TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'une demande de prestations présentée par
Klaus PERNER
et
d'un appel interjeté par la Commission à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral le 18 juillet 2003 à Terrace (Colombie-Britannique)
DÉCISION
Le juge-arbitre GUY GOULARD
Le prestataire a travaillé à la Swift River Lodge du 1er novembre 2002 au 9 février 2003. Il a demandé des prestations d'assurance-emploi, et une période initiale de prestations prenant effet le 30 mars 2003 a été établie à son profit. La Commission a déterminé par la suite que le prestataire avait volontairement quitté son emploi sans justification et que son départ ne représentait pas la seule solution raisonnable dans son cas. Elle lui a donc imposé une inadmissibilité au bénéfice des prestations à partir du 30 mars 2003.
Le prestataire a appelé de la décision de la Commission devant un conseil arbitral qui a accueilli l'appel dans une décision majoritaire. La Commission a ensuite interjeté appel de la décision du conseil. Le présent appel a été instruit à Prince Rupert (Colombie-Britannique) le 1er mars 2004. Le prestataire était présent et accompagné de M. Gerald King, qui le représentait.
La Commission était représentée par Mme Mary-Ann Barker, qui a fait valoir que la majorité du conseil avait commis une erreur de droit et de fait en concluant que le prestataire avait montré qu'il était fondé à quitter son emploi. Elle a également allégué que le conseil avait omis d'établir que le prestataire n'avait d'autre solution raisonnable que de quitter son emploi, compte tenu de sa situation.
Les membres majoritaires et le membre dissident ont examiné la preuve en détail. Le prestataire a quitté son emploi après deux incidents au cours desquels un des propriétaires l'avait agressé verbalement. Le premier incident avait été réglé à sa satisfaction, et il avait continué de travailler. Il avait dit qu'il n'accepterait plus ce genre d'abus de la part de l'employeur. La deuxième fois, le prestataire n'a pas essayé de discuter de l'incident avec l'employeur parce que celui-ci avait bu. Le lendemain, le prestataire s'attendait à recevoir des excuses qui ne sont jamais venues. Il a décidé de démissionner. Il a affirmé qu'il n'avait d'autre choix que de partir. La majorité des membres a conclu que le prestataire avait établi qu'il avait une justification, compte tenu de l'antagonisme qui existait entre lui et l'employeur. Le membre dissident a admis que « l'agression verbale sous toutes ses formes est inacceptable » [Traduction] mais conclu qu'en l'espèce elle ne constituait pas une justification. Il a estimé que le prestataire aurait pu tenter de nouveau de régler la situation ou qu'il aurait dû essayer de trouver un autre emploi avant de démissionner.
La Commission a prétendu que le prestataire n'avait pas établi que son départ constituait la seule solution raisonnable, et que l'appel interjeté par le prestataire de sa décision devait être rejeté et que la décision majoritaire du conseil devait être annulée.
Le prestataire a dit avoir expliqué au conseil qu'il avait tenté de régler la situation, qu'il avait donné à l'employeur la possibilité de lui présenter ses excuses mais que celui-ci ne l'avait pas fait. Il a ajouté que le Lodge où il travaillait était trop éloigné pour qu'il puisse chercher un autre emploi.
La question de savoir si un prestataire a réussi à montrer qu'il était fondé à quitter son emploi et qu'il n'avait pas d'autre solution raisonnable repose essentiellement sur l'examen et la détermination des faits. Et il est établi dans la jurisprudence que la détermination des faits revient aux conseils arbitraux.
Dans l'arrêt Guay (A-1036-96), le juge Marceau, de la Cour d'appel fédérale, a écrit ce qui suit :
« De toute façon, dans tous les cas, c'est le Conseil arbitral -- le pivot de tout le système mis en place par la Loi pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation -- qui est celui qui doit apprécier.
[...]
Le juge-arbitre, d'après nous, ne pouvait pas rejeter cette conclusion du Conseil sur la seule base d'un raisonnement qui, en somme, ne fait que donner pleine priorité aux vues de l'employeur. »
Plus récemment, dans la décision concernant Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc (A-547-01), le juge Létourneau a affirmé que le rôle du juge-arbitre se limite à déterminer si l'appréciation des faits par le conseil arbitral est raisonnablement compatible avec les éléments portés à sa connaissance.
En l'espèce, la décision majoritaire du conseil est parfaitement compatible avec les éléments dont le conseil a été saisi. La majorité du conseil a étudié la preuve et noté que le prestataire avait dit n'avoir eu d'autre choix que de partir. Ce point n'a pas été contesté. Le conseil aurait pu être plus explicite dans sa conclusion relative à l'absence d'autre solution raisonnable mais il a néanmoins accepté le témoignage du prestataire et son affirmation selon laquelle il n'avait d'autre choix. Le prestataire avait essayé de résoudre la situation. Il n'était pas obligé de continuer à accepter la violence verbale. Comme il l'a indiqué, il ne lui était pas possible de chercher un autre emploi pendant qu'il travaillait à la Lodge.
Le paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi limite la compétence du juge-arbitre. À moins que le conseil arbitral ait omis d'observer un principe de justice naturelle, qu'il ait rendu une décision entachée d'une erreur de droit ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre doit rejeter l'appel.
La Commission n'a pas montré que la majorité du conseil avait commis une telle erreur. Au contraire, la décision du conseil est fondée sur les éléments portés à sa connaissance.
Par conséquent, l'appel est rejeté.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 12 mars 2004