TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
PATRICIA LOTNICK
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par Conmac Enterprises Ltd., ancien employeur de la prestataire, à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue le 14 mai 2003 à Victoria (Colombie-Britannique)
DÉCISION
Le juge-arbitre John J. Urie
L'employeur, Conmac Enterprises Ltd., a fait appel de la décision du conseil arbitral qui a accueilli l'appel de Mme Lotnick à l'encontre d'une décision de la Commission qui lui avait refusé le paiement de prestations parce qu'elle avait perdu son emploi de préposée à l'entretien ménager chez l'employeur le 5 février 2003 en raison de son inconduite.
En résumé, les faits sont les suivants. En accomplissant son travail, l'employée/l'intimée avait trouvé une montre. Elle a tenté de la remettre à la gouvernante principale mais n'avait pas pu le faire parce que cette dernière n'était pas disponible. L'intimée dit qu'elle a alors mis la montre dans une boîte dans son chariot, puis l'a transférée dans sa poche lorsqu'elle est allée prendre un café, pour la mettre en sécurité, puis l'a oubliée par la suite. Lorsqu'elle a été appelée dans le bureau de l'employeur, elle a admis qu'elle avait trouvé une montre et qu'elle l'avait sur elle afin qu'elle soit en lieu sûr. On lui a alors dit qu'elle était congédiée. Elle fait appel de ce congédiement.
Le conseil arbitral, en constatant les faits, a fait valoir ce qui suit :
« Le conseil trouve que toutes les déclarations de la prestataire sont sincères et crédibles. Le conseil s'entend pour dire qu'on ne dispose d'aucune preuve démontrant que le geste de la prestataire était délibéré et que son comportement était insouciant. Le conseil conclut qu'il est vraisemblable que la prestataire ait vraiment oublié la montre et qu'elle l'ait remise volontairement à l'employeur aussitôt qu'elle s'est rappelé qu'elle l'avait mise dans sa poche par souci de sécurité. Le conseil ne dispose pas de preuve comme quoi Mme Lotnick a été impliquée dans d'autres incidents au travail, problèmes de discipline ou suspensions. Le conseil conclut aussi, selon la prépondérance des probabilités, que d'autres questions ou facteurs ont conduit l'employeur à se servir de l'incident de la montre pour renvoyer la prestataire. »
Comme l'a fait remarquer le juge Rouleau dans le CUB 38287 - Nitsoff :
« Décider que la conduite d'un employé qui entraîne la perte de son emploi constitue une inconduite est une question de fait à régler à partir des circonstances de chaque cas. Avant d'annuler ou de modifier la décision d'un conseil arbitral, il faut montrer qu'il n'y avait pas de preuve sur laquelle fonder la décision, qu'on a fait abstraction complète de la preuve pertinente, qu'elle ne se rapportait pas à la preuve pertinente et crédible, que c'était une décision absurde en ce sens qu'aucun conseil raisonnable n'aurait pu rendre la décision qu'il a rendue. »
Ce que signifie « inconduite » aux fins de la Loi sur l'assurance-emploi est une question de droit. La jurisprudence abonde d'exemples où un comportement peut être considéré comme une « inconduite ». Le juge MacDonald dans l'arrêt McKay-Eden c. La Reine (A-402-96) a résumé la question pour la Cour d'appel fédérale de la manière suivante :
« À notre avis, pour qu'une conduite soit considérée comme une « inconduite » sous le régime de la Loi sur l'assurance-chômage [aujourd'hui la Loi sur l'assurance-emploi], elle doit être délibérée ou si insouciante qu'elle frôle le caractère délibéré. »
Dans la présente affaire, le conseil arbitral a correctement cité la jurisprudence (se reporter à la pièce 17-5). Il a rendu une conclusion claire et non ambiguë en ce qui a trait à la crédibilité de la prestataire dans l'extrait de sa décision reproduit ci-dessus. La conclusion du conseil en tant que juge des faits doit être acceptée à cet égard parce que le conseil est dans une bien meilleure position pour déterminer la crédibilité des témoins que ne l'est un juge-arbitre présidant une demande de révision judiciaire comme celle-ci. L'opinion du conseil sur la question devrait être acceptée.
Pour ce qui est des autres constatations du conseil, ce dernier était tout à fait en droit en se fondant sur la preuve orale et documentaire portée à sa connaissance de parvenir à la conclusion à laquelle il est parvenu. Cette décision n'est ni abusive ni arbitraire et le conseil n'a pas non plus omis de prendre en compte les éléments portés à sa connaissance, tel que requis à l'alinéa 115c) de la Loi qui prévoit que, pour qu'un appel d'une décision soit reçu, il faut que la décision soit fondée sur une conclusion de fait erronée. Aucune erreur de droit ou de compétence n'ayant été trouvée et comme, de toute évidence, il n'y a pas eu de violation d'un principe de justice naturelle, il n'y a rien qui justifie que cet appel soit accueilli. La Commission n'a joué aucun rôle dans cet appel. Par conséquent, nonobstant la suggestion que l'appel soit renvoyé à une nouvelle audience, je ne vois aucune raison de le faire. L'appel, en conséquence, est rejeté.
John J. Urie
JUGE-ARBITRE
VICTORIA (Colombie-Britannique)
Le 27 février 2004