TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
REBECCA ZISCHKA
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à Burnaby (Colombie-Britannique) le 28 avril 2003
DÉCISION
Le juge-arbitre David G. Riche
Dans cette affaire, il s'agit de déterminer si la prestataire était fondée à quitter son emploi le 29 janvier 2003.
Le conseil arbitral a rejeté l'appel de la prestataire, parce qu'il n'était pas convaincu que celle-ci n'avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi ou de prendre un congé compte tenu de toutes les circonstances. Il a constaté que la prestataire aurait pu continuer de travailler et chercher un nouvel emploi avant de quitter celui qu'elle occupait et qu'elle aurait pu consulter l'employeur dans le but de régler leurs différends.
Dans cette cause, la prestataire a quitté son emploi, parce qu'il y avait de la fumée provenant d'une pièce adjacente, que la température des lieux était trop élevée et que les employés manquaient de professionnalisme. Elle n'a pas communiqué avec le Workers' Compensation Board à cette époque, parce qu'elle ne voulait pas attirer d'ennuis à son employeur. Cependant, elle a contacté l'organisme par après.
J'ai examiné les pièces, particulièrement la pièce 4.1, dans laquelle la prestataire déclare qu'elle a quitté son emploi, parce que la fumée du fumoir entrait dans son bureau, qui était adjacent au fumoir, et parce que la température des lieux était très élevée car la porte donnant accès au fumoir devait demeurer fermée. La prestataire m'a également indiqué que « l'environnement manquant de professionnalisme » faisait référence à la réaction des autres employés lorsqu'elle avait soulevé des objections en ce qui concerne l'usage du tabac. Elle a parlé au superviseur, et des tentatives ont été faites en vue de régler la situation. Elle a déclaré que le problème de la fumée persistait. La prestataire était très inquiète des problèmes liés à la fumée secondaire. De plus, je remarque que, pendant cette période, elle a postulé un emploi chez deux ou trois employeurs et finalement obtenu du travail six semaines environ après avoir quitté son emploi.
La prestataire a décrit ses conditions de travail (pièce 5.1). Il y avait de la fumée secondaire qui s'infiltrait dans son aire de travail. Elle a discuté avec son superviseur au sujet de la fumée de cigarette, et ce dernier a répondu qu'il n'aimait pas non plus l'odeur de la fumée mais qu'il n'y avait vraiment rien que l'on puisse faire. Elle n'a pas abordé la question avec l'autre superviseur, parce qu'il était un fumeur et qu'elle ne croyait pas qu'il se serait montré compréhensif.
En ce qui a trait à la température des lieux, la prestataire a constaté qu'il faisait en moyenne 26 degrés Celsius.
Plus tard, son superviseur n'a pas pris ses préoccupations au sérieux et lui a dit, entre autres, de porter un bikini.
On a dit plus tard aux employés de ne pas faire fonctionner la climatisation pour régler le problème de la chaleur. On a informé la prestataire que le problème avait été réglé, mais cela n'était pas vrai.
J'ai étudié la décision du conseil arbitral et me suis préoccupé du fait que celui-ci avait souligné que la prestataire n'avait pas quitté son emploi pour des raisons de santé bien que cela semble maintenant être le cas dans cette affaire. Aucune preuve n'a démontré que la prestataire souffrait de problèmes de santé tels que l'asthme ou l'emphysème. Cette dernière se plaignait des risques que la fumée pouvait représenter pour sa santé. Je suis d'avis qu'il était inapproprié pour le conseil arbitral de se fonder sur la déclaration selon laquelle la prestataire n'avait pas de problèmes de santé pour rendre sa décision. Selon moi, il revenait au conseil de déterminer si les conditions de travail liées à son emploi constituaient un risque pour sa santé ou sa sécurité, tel que le prévoit le sous-alinéa 29c)(iv) de la Loi. Je me suis également préoccupé du fait que le conseil arbitral n'a pas tenu compte du commentaire de l'employeur selon lequel la prestataire devrait porter un bikini s'il faisait trop chaud. Bien que ce soit une plaisanterie, cette remarque n'était certainement pas appropriée.
L'avocat de la Commission s'est fondé sur la décision rendue dans l'affaire Purvess (CUB 24701), où le prestataire a quitté son emploi par crainte des risques liés à l'usage du tabac et à la fumée secondaire. Dans cette cause, le savant juge-arbitre a conclu que les conditions de travail ne représentaient pas un risque pour la santé et la sécurité de façon à constituer une justification. Je suis d'avis que nous avons parcouru beaucoup de chemin depuis 1994 en ce qui concerne les effets de la fumée secondaire. Au cours des dix dernières années, on a interdit l'usage du tabac dans presque tous les milieux de travail et un grand nombre d'édifices publics dans certaines régions du Canada. De plus, dans bien des villes, il est interdit de fumer dans les restaurants. On a également réservé des étages aux non-fumeurs dans les hôtels. Selon moi, c'est à l'employeur qu'incombe la responsabilité de fournir un environnement sans fumée pour tous les employés. Si, toutefois, l'employeur souhaite réserver une section aux fumeurs, celle-ci doit être isolée afin de ne pas représenter un danger pour les autres employés.
Dans cette cause, il semble clair que la prestataire était exposée à la fumée secondaire, et je suis convaincu que je peux admettre d'office le fait que la fumée secondaire est reconnue du point de vue scientifique comme constituant un risque pour la santé.
Pour ces motifs, je suis convaincu que l'appel de la prestataire doit être accueilli et que la décision du conseil arbitral doit être annulée. La prestataire avait enduré cet environnement pendant deux mois et demi environ et elle avait cherché un autre emploi, qu'elle a finalement obtenu en peu de temps. L'appel est accueilli, et la décision du conseil arbitral est annulée.
David G. Riche
Juge-arbitre
St. John's (Terre-Neuve)
Le 30 janvier 2004