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  • CUB 60147

    EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    RELATIVEMENT à une demande de prestations par
    Stéphane GAUTHIER

    et

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue le 7 avril 2003 à Montréal, Québec

    DÉCISION

    GUY GOULARD, Juge-arbitre

    Le prestataire avait travaillé pour Lafarge Canada Inc. du 4 décembre 2000 au 3 février 2003. Il présenta une demande de prestations le 24 février 2003 et une période de prestations fut établie prenant effet le 2 février 2003. La Commission détermina par la suite que le prestataire avait perdu son travail à cause de sa propre inconduite et imposa une exclusion indéterminée des prestations à compter du 2 février 2003.

    Le prestataire en appela de la décision de la Commission au conseil arbitral qui accueillit l'appel. La Commission porta la décision du conseil devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Montréal, Québec, le 4 février 2004. Le prestataire était représenté par Me Hans Marotte. La Commission était représentée par Me Nicholas Banks qui a soumis que le conseil avait erré en droit et en fait en décidant que le prestataire n'avait pas perdu son emploi en raison de son inconduite.

    La raison du congédiement fournie par l'employeur dans la lettre datée le 3 février (pièce 5-2) se lit comme suit :

    « À la suite d'absences répétées, de votre manque à aviser une personne responsable ou un collaborateur en temps utile (dont le dernier incident du 31 janvier 2003), ainsi que le manque de respect envers vos collègues et vos supérieurs, la décision a été prise de terminer votre emploi chez Lafarge. »

    Dans une lettre du 22 août 2002, l'employeur avait avisé le prestataire qu'il s'était absenté à maintes reprises sans informer l'employeur des raisons de ses absences, malgré des directives, suite à des absences précédentes non motivées où l'employeur avisait le prestataire qu'un tel comportement était inacceptable et que, s'il s'absentait à nouveau sans informer une personne appropriée chez l'employeur, ce dernier serait dans l'obligation de prendre des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu'au congédiement.

    Malgré cet avertissement, le prestataire s'était absenté les 15, 16, 24, 28 et 31 janvier 2003 sans communiquer avec son employeur. Il s'était aussi absenté le 24 janvier 2003 mais avait à cette occasion communiqué (pièce 5-3).

    Dans un document intitulé « Situation de travail lors de ma période d'embauche chez Lafarge Canada » daté le 6 avril 2003 (pièce 10), le prestataire explique pourquoi il avait dû s'absenter à maintes reprises. Il indique que le tout avait été expliqué à son supérieur immédiat et qu'il avait été convenu qu'il pourrait utiliser les jours de vacances qui lui revenaient pour compenser pour ses absences reliées à ses obligations d'ordre familial et personnel. La seule personne avec laquelle il avait eu des discussions au sujet de ses absences était son supérieur immédiat et il soumet qu'il y avait eu une entente avec lui quant à ses absences.

    La décision du conseil se lit en partie comme suit :

    « Lors de l'audience, l'appelant réitère tout ce qu'il avait déclaré dans ses déclarations écrites et mentionne que ses absences étaient reliées à la dépression de son père et à sa situation et à ses responsabilités familiales. L'appelant déclare aussi qu'il avait un désaccord avec monsieur Robichaud à cause du bonus qu'il a réclamé pour son rendement et sa performance.

    Après avoir étudié tous les documents au dossier et entendu le témoignage de l'appelant et l'argumentation de son représentant, étant donné que le père de l'appelant a sombré dans une dépression majeure il y a 1½ an et que l'appelant avait averti l'employeur de sa situation, le Conseil arbitral trouve le témoignage de l'appelant crédible et considère que l'appelant n'a pas perdu son emploi à cause de son inconduite. »

    En appel, la Commission a soumis que le conseil a omis de prendre en considération la preuve de l'employeur à l'effet que le prestataire, malgré des avertissements répétés, s'était absenté sans aviser son employeur ce qui constituait une inconduite qui avait mené à son congédiement. La Commission a maintenu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que ses absences non motivées pouvaient résulter en un congédiement.

    Le procureur du prestataire a soumis que la décision du conseil était bien fondée sur la preuve que le conseil avait bien analysée. Il souligne que le conseil avait décidé d'accorder plus de poids au témoignage du prestataire à l'effet qu'il y avait eu entente avec son supérieur immédiat. Cette preuve n'avait pas été contestée.

    La jurisprudence nous enseigne que le conseil arbitral est le maître dans l'appréciation de la preuve et des témoignages présentés devant lui. La Cour d'appel fédérale s'est exprimée ainsi sur ce sujet dans l'arrêt M. Guay (A-1036-96): « De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral, le pivot de tout le système mis en place par la Loi, pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation, qui est celui qui doit apprécier. »

    La jurisprudence (Ash (A-1 15-94), Ratté (A-255-95) et Childs (A-418-97)) nous enseigne de plus qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Dans l'arrêt Ash (supra) la juge Desjardins écrivait :

    « Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. Il y avait en outre une preuve abondante appuyant la conclusion de la majorité. »

    Et, plus récemment, dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau indiquait que le rôle d'une juge se limite « à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier ».

    Dans la présente affaire la décision du conseil est compatible avec la preuve au dossier. Le conseil était en droit d'accepter les explications, non réfutées, du prestataire.

    Le juge-arbitre n'est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui du conseil. Les compétences du juge-arbitre sont limitées par le paragraphe 115(2) de la Loi. À moins que le conseil arbitral n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'il ait erré en droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre doit rejeter l'appel.

    Je ne peux conclure en me fondant sur la preuve dont j'ai été saisi que le conseil arbitral a erré de la sorte.

    Par conséquent, l'appel est rejeté.

    Guy Goulard

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA, Ontario
    Le 24 février 2004

    2011-01-18