TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'une demande de prestations présentée par
Andrzej WOZNIAK
et
d'un appel interjeté par le prestataire à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral le 16 mai 2003 à North York (Ontario)
DÉCISION
Le juge-arbitre GUY GOULARD
Le prestataire a travaillé pour Toronto Research Chemicals Inc. du 9 juillet 2001 au 14 février 2003. Le 27 février 2003, il a demandé des prestations d'assurance-emploi. Une demande initiale prenant effet le 23 février 2003 a été établie à son profit. La Commission a déterminé que le prestataire était fondé à quitter son emploi et en a informé l'employeur.
L'employeur a appelé de la décision de la Commission devant un conseil arbitral qui a accueilli l'appel. Le prestataire a alors interjeté appel de la décision du conseil. Le présent appel a été instruit à Toronto le 18 février 2004. Le prestataire était présent mais non l'employeur.
Dans le questionnaire sur le départ volontaire (pièces 2-6 à 2-8), le prestataire a indiqué qu'il avait quitté son emploi parce qu'il trouvait que ses conditions de travail mettaient sa santé en danger. Il a détaillé ses raisons, affirmant qu'il y avait une explosion presque tous les mois parce que les mesures de sécurité étaient déficientes et que l'employeur ne se préoccupait aucunement de cette question. Il a souligné qu'il avait fait part de ses inquiétudes à l'employeur mais que cela n'avait rien donné. L'employeur n'a pas donné suite aux messages téléphoniques laissés par la Commission.
L'employeur a appelé de la décision de la Commission d'approuver la demande de prestations du prestataire, affirmant que ce dernier était parti parce qu'il était mécontent de son salaire et qu'il planifiait de retourner aux études. À la pièce 7-5, l'employeur mentionne une discussion au cours de laquelle on avait dit au prestataire qu'on allait bientôt faire son évaluation et qu'on réviserait son salaire à ce moment. L'employeur ajoute alors que le 17 février 2003, le prestataire a annoncé qu'il continuerait à travailler jusqu'à ce qu'il retourne aux études seulement si son frère et lui obtenaient une augmentation de salaire. On lui a alors répété que son salaire serait révisé quelques mois plus tard. Le prestataire a annoncé que son frère et lui démissionnaient. L'employeur a présenté une lettre du prestataire annonçant sa démission, laquelle prenait effet le 17 février 2003. Le prestataire disait partir parce qu'il était mécontent de son échelle de salaire et aussi à cause du stress élevé qu'il ressentait à travailler dans un milieu très peu sécuritaire.
L'employeur et le prestataire se sont présentés devant le conseil arbitral, lequel a longuement examiné la preuve de chacune des parties puis tiré la conclusion suivante :
« Le conseil arbitral en est unanimement venu à la conclusion que, même si le prestataire avait certaines préoccupations évidentes relativement à sa santé et à sa sécurité, sa principale source d'insatisfaction semble être reliée à l'administration des salaires. »
Le conseil a accueilli l'appel et annulé la décision de la Commission.
En appel, le prestataire a prétendu que le conseil ne lui avait pas laissé pleinement présenter sa cause. Il a soutenu que le conseil l'avait pressé dans son témoignage et empêché de présenter des éléments de preuve, mais qu'il avait laissé l'employeur présenter la déclaration d'un directeur de production. Il a indiqué que le conseil n'avait pas tenu compte de ses arguments écrits ni des incidents survenus au chapitre de la sécurité, lesquels contredisaient la preuve de l'employeur, selon qui il y avait eu seulement trois explosions en dix-huit mois (pièces 9 et 10). Il a ajouté qu'on ne lui avait pas permis de soumettre une liste d'employés qui avaient démissionné pendant les dix-huit mois où il avait occupé son emploi.
J'ai obtenu une transcription de l'audience tenue devant le conseil qui m'a amené à conclure que celui-ci n'a effectivement pas tenu compte de la preuve présentée par le prestataire et qu'il n'a pas permis à celui-ci de présenter de nouveaux éléments de preuve. À la page 43 de la transcription, le prestataire dit avoir d'autres éléments de preuve mais le président du conseil lui répond : « Nous n'avons pas besoin de preuve. » [Traduction] Puis à la page 49, le prestataire dit au conseil qu'il n'a pas eu la possibilité de présenter le moindre élément de preuve, ce à quoi on lui répond que « la preuve que vous avez présentée se trouve dans la déclaration que vous avez faite devant nous, Monsieur, et dans le dossier. » [Traduction] Le prestataire dit ensuite qu'il aimerait présenter les « déclarations signées de cinq employés exposant la situation dans laquelle nous sommes » [Traduction]. Le président répond qu'il n'acceptera pas cette preuve parce que le conseil s'intéresse uniquement à l'affaire du prestataire et non au fait que d'autres personnes peuvent avoir été ou non mécontentes. Le prestataire renvoie ensuite à la liste d'incidents faisant état d'une vingtaine d'explosions et d'incendies.
Je conclus que le conseil n'a pas permis au prestataire de présenter pleinement sa cause. Je conclus aussi que le conseil n'a pas tenu compte de la description détaillée faite par le prestataire des préoccupations qu'il avait au sujet de la sécurité au travail, selon les pièces 2-6 à 2-8 et la pièce 10, ni des raisons pour lesquelles il n'avait pas signalé ses préoccupations aux autorités. Ceux qui l'avaient fait avaient été congédiés.
Le conseil a bien conclu que « le prestataire avait certaines préoccupations évidentes relativement à sa santé et à sa sécurité » mais il a ensuite déterminé que la principale source d'insatisfaction du prestataire était reliée à l'administration des salaires. Je trouve que cette décision ne tient pas compte de la preuve importante fournie par le prestataire concernant les raisons pour lesquelles il avait démissionné, soit qu'il craignait pour sa sécurité. C'est ce qu'il avait affirmé. Sans ces raisons, il serait resté en poste jusqu'à son retour aux études, lequel n'était pas certain au moment où il est parti.
Par conséquent, l'appel est accueilli. La décision du conseil est annulée et la décision initiale de la Commission est confirmée.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 8 avril 2004