TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'une demande de prestations présentée par
Carol ABRAMS
et
d'un appel interjeté par l'employeur, West Lorne IGA, à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue le 20 janvier 2004 à London (Ontario)
DÉCISION
Le juge-arbitre GUY GOULARD
L'employeur, West Lorne IGA, a porté en appel la décision unanime d'un conseil arbitral qui a rejeté son appel de la décision de la Commission, suivant laquelle la prestataire était admissible au bénéfice des prestations d'assurance-emploi parce qu'elle avait démontré qu'elle était fondée à quitter son emploi. L'appel a été instruit le 26 mai 2004 à London, en Ontario. La prestataire a assisté à l'audience en compagnie de son mari. L'employeur a communiqué avec le Bureau du Juge-arbitre pour l'informer qu'il n'assisterait pas à l'audience. Il s'est reporté aux arguments invoqués dans sa lettre d'appel au juge-arbitre.
La prestataire a expliqué qu'elle avait quitté son emploi en raison de discrimination, de harcèlement et de conflits personnels au travail. L'affaire concerne les enfants de l'employeur qui travaillaient également au magasin. L'employeur et la prestataire ont présenté leur preuve par écrit et de vive voix à l'audience devant le conseil.
Le conseil a examiné attentivement les éléments de preuve et conclu que l'employeur et la prestataire avaient un point de vue différent sur ce qui se passait au travail. Le conseil a déterminé que les éléments de preuve étaient équivalents et que, en conformité avec la jurisprudence, la prestataire devait se voir accorder le bénéfice du doute.
Dans sa lettre d'appel au juge-arbitre, l'employeur revient essentiellement sur les éléments de preuve, confirme sa propre position et conteste les constatations et la conclusion du conseil.
La prestataire n'est pas d'accord avec l'argumentation de l'employeur et affirme que la décision du conseil était fondée sur la preuve dont il avait été saisi.
La question de savoir si un prestataire a réussi à démontrer qu'il était fondé à quitter son emploi et que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas repose avant tout sur l'examen et l'appréciation des faits. Il est clairement établi dans la jurisprudence que le conseil arbitral est le juge des faits.
Dans l'arrêt Guay (A-1036-96), le juge Marceau, de la Cour d'appel fédérale, a déclaré ce qui suit :
« De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral -- le pivot de tout le système mis en place par la Loi pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation -- qui est celui qui doit apprécier. »
Et dans la décision Ash (A-115-94), la juge Desjardins, de la Cour d'appel fédérale, s'est exprimée ainsi :
« Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité [...]. »
Les pouvoirs du juge-arbitre sont limités par les dispositions du paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi. À moins que le conseil arbitral n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'il ait rendu une décision entachée d'une erreur de droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre doit rejeter l'appel.
Dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau a affirmé que le rôle du juge-arbitre se limite à déterminer si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec la preuve dont il était saisi.
L'employeur n'a pas démontré que le conseil arbitral a commis une erreur. Bien au contraire, la décision du conseil est à tout le moins compatible avec la preuve dont il a été saisi.
Par conséquent, l'appel est rejeté.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 11 juin 2004