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  • CUB 60465

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    et

    d'une demande de prestations présentée par
    John NOLAN

    et

    d'un appel interjeté par l'employeur, Prince George Theatre Workshop Society, à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue le 14 février 2003 à Prince George (Colombie-Britannique)

    DÉCISION

    Le juge-arbitre GUY GOULARD

    Le prestataire a travaillé pour la Prince George Theatre Workshop Society du 10 août 2001 au 4 novembre 2002. Le 4 décembre 2002, il a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi. Une période initiale de prestations a pris effet le 3 novembre 2002. La Commission a déterminé que le prestataire n'avait pas perdu son emploi en raison de son inconduite et a informé l'employeur de sa décision.

    L'employeur a interjeté appel de la décision de la Commission devant le conseil arbitral, qui a rejeté l'appel. L'employeur a ensuite porté en appel la décision du conseil. J'ai instruit cet appel à Prince George, en Colombie-Britannique, le 3 mars 2004. Le prestataire n'a pas assisté à l'audience, mais il a fait parvenir une lettre dans laquelle il indique que la décision du conseil est entièrement fondée sur la preuve. Il déclare qu'il n'a pas l'intention de poursuivre son ancien employeur. Le prestataire a produit une lettre du président de la Prince George Theatre Workshop Society qui est datée du 12 décembre 2003 et dans laquelle l'employeur indique qu'il est prêt à retirer son appel si le prestataire accepte de s'engager par écrit à ne pas entamer de poursuites contre l'entreprise. L'employeur est représenté par M. James Cluff.

    La lettre de congédiement indique qu'on a mis fin à l'emploi du prestataire parce que ce dernier a enfreint la politique de l'entreprise en divulguant des renseignements confidentiels et parce qu'il s'est montré acerbe, insolent, arrogant et intraitable.

    La question que devait trancher le conseil est de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Le dossier d'appel contient plusieurs documents, dont le document « confidentiel » que le prestataire est accusé d'avoir communiqué à d'autres personnes. On y trouve également une lettre de M. Keith Brain, qui a occupé le poste de président de l'atelier de théâtre de Prince George. M. Brain mentionne dans la lettre qu'il démissionne de son poste de président et qu'il n'approuve pas la façon dont le prestataire a été traité par le conseil d'administration.

    Le prestataire et des représentants de l'employeur ont assisté à l'audience du conseil. Ce dernier, dans une décision bien présentée, a examiné la preuve et a tiré les conclusions qui suivent :

    « Lorsqu'il est informé que la demande de prestations de M. Nolan avait été accueillie, l'employeur a interjeté appel de la décision. Il était d'avis que l'information fournie antérieurement montrait clairement l'incompétence de M. Nolan, son comportement répréhensible et les déclarations diffamatoires qu'il avait faites et soutenait une conclusion d'inconduite.

    M. Nolan, pour sa part, dit que de l'avis de professionnels avec lesquels il s'est entretenu, « les membres du conseil de la PFTWS ont de graves problèmes d'organisation, des personnalités venimeuses et des égo torturés. » (Pièce no 11-9).

    Le conseil conclut, que de tous les documents soumis par les deux parties, la lettre de démission de M. Keith Brain est le plus crédible. Il y écrit en substance ceci : « Nous avons eu trois administrateurs de théâtre à notre emploi. Les membres de notre Club et, oui, de notre conseil d'administration, les ont tous traités de piètre façon et leur ont imposé des conditions déraisonnables. » (Pièce no 11-13). Il poursuit en ces termes : « À l'époque, je croyais avoir fait clairement comprendre que le comité exécutif était responsable de la supervision de John, et non pas les douze membres du conseil d'administration. » (Pièces nos 11-14 et 15). Il déclare : « Je refuse de continuer à siéger au conseil dans les conditions qui y ont prévalu et qui y prévalent toujours. » Il rappelle aux membres du conseil d'administration qu'ils sont chargés de veiller à la santé financière du Club, et au bien-être de la Société et non pas de flatter les égo. (Pièce no 11-15).

    Le conseil considère cette preuve, émanant de l'ancien président de la Société, plus crédible que les accusations non fondées de l'employeur. Ses remarques confirment que la situation entre les membres du conseil de la Société était très malsaine.

    Le conseil conclut que le congédiement de M. Nolan était dans le meilleur intérêt de la société, mais qu'il était attribuable à l'ambiance malsaine plutôt qu'à une prétendue divulgation de renseignements confidentiels. »

    L'employeur a répété devant moi essentiellement les mêmes arguments qu'il avait présentés au conseil. M. Cluff a passé en revue la preuve documentaire versée au dossier d'appel et a allégué que le conseil avait commis une erreur en ne reconnaissant pas le fait que le prestataire avait divulgué des renseignements confidentiels. Le dossier démontre, d'après lui, que le prestataire s'est mal conduit en de nombreuses occasions.

    La Commission n'est pas intervenue au cours de l'audience sauf pour dire qu'elle appuyait la décision du conseil.

    Pour déterminer si les actes ayant entraîné le congédiement d'un prestataire constituent de l'inconduite, il faut avant tout apprécier la preuve et établir les faits. Il a été établi hors de tout doute dans la jurisprudence que le conseil arbitral est la principale instance qui doit juger des faits dans les affaires ressortissant à l'assurance-emploi.

    Dans l'arrêt Guay (A-1036-96), le juge Marceau écrit :

    « Nous sommes tous d'avis, après ce long échange avec les procureurs, que cette demande de contrôle judiciaire portée à l'encontre d'une décision d'un juge-arbitre agissant sous l'autorité de la Loi sur l'assurance-chômage se doit de réussir. Nous pensons, en effet, qu'en contredisant, comme il l'a fait, la décision unanime du Conseil arbitral, le juge-arbitre n'a pas respecté les limites dans lesquelles la Loi assoit son pouvoir de contrôle.

    [...]

    De toute façon, dans tous les cas, c'est le Conseil arbitral -- le pivot de tout le système mis en place par la Loi pour ce qui est de la vérification. des faits et de leur interprétation -- qui est celui qui doit apprécier. »

    Et dans l'arrêt Ash (A-115-94), la juge Desjardins s'exprime en ces termes :

    « Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. »

    Et plus récemment, dans l'affaire Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau déclare que le rôle du juge-arbitre se limite à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral est raisonnablement compatible avec la preuve portée à la connaissance du conseil.

    Dans l'affaire qui nous occupe, le conseil a rendu une décision qui est entièrement compatible avec la preuve portée à sa connaissance. Après avoir examiné l'ensemble de la preuve, le conseil a conclu que la version du prestataire était plus crédible que celle de l'employeur, ce qui a d'ailleurs été corroboré par le président de l'entreprise. L'employeur n'a pas réussi à démontrer que le conseil a rendu une décision erronée.

    Les pouvoirs du juge-arbitre sont limités par le paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi. Le juge-arbitre doit rejeter l'appel à moins que le conseil arbitral ait omis d'observer un principe de justice naturelle, qu'il ait rendu une décision entachée d'une erreur de droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. L'employeur n'a pas démontré que le conseil a commis une telle erreur.

    Par conséquent, l'appel est rejeté.

    Guy Goulard

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 12 mars 2004

    2011-01-16