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  • CUB 62208

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande de prestations présentée par
    Pauline ST-AMOUR

    et

    d'un appel interjeté par la Commission, à l'encontre d'une décision d'un conseil arbitral rendue à Sudbury (Ontario), le 23 mars 2004

    DÉCISION

    Le juge-arbitre GUY GOULARD

    La prestataire a travaillé pour Omni Facility Services du 14 juin 1999 jusqu'au 23 janvier 2004. Elle a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi le 10 janvier 2004, et une période de prestations initiale a été établie à son profit en date du 25 janvier 2004. La Commission a par la suite déterminé que la prestataire avait quitté son emploi sans justification et elle lui a imposé une exclusion de durée indéterminée à partir du 25 janvier 2004.

    La prestataire a appelé de la décision de la Commission devant un conseil arbitral, qui a accueilli l'appel. La Commission a interjeté appel de la décision du conseil. Cet appel a été instruit à Sudbury, en Ontario, le 6 octobre 2004, en présence de la prestataire. L'employeur ne s'est pas présenté.

    La prestataire a allégué avoir quitté son emploi à cause de la discrimination et du harcèlement dont elle était victime. Dans les pièces 3, 6, 8 et 10, elle décrit en détail les pratiques abusives et mauvais traitements qu'elle a eu à subir, incluant des agressions verbales, une rétrogradation et des rappels au travail à la dernière minute. Elle a notamment fait l'objet d'un blâme de la part de son employeur, pour avoir quitté le travail afin de se rendre à l'école de son fils, après avoir reçu un appel de la direction de l'école. Elle avait pourtant informé son superviseur de la situation avant de quitter les lieux. Enfin, on lui a appris qu'elle subirait une baisse de salaire d'un dollar l'heure, et que son taux horaire passerait de 9 $ à 8 $. Elle a donc décidé de quitter son emploi pour trouver du travail ailleurs.

    L'employeur a donné sa version des faits dans la pièce 7.

    La prestataire n'a pas comparu devant le conseil, mais l'employeur s'est fait représenter par deux personnes.

    Le conseil a examiné la preuve au dossier et conclu que la prestataire avait démontré qu'elle était fondée à quitter son emploi. Il estimait qu'une baisse de salaire d'un dollar l'heure représentait une modification importante des conditions d'emploi pour une personne gagnant aussi peu. Il considérait également que l'on avait procédé de manière arbitraire à la rétrogradation et à la baisse de salaire.

    Dans son argumentation, la Commission a fait valoir que le conseil avait commis une erreur de droit en ne se prononçant pas sur la question de savoir si la prestataire avait prouvé que son départ volontaire constituait la seule solution raisonnable dans sa situation. La Commission estimait que la prestataire aurait pu continuer à travailler jusqu'à ce qu'elle trouve un autre emploi ailleurs.

    Selon les allégations de la prestataire, la situation s'était détériorée au point qu'elle n'avait pas d'autre choix que de quitter.

    Je partage l'opinion de la Commission quant au fait que le conseil a commis une erreur en ne tranchant pas la question de savoir si la prestataire avait démontré qu'il n'y avait pas d'autre solution raisonnable dans sa situation, que de quitter son emploi. En vertu des pouvoirs qui me sont conférés par l'article 117 de la Loi sur l'assurance-emploi, je vais trancher la question de savoir s'il y avait d'autres solutions raisonnables dans les circonstances, et rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre.

    Je considère qu'il y a suffisamment de preuve en l'espèce pour conclure que, compte tenu de toutes les circonstances, incluant celles qui sont décrites aux sous-alinéas 29c)(vii), (ix) et (x), la prestataire n'avait pas d'autre choix raisonnable que de quitter son emploi. Elle avait subi du harcèlement, une baisse de salaire et une rétrogradation sans qu'aucune raison valable lui soit donnée. On lui avait également imposé de plus lourdes tâches, là encore, sans lui fournir aucune explication. Même si la prestataire n'a pas témoigné, le conseil en est venu à la conclusion, après avoir entendu le témoignage des représentants de l'employeur, que la prestataire était fondée à quitter son emploi.

    Comme l'a dit le juge Muldoon dans le CUB 12252, on n'exige pas des prestataires qu'ils acceptent d'être exploités, trompés ou renvoyés par leur employeur. Conclure qu'une prestataire devrait être exclue du bénéfice des prestations parce qu'elle ne veut pas être ainsi traitée par un employeur, irait à l'encontre de l'intérêt public et donnerait à l'administration de la Loi sur l'assurance-emploi une bien mauvaise réputation.

    Pour déterminer si un prestataire a réussi à démontrer qu'il était fondé à quitter son emploi et qu'il n'y avait pas d'autre solution raisonnable dans son cas, il faut essentiellement procéder à un examen ou une constatation des faits. La jurisprudence a clairement établi que les conseils arbitraux sont responsables d'établir les faits.

    Dans l'arrêt Guay (A-1036-96), le juge Marceau de la Cour d'appel fédérale a écrit ce qui suit :

    « De toute façon, dans tous les cas, c'est le Conseil arbitral - le pivot de tout le système mis en place par la Loi pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation - qui est celui qui doit apprécier. »

    En l'espèce, la décision du conseil arbitral est entièrement compatible avec les éléments de preuve portés à sa connaissance.

    En conséquence, l'appel est rejeté sous réserve d'une modification visant à inclure au nombre des constatations, le fait que la prestataire a prouvé que son départ constituait la seule solution raisonnable dans sa situation.

    GUY GOULARD

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 18 octobre 2004

    2011-01-16