• Accueil >
  • Bibliothèque de la jurisprudence
  • CUB 61429

    EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    RELATIVEMENT à une demande de prestations par
    Jean-Guy LEBLANC

    et

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par l'employeur, Hôtel-Motel du Boulevard, de la décision d'un conseil arbitral rendue le 11 juin 2003 à Gaspé (Québec)

    DÉCISION

    GUY GOULARD, Juge-arbitre

    Le prestataire avait travaillé pour Hôtel-Motel du Boulevard du 4 juin 2000 au 22 mars 2003. Il présenta une demande de prestations le 9 avril 2003 et une période de prestations initiale fut établie prenant effet le 23 mars 2003. La Commission détermina par la suite que le prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Une exclusion indéterminée fut imposée à compter du 23 mars 2003.

    Le prestataire en appela de la décision de la Commission au conseil arbitral qui accueillit l'appel. L'employeur porta la décision du conseil devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Matane (Québec) le 12 juillet 2004. Le prestataire était présent et était représenté par M. Gaétan Cousineau.

    L'employeur était représenté par Me Edouard Côté. La Commission n'est pas intervenue dans cet appel.

    Les faits qui avaient motivé l'employeur à congédier le prestataire étaient à l'effet que le prestataire aurait volé son employeur en cachant délibérément des locations de chambres et en obligeant les employées préposées à l'entretien et à l'accueil de ne pas révéler ces locations de chambres. Deux préposées à l'entretien avaient dénoncé les pratiques frauduleuses du prestataire. Elles avaient indiqué que le prestataire leur indiquait sur « un petit papier » qu'il collait sur leur rapport régulier des chambres qu'elles devaient faire et qu'elles ne devaient pas inclure sur le rapport qui était remis à l'employeur. Le prestataire leur disait qu'il avait le droit de donner des chambres à des membres de sa famille et à des amis. Les préposées à l'entretien des chambres ont éventuellement avisé l'employeur des pratiques du prestataire qui les a informées que le prestataire n'était pas autorisé à donner des chambres. Elles ont par la suite refusé de continuer la pratique des « petits papiers ». Elles ont déclaré que le prestataire aurait depuis un an et demi à deux ans loué 3 à 5 chambres par semaine sans les déclarer.

    Suite à une rencontre avec l'employeur, le prestataire lui a fait parvenir une lettre de démission. Aux pièces 8 et 10, il a nié avoir détourné des fonds de l'employeur. Il indiquait qu'il avait donné certaines chambres mais que ceci était conforme à une entente verbale avec son employeur selon laquelle il pouvait donner des chambres pour compenser certains clients suite à des problèmes ou en commandite. Il explique pourquoi il avait demandé aux préposées à l'entretien de ne pas déclarer certaines chambres comme ayant été louées. Il était d'avis qu'il n'avait pas été congédié mais qu'il avait démissionné parce qu'il ne s'entendait plus avec son employeur qui ne lui laissait aucun pouvoir décisionnel.

    L'employeur a répété, à la pièce 9, les propos des préposées à l'entretien et a indiqué qu'il avait congédié le prestataire.

    L'employeur, M. Yvon Joncas, le prestataire ainsi que son représentant, M. Gaétan Cousineau, ont témoigné devant le conseil qui, dans une décision de 17 pages, a résumé de façon très exhaustive la preuve documentaire et orale des parties ainsi que la jurisprudence pertinente à la détermination de congédiement pour inconduite. Le conseil a conclu comme suit :

    « Il appartient à la Commission et à ceux qui l'allèguent de prouver l'inconduite.

    Dans le cas présent, l'appelant admet avoir « donné » des chambres à certaines occasions à des membres de la famille et à des commandites.

    Il admet le système des papiers utilisés par les femmes de chambre de sorte que ces chambres n'étaient pas déclarées sur le rapport officiel.

    Il croyait avoir le pouvoir de donner ces chambres.

    L'employeur nous apporte comme principales preuves les deux lettres signées par mesdames Gilberte Grenier et Lise Lantin ainsi que copie de sept notes utilisées par les femmes de chambre pour faire leur rapport de chambres faites. Certaines de ces notes ne sont pas datées.

    Le conseil arbitral conclue (sic) que la preuve n'a pas été faite, qu'un grand nombre de chambres était donné sans l'autorisation de l'employeur.

    Il est admis par l'employeur, M. Joncas, que le document signé par mesdames Grenier et Lantin a été complété et signé dans un climat d'énervement de la part de ces dernières. Le conseil ne peut trouver une preuve concrète à l'effet que le directeur général donnait des chambres de façon si excessive.

    Le conseil arbitral se demande de quelle manière mesdames Grenier et Lantin ont pu estimer le nombre de trois à cinq par semaine.

    Le conseil ne peut présumer de la décision de l'employeur si seulement quelques chambres auraient (sic) été en cause. Ceci devient hypothétique.

    Il est évident que la démission de M. Leblanc et la manière qu'elle (sic) a été faite laisse un gros doute. Cependant, le conseil a considéré qu'il respectait les règles de son contrat en donnant un délai de trois mois.

    Comme l'inconduite n'a pas été prouvée de façon vraiment prépondérante, le conseil arbitral accorde le bénéfice du doute à l'appelant.

    CONCLUSION

    Unanimement, le conseil arbitral annule la décision de la Commission et accueille l'appel. »

    En appel, l'avocat de l'employeur a soumis que le conseil avait erré en droit et en fait dans sa décision. Il a revu les nombreux éléments de preuve au dossier et le témoignage des parties devant le conseil. Il a souligné le fait que le prestataire avait avoué avoir donné des chambres et la preuve de l'employeur à l'effet que le prestataire n'était pas autorisé à agir ainsi sans d'abord obtenir la permission. Il a soumis que le prestataire aurait pu indiquer sur les rapports de chambre quelles chambres avaient été louées et données. Il a également soumis que le conseil avait erré en indiquant qu'il n'y avait aucune preuve que de nombreuses chambres auraient été données sans autorisation. Il était d'avis que même s'il ne s'agissait que de quelques chambres cela aurait été suffisant pour constituer une inconduite justifiant le congédiement. Il a aussi soumis que, si le conseil pouvait conclure qu'il n'y avait pas d'inconduite, il aurait dû se pencher sur la question d'un départ volontaire non justifié au sens de la Loi.

    Le prestataire a soumis que le conseil avait pris en considération toute la preuve et les soumissions des parties pour en arriver à sa décision qui était entièrement bien fondée sur la preuve. Il a soumis que tous les éléments de preuve soumis par Me Côté en appel avaient été considérés par le conseil qui, à la lumière de l'ensemble de la preuve, lui avait donné raison.

    Dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau indiquait que le rôle d'une juge se limite « à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier ».

    Dans cette affaire la décision du conseil est entièrement compatible avec la preuve au dossier. Le conseil a accepté la preuve du prestataire ainsi que ses explications au sujet des chambres données et de l'entente qu'il avait pour le faire ainsi que l'impossibilité de rejoindre l'employeur pour obtenir sa permission de donner des chambres en commandite.

    La jurisprudence nous enseigne que le conseil arbitral est le maître dans l'appréciation de la preuve et des témoignages présentés devant lui. La Cour d'appel fédérale s'est exprimée ainsi sur ce sujet dans l'arrêt M. Guay (A-1036-96) :

    « De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral, le pivot de tout le système mis en place par la Loi, pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation, qui est celui qui doit apprécier. »

    La jurisprudence (Ash (A-115-94) et Ratté (A-255-95)) nous enseigne de plus qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. L'employeur n'a pas démontré que le conseil avait erré de la sorte.

    En conséquence, l'appel est rejeté.

    GUY GOULARD

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA, Ontario
    Le 27 juillet 2004

    2011-01-16