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  • CUB 62264

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande de prestations présentée par
    Jeremy CONNORS

    et

    d'un appel interjeté par l'employeur, Hard Arm Transport, à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue à Nanaimo (Colombie- Britannique) le 18 mai 2004

    DÉCISION

    Le juge-arbitre GUY GOULARD

    L'employeur porte en appel la décision rendue à l'unanimité par un conseil arbitral qui a conclu que le prestataire était admissible au bénéfice des prestations parce qu'il n'avait pas perdu son emploi en raison de son inconduite. L'employeur a indiqué qu'il ne réclamait pas la tenue d'une audience et il a demandé que la décision soit rendue sur la foi du dossier.

    Les faits propres à la présente affaire peuvent se résumer comme suit. Le prestataire a travaillé pour l'entreprise 655566 BC Ltd (Hard Arm Transport) du 6 mai 2003 au 19 février 2004, date à laquelle il a été congédié. Le 23 février 2004, il a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi et une demande initiale a été établie pour la période commençant le 22 février 2004. La Commission a déterminé que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite et elle l'a exclu du bénéfice des prestations à compter du 22 février 2004.

    Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel devant un conseil arbitral, lequel a accueilli l'appel à l'unanimité. L'employeur a porté la décision du conseil en appel.

    La raison principale donnée par l'employeur pour avoir congédié le prestataire est que ce dernier avait fait monter un auto-stoppeur, ce qui est contraire à la politique de l'entreprise. Les employés avaient été informés deux semaines auparavant, par lettre, de la politique en question. La lettre de congédiement (pièce 6), qui était adressée à deux employés, indiquait quatre motifs de congédiement :

    1. La présence dans le véhicule de personnes qui ne sont pas membres du personnel pendant l'utilisation du véhicule dans le cadre du travail;

    2. Une attitude très négative à l'endroit du personnel de gestion pendant des conversations par émetteur-récepteur, avec des rappels répétés relativement à l'expression de jurons en parlant de questions de travail;

    3. Une de nos clientes s'est plainte que les vêtements de ces deux employés dégageaient une très reconnaissable odeur de marijuana au moment où elle a reçu sa livraison;

    4. Avoir laissé le véhicule de l'entreprise à l'extérieur de l'enclos barré, les clés et le téléphone de l'entreprise ainsi que les recettes de la journée laissés sur le siège avant, portes déverrouillées et réservoir d'essence à sec.

    Le prestataire a expliqué que l'« auto-stoppeur » était son épouse qui circulait à pied et qu'il l'a fait monter pour la reconduire. Il a affirmé ne pas avoir reçu la lettre concernant la politique interdisant de faire monter des personnes qui ne font pas partie du personnel dans les véhicules de l'entreprise. Il savait qu'il ne devait pas faire monter des étrangers dans les véhicules, mais il ne croyait pas que cela s'appliquait aussi aux membres de la famille. Il a ajouté que, à l'époque des anciens propriétaires de l'entreprise, cette pratique avait été autorisée. Il a expliqué pourquoi le camion avait été laissé, portes déverrouillées, sur la route. Il était tombé en panne sèche et le mécanisme de verrouillage de la porte était faussé. Il avait informé l'employeur de ce problème. Il a affirmé que les discussions animées concernant les questions de travail sur les ondes de l'émetteur-récepteur étaient monnaie courante.

    Le prestataire et l'employeur se sont présentés devant le conseil. Tous deux ont essentiellement répété les éléments de preuve qui avaient déjà été versés au dossier d'appel. L'employeur a affirmé que le prestataire était son meilleur livreur. Il a reconnu que le mécanisme de verrouillage du camion que le prestataire conduisait était faussé. Il a affirmé que le principal problème était que le prestataire était tombé en panne sèche et que cela pourrait être la cause de dommages au camion.

    Le conseil a examiné les éléments de preuve et conclu que les actes du prestataire n'atteignaient pas le niveau d'inconduite qu'exige la Loi sur l'assurance-emploi parce que la conduite du prestataire n'était pas délibérée, volontaire ou négligente au point de frôler l'acte délibéré, comme l'exigent les articles 29 et 30de la Loi.

    Dans sa lettre d'appel au juge-arbitre, l'employeur a prétendu que le conseil avait commis une erreur dans sa constatation des faits parce que les allégations du prestataire n'étaient pas vraies et qu'elles étaient trompeuses. Il a soutenu que le fait que le prestataire ait été le seul employé à dire qu'il n'avait pas reçu la lettre informant les membres de l'effectif de la politique concernant l'interdiction de faire monter des personnes qui ne font pas partie du personnel à bord des véhicules de l'entreprise jetait un doute sur cet aspect de la preuve. L'employeur n'a pas précisé quelle conclusion de fait du conseil serait entachée d'une erreur.

    La question de savoir si les actes du prestataire constituaient une inconduite ayant donné lieu à son congédiement dans les circonstances particulières à la situation suppose fondamentalement un examen et une détermination des faits. Il a été établi de façon non équivoque dans la jurisprudence que le conseil arbitral est l'instance première pour la constatation des faits dans les affaires touchant l'assurance-emploi.

    Dans l'arrêt Guay (A-1036-96), le juge Marceau a écrit ce qui suit :

    « Nous sommes tous d'avis, après ce long échange avec les procureurs, que cette demande de contrôle judiciaire portée à l'encontre d'une décision d'un juge-arbitre agissant sous l'autorité de la Loi sur l'assurance-emploi se doit de réussir. Nous pensons, en effet, qu'en contredisant, comme il l'a fait, la décision unanime du Conseil arbitral, le juge-arbitre n'a pas respecté les limites dans lesquelles la Loi assoit son pouvoir de contrôle.

    [...]

    De toute façon, dans tous les cas, c'est le Conseil arbitral - le pivot de tout le système mis en place par la Loi pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation - qui est celui qui doit apprécier. »

    Et, plus récemment, le juge Létourneau a déclaré, dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), que le rôle du juge-arbitre se limite à déterminer si l'appréciation des faits par le conseil arbitral est raisonnablement compatible avec les éléments de preuve qui lui ont été présentés.

    La compétence du juge-arbitre est limitée par le paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi. À moins que le conseil arbitral ait omis d'observer un principe de justice naturelle, qu'il ait rendu une décision entachée d'une erreur ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre est tenu de rejeter l'appel.

    L'employeur n'a pas démontré que le conseil arbitral avait commis une telle erreur. Au contraire, la décision du conseil est dûment fondée sur les éléments de preuve qui lui ont été présentés.

    En conséquence, l'appel est rejeté.

    GUY GOULARD

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 2 décembre 2004

    2011-01-16