EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
RELATIVEMENT à une demande de prestations par
Jean-Claude BEAUCHEMIN
et
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par le prestataire de la décision d'un conseil arbitral rendue le 3 décembre 2003 à Rimouski, Québec
DÉCISION
GUY GOULARD, Juge-arbitre
Le prestataire avait travaillé pour Jean-Paul Robichaud du 25 août 2003 au 26 septembre 2003. Il présenta une demande de prestations le 10 octobre 2003 et un période de prestations initiale fut établie prenant effet le 28 septembre 2003. La Commission détermina par la suite que le prestataire avait travaillé pour Aménagement Logitech Inc. du 16 juin 2003 au 19 août 2003 et qu'il avait perdu cet emploi en raison de sa propre inconduite. La Commission imposa une exclusion indéterminée à compter du 28 septembre 2003.
Le prestataire en appela de la décision de la Commission au conseil arbitral qui rejeta l'appel. Il porta la décision du conseil devant un juge-arbitre. Cet appel devait être entendu à Matane, Québec le 12 juillet 2004 mais, à la demande du prestataire, il a été entendu à Rimouski, Québec le 15 juillet 2004. Le prestataire n'était pas présent mais il était représenté par Me Alain Poirier qui était assisté d'un stagiaire, M. F. Legris.
Le motif de congédiement fourni par l'employeur dans le dossier d'appel était que le prestataire avait manqué de respect envers lui-même ainsi qu'envers son contremaître en les envoyant « se promener. »
Le prestataire avait reconnu avoir « envoyé promener » son contremaître et son patron mais avait expliqué qu'il s'était fâché contre son contremaître suite aux refus répétés de lui expliquer pourquoi il n'avait pas maintenu les équipes de travail telles qu'elles existaient depuis quelques années. Il était alors allé voir un autre contremaître et finalement le patron pour discuter du problème mais ceux-ci avaient supporté la décision de son contremaître. La discussion s'est envenimée, le prestataire a manqué de respect et il a été congédié.
Le prestataire, son frère Gérald qui travaillait avec le prestataire dans le bois ainsi que l'employeur ont témoigné devant le conseil. La décision du conseil se lit comme suit :
« Considérant que le prestataire aurait pu trouver une solution pour résoudre la problématique, comme l'ont fait ses 5 compagnons de la liste à la Pièce 9;
Considérant que la conduite du prestataire a entraîné son congédiement;
DÉCISION
Les membres du Conseil Arbitral, à l'unanimité, ne peuvent accueillir la demande du prestataire et maintiennent la décision de la Commission. »
Après avoir étudié le dossier d'appel, plus particulièrement la transcription de l'audience devant le conseil, et après avoir entendu les soumissions des parties, j'en suis venu à la conclusion que le conseil a erré en droit et en fait dans sa décision.
Le conseil avait à déterminer si la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de l'article 30 de la Loi sur l'assurance-emploi, c'est-à-dire si les gestes du prestataire démontraient un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement de son contrat de travail (Nolet (A-517-91)), si l'inconduite était telle que le prestataire pouvait normalement prévoir qu'il serait susceptible d'être congédié à cause de sa conduite (Meunier (A-130-96)) et si l'inconduite était de caractère délibéré ou si insouciant qu'elle frôlait le délibéré (Tucker (A-381-85) et Brissette (A-1342-92)).
Le conseil s'en est tenu à déterminer que le prestataire aurait pu trouver une solution pour résoudre la problématique, comme l'avait fait ses compagnons. Le frère du prestataire avait témoigné que ce dernier était le bouc émissaire de son équipe (transcription p. 40) et que tous les membres de l'équipe auraient pu être « dans ce cas là ».
L'employeur avait témoigné qu'il trouvait déplorable que le prestataire n'ait pas droit à ses prestations. Il avait ajouté qu'il aurait pu indiquer une autre cause de départ tel « départ volontaire, parti pour un autre emploi », « incompatibilité », « conflit de personnalités ». La preuve au dossier démontre les conflits qui existaient entre le contremaître Georges Fraser et le prestataire et les autres membres de son équipe suite à la décision de ce contremaître de séparer une équipe qui fonctionnait bien depuis quatre ans. Le prestataire et son frère avaient décrit les conséquences négatives de ce changement d'équipe et le refus du contremaître de reconsidérer sa décision ou de fournir une explication pour celle-ci.
Selon le frère du prestataire, le dernier jour, M. Fraser avait attendu le prestataire à la fin de la journée pour le narguer à un moment où il était fatigué. L'employeur avait reconnu qu'il y avait eu un conflit et que « ...Jean-Claude, la bouilloire a sauté ». Le prestataire avait indiqué qu'il craignait qu'il allait arriver quelque chose parce que le contremaître « était pas mal sur notre dos » et qu'il avait déjà commencé à se chercher un autre travail (transcription p. 43). La preuve indique aussi qu'il n'y avait pas de conflit entre le prestataire et les autres contremaîtres ou employés.
Il faut aussi prendre en considération qu'il n'y avait eu aucun geste d'agressivité ou de menace. Sous la pression résultant du conflit avec son contremaître, le prestataire a dit des choses qu'il a par la suite regretté avoir dites. Il avait témoigné qu'il ne pensait pas que c'était si grave que ça et que s'il avait su qu'il y aurait une telle conséquence il aurait « mangé mon frein plus que ça » et se serait trouvé un autre travail ailleurs (transcription p. 47). Le contremaître avait de toute évidence recherché et provoqué l'incident. Suite au congédiement du prestataire, cinq de ses collègues ont aussi laissé leur emploi.
Le conseil avait omis de prendre en considération une abondante preuve qui ne pouvait supporter une décision à l'effet que le prestataire avait commis une inconduite au sens de l'article 30 de la Loi tel qu'interprétée dans la jurisprudence. Il s'agissait d'un geste provoqué, qui n'était pas de nature délibérée ou insouciante tel que requis, et que le prestataire ne croyait pas être de nature à causer son congédiement.
Comme l'employeur lui même l'avait indiqué, il s'agissait d'une situation d'antagonisme qui faisait en sorte qu'il valait mieux que le prestataire aille travailler ailleurs, ce qu'il a fait dans un très court délai.
En conséquence, l'appel est accueilli et la décision du conseil arbitral est annulée.
GUY GOULARD
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 27 juillet 2004