TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la Commission de l'assurance-emploi
du Canada à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue
à Burnaby (Colombie-Britannique) le 21 août 2003
DÉCISION
La juge-arbitre R. KRINDLE
La Commission porte en appel une décision du conseil arbitral ayant déterminé que des redevances que le prestataire a touchées au cours de la semaine du 26 janvier au 1er février 2003 à la suite de la vente d'images extraites de photographies qu'il avait soumises pour acceptation des années auparavant, constituaient une rémunération applicable à la semaine au cours de laquelle il les a touchées.
Dans les faits, le prestataire prend des photographies dans ses temps libres, au moment où il en a envie, sans qu'il n'y ait d'obligation pour quiconque. Il garde en tout temps les droits d'auteur sur ses photographies. Il envoie les photographies à un agent qui se charge en vertu d'un contrat de commercialiser non pas la photographie, mais l'image, auprès d'éventuels acheteurs. L'agent choisit ses outils de mise en marché pour vendre les images et établit la structure de prix. Le prestataire n'a pas voix au chapitre. Ce ne sont pas les photographies qui sont vendues. L'agent vend un permis d'utilisation de l'image ou d'une partie de celle-ci pendant une période donnée.
La question en litige consiste ici à savoir si les redevances provenant de la vente du permis d'utilisation de l'image pendant une période donnée constituent une rémunération.
Le paragraphe 35(2) du Règlement dit ce qui suit :
[....] la rémunération qu'il faut prendre en compte pour déterminer [...] le montant à déduire des prestations à payer [...] est le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi, notamment [...]
La Cour d'appel fédérale a traité dans un certain nombre de dossiers de ce qui constitue une rémunération : voir les arrêts A-486-95 et A-597-94. Ainsi, pour qu'une somme versée constitue une rémunération, le critère suivant doit s'appliquer « un gain doit avoir les caractéristiques d'une somme payée en considération du travail accompli par le bénéficiaire ».
La question du revenu « provenant de tout emploi », au sens de l'espèce, a fait l'objet de nombreuses interprétations. Dans l'affaire de la décision CUB 45788, le juge-arbitre Marin a soutenu qu'une subvention du Conseil des arts du Canada accordée à un artiste en arts visuels pendant 12 mois, pour assurer sa subsistance tandis qu'il travaille dans son studio, constituait à coup sûr un revenu provenant d'un emploi. Le juge Marin s'est appuyé sur la définition que l'on donne du mot emploi: « tout emploi faisant l'objet d'un contrat de louage de services exprès ou tacite, ou d'une autre forme de contrat de travail ». Il a soutenu en outre que l'entente intervenue entre le Conseil des arts du Canada et l'artiste qui doit consacrer la plupart de son temps au cours des 12 mois à la création constituait bel et bien un contrat de travail.
La Commission s'appuie en l'espèce sur le contrat qui lie le prestataire et l'agent, en vertu duquel l'agent voit à mettre en marché les images des photographies que lui fournit le prestataire. Elle allègue que, sans le travail du prestataire, l'agent n'aurait pas d'images à commercialiser.
Le prestataire allègue que les redevances qui lui sont versées s'apparentent plus au rendement d'un investissement qu'à un paiement effectué en contrepartie de son travail, soit les photographies elles-mêmes. Il fait remarquer en particulier que ce ne sont pas les photographies qu'il a faites qui sont ensuite vendues par l'agent à des acheteurs. L'agent vend un produit bien distinct, qui n'a pas été réalisé par le prestataire, soit des images qui reproduisent tout ou partie des photographies. En vertu de l'entente, les photographies demeurent la propriété du prestataire. Elles constituent l'investissement, restent intactes et demeurent sa propriété.
Le conseil, qui a conclu en faveur du prestataire, a dit ce qui suit :
Donc, il y a quelques années, le prestataire a volontairement pris des photos. Il a ensuite passé un contrat avec un agent, en vue de mettre les images de ces photographies sur le marché tout en se gardant les droits d'auteur [...] Le prestataire a également expliqué (pièce 11.2), que lorsque la vente a eu lieu, l'objet de cette dernière n'était pas l'oeuvre en tant que telle ou le travail requis pour la produire. Le revenu était généré par le transfert de la licence des droits, et non par la vente d'une main-d'oeuvre ou d'un bien matériel quelconque. Le conseil est d'avis que l'auteur de l'oeuvre n'exécute aucun travail ou service qui soit lié aux redevances, et, qu'en fait, le revenu en question est généré par « la simple propriété » de l'oeuvre.
Le conseil s'est appuyé sur la décision CUB 39976, la seule décision portant sur la question de la propriété intellectuelle qu'il ait pu trouver. Une recherche effectuée parmi les décisions rendues n'a pas permis de trouver d'autres décisions sur cette question. La Commission n'a pu me convaincre que le conseil arbitral avait erré dans sa décision.
L'appel est rejeté.
Ruth Krindle
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 17 février 2004