TRADUCTION
Dans l'affaire de la Loi sur l'assurance-emploi,
et
d'une demande de prestations de chômage présentée par
Douglas Cobbett
et
d'un appel interjeté par le prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue à Fredericton (Nouveau-Brunswick) le 7 octobre 2003
Appel instruit à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, le 7 avril 2004
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE R. C. STEVENSON
M. Cobbett interjette appel de la décision d'un conseil arbitral ayant rejeté son appel d'une décision de la Commission, qui avait déterminé qu'elle ne pouvait lui verser de prestations à compter du 12 mai 2003 parce qu'il exploitait une entreprise et qu'il ne pouvait être considéré comme étant sans emploi.
M. Cobbett, un ferronnier syndiqué, a perdu son emploi en octobre 2002, à la suite de quoi une période de prestations a été établie à son profit. Au printemps 2003, ne trouvant pas d'emploi dans son domaine, il a mis sur pied une petite entreprise de peinture et de rénovation.
Dans sa décision, le conseil arbitral a passé en revue la preuve documentaire et a résumé le témoignage oral de M. Cobbett. Voici un extrait de la décision du conseil :
CONSTATATION DES FAITS - APPLICATION DE LA LOI
Le conseil tient pour avéré que le prestataire a démarré une entreprise de peinture en avril 2003 et qu'il en est l'unique propriétaire. Le prestataire a répondu à diverses offres de marché et a décroché quelques contrats. Dans la plupart des cas, le prestataire a terminé le contrat de travail avant la date limite. Il avait deux employés, a investi peu de capitaux dans son entreprise et ne sait pas s'il rouvrira son entreprise l'an prochain.
[Le conseil cite ensuite le paragraphe 30(3) du Règlement sur l'assurance-emploi.]
Le conseil conclut que le prestataire consacre beaucoup de temps à l'exploitation de son entreprise.
[Le conseil cite le paragraphe 30(1) du Règlement.]
Le conseil conclut que le prestataire exploite une entreprise et est considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail. Le prestataire n'a pas prouvé qu'il était sans emploi.
Les paragraphes 30(1), (2) et (3) du Règlement portent ce qui suit :
30.(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (4), le prestataire est considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail lorsque, durant la semaine, il exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite une entreprise soit à son compte, soit à titre d'associé ou de coïntéressé, ou lorsque, durant cette même semaine, il exerce un autre emploi dans lequel il détermine lui-même ses heures de travail..
(2) Lorsque le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise selon le paragraphe (1) dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d'une personne, il n'est pas considéré, à l'égard de cet emploi ou de cette activité, comme ayant effectué une semaine entière de travail.
(3) Les circonstances qui permettent de déterminer si le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans la mesure décrite au paragraphe (2) sont les suivantes :
a) le temps qu'il y consacre;
b) la nature et le montant du capital et des autres ressources investis;
c) la réussite ou l'échec financiers de l'emploi ou de l'entreprise;
d) le maintien de l'emploi ou de l'entreprise;
e) la nature de l'emploi ou de l'entreprise;
f) l'intention et la volonté du prestataire de chercher et d'accepter sans tarder un autre emploi.
Si le conseil arbitral a fait référence au Règlement et a examiné les six critères à prendre en considération, il n'a tiré aucune conclusion de fait relativement à ces facteurs si ce n'est qu'il a conclu que le prestataire « avait deux employés, a investi peu de capitaux dans son entreprise et ne sait pas s'il rouvrira son entreprise l'an prochain. » Lorsqu'il est appelé à se prononcer sur la question du travail indépendant, le conseil arbitral doit tirer des conclusions de fait à l'égard de chacun des six critères et tenir compte de tous ces critères pour déterminer si le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans une mesure limitée. Dans le cas contraire, le conseil arbitral commet une erreur de droit et se trouve à ne pas exercer sa compétence.
Je vais rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre.
Le temps consacré. Il est difficile de déterminer combien de temps M. Cobbett a consacré à l'entreprise. Il a obtenu cinq contrats en mai et juin, et avait deux employés occasionnels sous ses ordres. Il a recommencé à travailler comme ferronnier à la fin juillet. Il a obtenu un contrat pour son entreprise à la fin août, mais il a confié le gros du travail à des entrepreneurs. Dans les observations qu'il a présentées au juge-arbitre, M. Cobbett mentionne qu'il a travaillé 34 jours comme ferronnier et consacré 28 jours à son entreprise entre le 11 avril et le 6 septembre 2003.
Le capital et les ressources investis. M. Cobbett n'a rien investi dans son entreprise, à part acheter les fournitures d'usage pour la peinture - une échelle, des pinceaux, des rouleaux et des bacs à peinture.
La réussite ou l'échec financiers. Le conseil arbitral ne disposait d'aucun élément de preuve pouvant lui permettre de tirer une conclusion au sujet de ce facteur. Dans les observations qu'il a présentées au juge-arbitre, M. Cobbett indique avoir tiré un revenu brut de 37 934 $ des contrats obtenus entre avril et septembre, réalisant un bénéfice net de 3 800 $.
Le maintien de l'entreprise. L'entreprise a cessé ses activités en septembre lorsque M. Cobbett a recommencé à travailler à temps plein comme ferronnier.
La nature de l'emploi. L'entreprise n'était pas compatible avec le domaine de travail habituel de M. Cobbett.
L'intention et la volonté de chercher et d'accepter un autre emploi. M. Cobbett souhaitait recommencer à travailler dans son domaine, et c'est ce qu'il a fait. La seule réserve qu'il a posée est qu'il aurait pu retarder son retour au travail s'il avait eu à terminer un contrat de peinture ou de rénovation.
Après avoir pris en considération ces six facteurs, j'estime, selon la prépondérance des probabilités, que M. Cobbett exploitait une entreprise dans une mesure si limitée que l'activité ne pourrait normalement représenter son principal moyen de subsistance.
J'accueille l'appel et annule l'inadmissibilité.
Ronald C. Stevenson
JUGE-ARBITRE
FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)
Le 23 avril 2004