conseil a revu la preuve et a bien expliqué pourquoi il avait décidé d'accepter le témoignage du prestataire plutôt que celui de l'employeur. Il y avait de nombreux éléments de preuve sur lesquels le conseil a fondé sa décision.

    Le juge-arbitre n'est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui du conseil. Les compétences du juge-arbitre sont limitées par le paragraphe 115(2) de la Loi. À moins que le conseil arbitral n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'il ait erré en droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre doit rejeter l'appel.

    Je ne peux conclure en me fondant sur la preuve dont j'ai été saisi que le conseil arbitral a erré de la sorte.

    Par conséquent, l'appel est rejeté.

    Guy Goulard

    juge-arbitre

    Ottawa, Ontario
    Le 22 décembre 2003

    2011-01-16