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  • CUB 62226

    TRADUCTION

    Dans l'affaire de la Loi sur l'assurance-emploi,
    L.C. 1996, ch. 23

    et

    d'une demande de prestations de chômage présentée par
    Eduardo Martins

    et

    d'un appel interjeté par la Commission à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Brampton (Ontario) le 11 février 2004

    Appel instruit à Toronto (Ontario) le 21 octobre 2004

    DÉCISION

    Le juge-arbitre R. C. STEVENSON

    La Commission appelle de la décision rendue par un conseil arbitral qui a accueilli l'appel interjeté par M. Martins de la répartition qu'elle avait faite de certaines sommes au titre d'une rémunération.

    M. Martins travaillait à l'expédition pour Maple Lodge Farms. Il était délégué syndical. L'employeur a mis fin à son emploi le 11 septembre 2003; il a produit un relevé d'emploi le 17 septembre dans lequel il a indiqué que le relevé était produit pour la raison correspondant au code K (Autre), sans donner de précisions.

    M. Martins était impliqué dans plusieurs griefs en instance, dont certains dans lesquels il était le plaignant, y compris un grief de congédiement, et d'autres dans lesquels il agissait en tant que délégué syndical.

    Le 16 octobre 2003, le syndicat, l'employeur et M. Martins ont conclu une entente de règlement. Il était mentionné dans son préambule que le syndicat avait fait grief du congédiement de M. Martins, que ce grief devait être soumis à l'arbitrage le 18 novembre 2003 et que les parties souhaitaient régler complètement tous les griefs concernant directement M. Martins, y compris le grief de congédiement. Conformément à l'une des clauses de l'entente, l'employeur a payé 60 000 $ à M. Martins en dommages-intérêts. Comme c'est le cas habituellement, l'entente précisait que l'employeur ne reconnaissait aucune responsabilité et niait toute responsabilité.

    L'employeur a produit un relevé d'emploi modifié le 27 octobre 2003 sur lequel il a de nouveau indiqué le code K, mais il a cette fois ajouté le commentaire suivant :

    Il est expressément entendu que M. Martins n'a pas démissionné et qu'il n'a pas été congédié pour inconduite.

    [Traduction]

    En réponse à une demande de renseignements de la Commission, les avocats de l'employeur ont dit ce qui suit, dans une lettre datée du 27 novembre 2003 :

    L'entreprise a congédié M. Martins après être venue à la conclusion qu'il était intraitable et qu'il avait enfreint ses règles. M. Martins n'était pas de cet avis.

    M. Martins a cru qu'il avait été congédié parce qu'il remplissait ses fonctions de délégué syndical. Il s'est cru victime de harcèlement et de discrimination. L'entreprise n'était pas de cet avis.

    M. Martins avait déposé de nombreuses plaintes qui cheminaient lentement dans le processus d'arbitrage des griefs prévu par sa convention collective. Pendant l'arbitrage de ces plaintes, il a été question de payer M. Martins pour qu'il quitte tout simplement l'entreprise. Il a été convenu avec son syndicat, la Section locale 175 de l'Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, que M. Martins recevrait 60 000 $ s'il quittait l'entreprise et retirait tous les griefs qu'il avait déposés contre elle.

    M. Martins occupait son emploi depuis deux ans et demi seulement. La somme de 60 000 $ était sans rapport avec n'importe quelle indemnité de départ qu'il aurait pu raisonnablement exiger en droit, et l'entreprise a soutenu qu'il n'avait droit à aucune indemnité de départ. M. Martins a soutenu quant à lui, par l'intermédiaire de son syndicat, que le paiement en question constituait des dommages-intérêts pour discrimination et harcèlement. L'entreprise a contesté l'exactitude de ces affirmations mais elle a accepté, sans aveu de responsabilité, de payer cette somme.

    [Traduction]

    La Commission a statué que la somme de 60 000 $ constituait une rémunération et l'a répartie en conséquence.

    M. Martins et son avocat s'étaient présentés devant le conseil arbitral. L'employeur n'était pas représenté. Je reproduis le résumé de la preuve établi par le conseil et ses constatations :

    Le prestataire a été congédié par son employeur pour motif d'insatisfaction alléguée à l'égard de sa conduite au travail. Le prestataire avait présenté à son employeur des griefs en son nom et, en tant que délégué syndical, au nom d'autres employés. La compagnie a estimé que sa conduite perturbatrice méritait un congédiement, et les cas dont il s'occupait allaient faire l'objet d'un arbitrage en vertu de la législation sur les relations du travail (pièce 22.2). Au cours de la période d'attente de l'arbitrage, la compagnie et l'avocat du syndicat ont eu des discussions. Afin que soient retirés du processus d'arbitrage officiel au moins 10 griefs (pièce 10.8) et que le prestataire soit écarté en permanence du lieu de travail et ne soit pas réintégré dans ses fonctions, la compagnie a accepté de verser une somme forfaitaire de 60 000 $ sans y effectuer de retenues (pièce 10.3). Cette somme a été déterminée par la compagnie en réponse à la demande de l'avocat du prestataire, qui réclamait 80 000 $. Cette somme n'a absolument aucun rapport avec la rémunération du prestataire; il s'agissait d'une somme importante qui devait convaincre le prestataire d'accepter, au moment de sa réintégration dans ses fonctions, de rompre tout lien avec l'employeur, et qui allait permettre que des griefs à l'étude n'aient plus à être examinés. Il s'agissait d'un paiement de " limitation de dégâts " pouvant possiblement se prolonger sur une période considérable. En fait, il a été indiqué que le montant représenterait environ 19 mois de rémunération, ce qui est bizarre sur la base d'une période d'emploi de 2,5 ans seulement.

    Le prestataire a confirmé qu'il venait de recevoir son feuillet T4 et que le montant de 60 000 $ n'est mentionné nulle part sur celui-ci. Aucune déduction, y compris d'impôt sur le revenu, n'a été effectuée sur le montant total.

    CONSTATATION DES FAITS ET APPLICATION DE LA LOI

    La preuve montre clairement que la somme versée au prestataire ne tenait pas lieu de rémunération perdue et n'avait aucun rapport avec quelque montant raisonnable que ce soit que la compagnie aurait pu devoir payer en vertu de la loi pour un congédiement injustifié. Le fait que cette somme importante dont l'employeur a déterminé le montant n'ait pas à être déclarée comme revenu aux fins de l'impôt indique clairement que celle-ci n'est pas considérée par l'employeur comme étant payée ou payable en rapport avec un emploi. Elle ne peut être considérée que comme un paiement de dommages-intérêts visant à faire en sorte que le prestataire mette fin à toute contestation relativement à sa cessation d'emploi et à mettre fin à des griefs non réglés avant qu'ils fassent l'objet d'un arbitrage. Les sommes versées à de telles fins ne sont pas considérées comme tenant lieu de rémunération ou salaire perdu aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi et ne doivent pas être réparties sur une période de prestations en vertu des articles 35 et 36 de la Loi sur l'assurance-emploi.

    La Commission soutient que rien n'indique que les 60 000 $ ont été payées pour une raison autre que la perte d'emploi, et que la totalité de cette somme doit être considérée comme un paiement de dommages-intérêts pour congédiement injustifié. Elle soutient avec raison qu'il incombait à M. Martins de montrer clairement que l'entente visait en totalité ou en partie à régler autre chose qu'une perte de salaire, et qu'il ne l'a pas fait.

    Le conseil arbitral n'était pas de cet avis. Voici ce qu'il a écrit : « La preuve montre clairement que la somme versée au prestataire ne tenait pas lieu de rémunération perdue... ». Le conseil n'a pas traité directement du fardeau de la preuve mais il en était manifestement conscient. Le conseil n'a donc pas commis d'erreur de droit.

    Il reste à se demander si le conseil a tiré sa conclusion de fait de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

    Le conseil a peut-être accordé trop de poids au fait que l'employeur ait déterminé que la somme en cause n'était pas un revenu imposable (ce que Revenu Canada pourrait vérifier), et il a peut-être fait abstraction du fait que l'entente de règlement visait expressément à régler « tous les griefs concernant directement M. Martins, y compris le grief de congédiement », mais je ne suis pas persuadé que sa décision était déraisonnable ni qu'elle était fondée sur une conclusion de fait erronée.

    L'appel de la Commission est rejeté.

    Ronald C. Stevenson

    Juge-arbitre

    FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)
    Le 3 novembre 2004

    2011-01-16