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  • CUB 62068

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande présentée par
    SCOT HUTTON JR.

    - et -

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par l'ancien employeur du prestataire, Kwakiutl District Council, à l'encontre d'une décision d'un conseil arbitral rendue à Nanaimo (Colombie-Britannique), le 9 octobre 2003

    DÉCISION

    Le juge-arbitre JEAN A. FORGET

    L'employeur interjette appel de la décision unanime du conseil arbitral, qui a infirmé la décision de la Commission et qui a conclu que le prestataire n'avait pas perdu son emploi à cause de son inconduite, au sens des articles 29 et 30 de la Loi, et a rétabli son droit au bénéfice des prestations.

    Le prestataire a présenté une demande de prestations le 2 juin 2003. Il a travaillé comme responsable de la planification de l'éducation au Kwakiutl District Council (Conseil de district kwakiutl) du 1er avril 1996 jusqu'au 30 mai 2003, date à laquelle il a été congédié. L'employeur a invoqué comme motif de congédiement que M. Hutton ne s'était pas conformé aux mesures disciplinaires qui lui avaient été imposées pour avoir enfreint la politique du personnel ainsi que le code d'éthique de l'employeur. Tout a commencé au mois de novembre 2002 lorsque l'employeur a appris que le prestataire avait été rémunéré par la Campbell River Indian Band (bande indienne de Campbell River) pour des ateliers qu'il avait donnés entre 2000 et 2002, alors qu'il était déjà sur la liste de paie du Kwakiutl District Council. Le prestataire a indiqué que ces sommes d'argent lui avaient été versées pour le temps supplémentaire consacré à la préparation de ses cours en dehors de ses heures normales de travail. Le 3 février 2002, l'employeur a informé le prestataire qu'il se trouvait en conflit d'intérêt et enfreignait le code d'éthique de son employeur, en agissant comme il le faisait. Le prestataire a été suspendu pendant cinq jours mais a refusé de rembourser l'argent qu'il avait reçu (1 500 $), faisant valoir que si la bande indienne de Campbell River ne lui payait pas son temps supplémentaire, le Kwakiutl District Council devrait le faire. Le 17 février 2003, l'employeur a avisé le prestataire qu'il avait jusqu'au 30 mai 2003 pour rembourser la somme due, faute de quoi d'autres mesures disciplinaires seraient prises à son endroit. Il s'en est suivi plusieurs discussions entre l'employeur et l'employé et, finalement, ce dernier a été congédié le 2 juin 2003.

    La Commission avait d'abord établi que les faits ne lui permettaient pas de conclure à l'inconduite. Cependant, un examen attentif des nouveaux éléments de preuve présentés par l'employeur l'a convaincue du contraire et elle a imposé au prestataire une exclusion de durée indéterminée à partir du 1er juin 2003.

    Le prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant un conseil arbitral qui a accueilli son appel, après avoir examiné à fond la question et présenté des arguments détaillés à l'appui de sa décision, selon laquelle les gestes posés par le prestataire ne constituaient pas de l'inconduite.

    L'employeur interjette maintenant appel de la décision du conseil devant un juge-arbitre, au motif que les membres du conseil ont commis une erreur de droit et de fait en rendant leur décision. L'employeur a demandé une copie de la transcription de l'enregistrement de l'audience devant le conseil.

    Le prestataire a indiqué au conseil arbitral que le Labour Relations Board (Conseil des relations de travail) lui avait conseillé de ne pas rembourser les 1 500 $, alléguant que ce qu'il avait fait n'était pas de l'inconduite puisque de toute façon le Kwakiult District Council ne l'aurait pas payé pour le travail effectué en dehors de l'horaire normal de travail.

    Voici ce qu'a dit le conseil arbitral dans sa constatation des faits et sa décision :

    « Le conseil conclut que la Commission n'a pas compris toutes les ramifications liées à la décision disciplinaire que l'employeur a tenté de faire respecter. Si le prestataire avait remboursé la somme de 1 500 $, le conseil est d'avis que ce dernier n'aurait bénéficié d'aucune indemnité pour le travail qu'il avait fait en animant des ateliers le soir et pendant les fins de semaine. Le Conseil conclut que la décision du prestataire de ne pas respecter les conditions relatives à la décision disciplinaire ne constitue pas une inconduite, car nous ne pouvons conclure que le prestataire, qui a accepté de travailler sans être rémunéré, a agi de façon négligente, insouciante ou délibérée. Le Conseil soutient que rien ne prouve qu'il y a eu inconduite de la part du prestataire, puisque se conformer aux conditions de l'employeur aurait signifié que M. Hutton aurait fait fi des dispositions de la Loi sur les normes du travail, lesquelles prévoient qu'il est nécessaire de verser et d'assurer au moins un salaire minimum pour chaque heure travaillée.

    Le conseil est convaincu que la façon dont a agi le prestataire ne constitue pas une inconduite au sens de la Loi sur l'assurance-emploi et demande à la Commission de lever l'exclusion qui a été imposée au prestataire pour une période indéterminée.

    DÉCISION

    L'appel est accueilli. »

    À l'audience, l'avocat de l'employeur a présenté ses arguments par écrit. J'ai tenu compte de son argumentation.

    J'estime que la décision du conseil arbitral n'était entachée d'aucune erreur de fait ou de droit. Il était loisible au conseil arbitral d'en venir à la conclusion à laquelle il en est venu. En rendant leur décision, les membres du conseil ont examiné consciencieusement les faits et se sont servis du critère juridique applicable en l'espèce, qui est exposé dans Tucker (A-381-85) et selon lequel pour que la conduite reprochée puisse être qualifiée d'inconduite, elle doit être délibérée ou du moins témoigner d'une insouciance ou d'une négligence telle que l'on pourrait dire que l'employé a délibérément fait fi des conséquences que sa conduite aurait sur son rendement au travail.

    À l'audience, l'avocat de l'employeur m'a demandé de tenir compte de la décision rendue par un arbitre le 14 mars 2004 dans une affaire de congédiement injustifié en vertu de la Partie III du Code canadien du travail. Il faut cependant établir une distinction entre la question de l'inconduite en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi et le congédiement injustifié en vertu de la législation sur les relations de travail. Contrairement au Conseil canadien du travail, il n'est pas dans le mandat d'un conseil arbitral de déterminer si la pénalité imposée par l'employeur était trop sévère ou si la conduite de l'employé constituait un motif valable de congédiement. Le conseil a plutôt pour rôle de déterminer si la conduite de l'employé constituait de l'inconduite au sens de la Loi sur l'assurance-emploi. Je me fonde en ce sens sur la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Marion (A-135-01) et Buist (A-92-01).

    Durant l'audience, l'employeur a déposé en preuve certains documents que le prestataire a récusés. J'ai autorisé le dépôt en preuve de ces documents et j'ai avisé le prestataire qu'il avait jusqu'au 8 octobre pour y répondre, ce qu'il a fait. Le 27 octobre, l'employeur a présenté d'autres arguments en réponse à ceux du prestataire. J'ai examiné ces documents et j'estime qu'ils n'affectent en rien ma décision.

    En conséquence, je rejette l'appel de l'employeur.

    JEAN A. FORGET

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 29 octobre 2004

    2011-01-16