TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'une demande de prestations présentée par
Magdy CONYD
et
d'un appel interjeté par le prestataire à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral le 14 novembre 2003 à Burnaby (Colombie-Britannique)
DÉCISION
Le juge-arbitre GUY GOULARD
Une demande de prestations prenant effet le 29 avril 2002 a été établie au profit du prestataire. La Commission a déterminé par la suite que le prestataire n'était pas disponible pour travailler, car il n'avait pas montré qu'il avait l'intention de chercher et d'accepter un emploi. Elle l'a donc déclaré inadmissible au bénéfice des prestations pour une période indéfinie qui commençait le 29 avril 2002.
Le prestataire a appelé de la décision de la Commission devant un conseil arbitral qui a rejeté l'appel à l'unanimité. Il a ensuite interjeté appel de la décision du conseil. Le présent appel a été instruit à Vancouver (Colombie-Britannique) le 9 mars 2004. Le prestataire était présent.
D'après le dossier, il semble que la Commission ait eu très tôt pour position de ne pas verser de prestations au prestataire, position sur laquelle elle ne semble pas avoir voulu revenir, quoi que dise ou fasse le prestataire.
Le conseil arbitral a accepté en grande partie la position de la Commission et s'est contenté de rejeter la preuve et les observations du prestataire, soutenant qu'il trouvait peu d'éléments appuyant les affirmations du prestataire, qui prétendait vouloir chercher et accepter un emploi.
L'examen du dossier montre que le prestataire a indiqué dans sa demande de prestations qu'il était prêt et disposé à travailler. À la première entrevue dont il est fait état avec un agent de la Commission, le 11 juillet 2002, le prestataire a affirmé qu'il cherchait du travail mais qu'il avait du mal à en trouver parce qu'il avait 63 ans. Il a indiqué qu'il n'y avait pas de travail à Ashcroft, où il résidait, mais qu'il avait poussé ses recherches jusqu'à Whistler et à Vancouver. L'entrevue en question avait porté surtout sur la résidence du prestataire. On lui avait dit de prendre note de ses recherches d'emploi.
L'entrevue suivante dont il est fait état a eu lieu le 25 juillet 2002 (pièce 8). La décision avait été prise de refuser au prestataire le bénéfice des prestations « compte tenu des faits et de la preuve figurant dans son dossier de demande » [Traduction]. Cette décision reposait sur la constatation par la Commission du fait que le prestataire n'avait pas accumulé le minimum requis d'heures d'emploi assurable. L'entrevue a surtout porté encore sur le lieu de résidence du prestataire. L'agent qui a réalisé l'entrevue a écrit que le prestataire avait dit qu'il avait 63 ans et qu'il était semi-retraité et voulait seulement travailler à Whistler les mois d'hiver. Bien que cette affirmation ait été contredite à maintes reprises par le prestataire, elle est reprise dans les arguments de la Commission et dans la décision du conseil.
Vient ensuite une entrevue menée le 26 août 2002 par suite de la décision du conseil, qui avait conclu que le prestataire avait le nombre requis d'heures d'emploi assurable pour qu'une période de prestations soit établie. Cette entrevue visait surtout à déterminer si le prestataire était en chômage et disponible pour travailler depuis le 28 avril 2002. Le prestataire a expliqué alors avoir fermé l'entreprise indépendante qu'il avait exploitée jusqu'à l'année précédente. Il a affirmé de nouveau qu'il était disposé à travailler dans la région d'Ashcroft ou de Whistler, ajoutant qu'il cherchait du travail dans le domaine du conditionnement physique. Il a indiqué qu'il avait parlé à d'anciens clients de son entreprise et pressenti deux clubs de golf au sujet d'un éventuel emploi.
Le 30 août 2002, le prestataire a appris que sa demande était rejetée. Au cours d'une entrevue réalisée le même jour (pièce 10), il a dit qu'il avait communiqué avec des gens de l'industrie touristique concernant les possibilités d'emploi mais qu'il n'y avait pas de travail. Il a aussi indiqué qu'il avait pressenti une boutique d'articles de sport à Whistler mais qu'on n'avait rien à lui offrir. Il a soutenu qu'il y avait eu malentendu à l'entrevue du 25 juillet et qu'il était prêt à accepter n'importe quel poste lié à ses compétences sans vouloir se limiter à travailler à Whistler l'hiver, bien que cette option fut une possibilité. Il a ajouté qu'il avait fait des démarches auprès de quelques centres de conditionnement physique, mais en vain. On lui a alors demandé de dresser la liste de tous les contacts qu'il avait faits dans sa recherche d'emploi.
Le 31 août 2002, le prestataire a télécopié une liste d'employeurs éventuels avec lesquels il avait communiqué. La liste contenait une trentaine d'éléments. Aucun nom n'était mentionné mais les numéros de téléphone étaient indiqués, ainsi que le nombre d'appels du prestataire et la réponse qu'il avait reçue le cas échéant.
Le 3 septembre 2002, le prestataire a expliqué en entrevue la liste qu'il avait remise à la Commission et répété qu'il était prêt à travailler n'importe où. On lui a dit que la position de la Commission n'allait pas changer.
La Commission présente sa position comme suit dans ses observations au conseil arbitral (pièce 15-1) :
« La Commission a étudié les faits et déterminé que le prestataire n'a pas prouvé qu'il était disponible pour travailler parce qu'il n'a pas montré qu'il avait l'intention de chercher et d'accepter un emploi. Le prestataire dit qu'il est semi-retraité et qu'il veut seulement travailler à Whistler l'hiver. Ses antécédents de travail le confirment. Sa recherche d'emploi est vague, ses démarches ne sont pas datées, et dans la plupart des cas, il n'a parlé à personne. Il laissait seulement un message disant qu'il avait téléphoné. La Commission a donc imposé une inadmissibilité d'une durée indéfinie à partir du 29 avril 2002, en application de l'alinéa 18a) de la Loi (pièce 11). »
[Traduction]
Ces observations contiennent des inexactitudes flagrantes. Le prestataire a nié vouloir travailler uniquement à Whistler pendant l'hiver. Ses antécédents de travail à Whistler s'expliquaient du fait qu'il avait exercé un travail indépendant pendant la majeure partie de la période visée. Il a indiqué à la pièce 13 qu'il avait communiqué avec tous les employeurs mentionnés et qu'il avait soit parlé à quelqu'un, soit laissé un message pour qu'on le rappelle, et que là où il avait inscrit « répondeur » ou « message », il n'avait parlé à personne. Il a précisé le nom ou le poste de la personne à qui il avait parlé ou laissé un message relativement à plus de douze de ses démarches. Seulement douze des démarches s'accompagnent de la mention « répondeur » ou « message ». Même si les dates ne sont pas précisées, l'information n'est pas si vague puisque le nom de l'entreprise, le numéro de téléphone et, dans la plupart des cas, le nom de la personne sont indiqués.
Devant le conseil, le prestataire a réitéré qu'il avait fait tous les contacts indiqués dans la liste et qu'il avait présenté son curriculum vitae à certains endroits. Il a expliqué qu'il a un endroit où résider à Whistler, à Ashcroft et à Vancouver, et qu'il cherche un emploi à temps plein.
Le conseil pouvait rejeter la preuve détaillée du prestataire, mais il devait expliquer pourquoi il la rejetait. Aux termes du paragraphe 114(3) de la Loi sur l'assurance-emploi, la décision du conseil doit comprendre un exposé de ses conclusions sur les questions de fait essentielles :
114(3) La décision d'un conseil arbitral doit être consignée. Elle comprend un exposé des conclusions du conseil sur les questions de fait essentielles.
Dans la décision Parks (A-321-97), le juge Strayer a écrit ce qui suit :
« Nous sommes tous d'avis que le conseil a commis une erreur de droit lorsqu'il a omis de se conformer au paragraphe 79(2). En particulier, nous sommes d'avis qu'il incombait au conseil de dire, au moins brièvement, qu'il a rejeté des parties cruciales de la preuve du demandeur et d'expliquer pourquoi il a agi ainsi. »
Dans la décision McDonald (A-297-97), le juge Linden a dit :
« Il faut absolument que le conseil arbitral aborde soigneusement les points litigieux réellement soulevés devant lui, et qu'il explique ses conclusions dans un raisonnement cohérent et logique. Tout ce qui est moindre est inacceptable. »
La décision du conseil est entachée d'une grave erreur, car le conseil n'a pas expliqué pourquoi il rejetait complètement la preuve abondante et probante du prestataire en faveur de la position très subjective de la Commission. Je ne peux que conclure que le conseil a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments qui lui avaient été présentés.
Je ne vois pas la nécessité de renvoyer l'affaire devant un nouveau conseil puisque, comme on l'a mentionné précédemment, il existe une preuve abondante montrant que le prestataire était disponible pour travailler.
Par conséquent, l'appel du prestataire est accueilli et la décision de la Commission est annulée.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 19 mars 2004