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  • CUB 62474

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande de prestations présentée par
    Michael BIELICH

    et

    d'un appel interjeté par la Commission à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue à Windsor (Ontario) le 30 septembre 2003


    DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-53-05


    DÉCISION

    Le juge-arbitre GUY GOULARD

    Le prestataire a travaillé pour Tilbury Concrete Transport du 27 juin 1997 au 18 mars 2003, date à laquelle il a été congédié. Le 27 mars 2003, il a présenté une demande de prestations et une demande initiale a été établie pour la période commençant le 23 mars 2003. Le prestataire a présenté un grief relativement à son congédiement. Le grief s'est finalement réglé par une entente en vertu de laquelle le prestataire recevait 24 000 $. La Commission a déterminé que le montant du règlement constituait une rémunération provenant d'un emploi et elle a réparti le montant reçu sur la période commençant le 23 mars 2003. Cette opération a donné lieu à un versement excédentaire de 4 130 $.

    Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel devant un conseil arbitral, lequel a accueilli l'appel. La Commission a porté la décision du conseil en appel. Cet appel a été instruit le 1er novembre 2004 à Windsor (Ontario), en présence du prestataire représenté par son avocat, M. Michael Church, et son représentant syndical, M. Gary Kitchen.

    Le texte de l'entente de règlement entre le prestataire, son syndicat et l'employeur est muet sur ce que le montant convenu devait couvrir, exception faite des deux paragraphes suivants (pièce 6) :

    « Les parties conviennent que les conditions de règlement indiquées dans le présent document constituent le règlement complet et définitif de toutes les questions soulevées dans les procédures mentionnées plus haut et les actes entourant la présentation.

    M. Bielich reconnaît et convient que le paiement décrit plus haut inclut toutes les réclamations et tous les montants dus, les paiements requis aux termes de la Loi sur les normes d'emploi, du Code des droits de la personne et de toutes les autres lois régissant l'emploi, y compris l'avis, le paiement de cessation d'emploi, la paie de vacances et la paie de cessation d'emploi. En considération du paiement décrit ci-dessus, M. Bielich libère par la présente et dégage pour toujours la compagnie, les entreprises connexes et affiliées et les divisions ainsi que ses agents, directeurs et employés ainsi que ceux des compagnies connexes et affiliées et des divisions, et Ernest Mailloux et le demandeur de toute poursuite, réclamation et plainte qu'il pourrait avoir à formuler maintenant ou dans l'avenir, y compris celles qui auraient un lien si mince soit-il avec son emploi ou la fin de cet emploi et, en ce qui concerne le demandeur, toute poursuite en vertu de la Loi sur les relations de travail, L.R.O. 2000. De plus, le répondant et Ernest Mailloux accordent la même libération à l'employé. »

    [Traduction]

    S'appuyant sur le principe bien établi selon lequel les sommes reçues d'un employeur par suite d'une cessation d'emploi sont présumées être une rémunération provenant de l'emploi, la Commission a réparti la totalité du montant reçu conformément au paragraphe 36(9) du Règlement sur l'assurance-emploi.

    En appel, le prestataire a soutenu que les sommes reçues avaient été versées à titre de dommages-intérêts et ne devraient pas être considérées comme un revenu provenant d'un emploi.

    Dans son argumentation écrite (pièce 17) de même que dans son témoignage devant le conseil, le représentant du prestataire a affirmé que les sommes versées en vertu de l'entente de règlement avaient été versées en échange de la renonciation de la part du prestataire de son droit de reprendre son emploi. Dans l'argumentation écrite, il a relaté les relations antagonistes qui opposaient le prestataire et son employeur, lesquelles avaient finalement entraîné son congédiement. Il a souligné que la Commission avait reconnu que le geste du prestataire ne constituait pas de l'inconduite au sens de la Loi. Tant dans la preuve verbale que dans la preuve écrite, le représentant du prestataire a affirmé que les sommes avaient été versées au prestataire pour que celui-ci « s'en aille et ne revienne plus jamais » [Traduction].

    Il a expliqué que le Bureau des relations de travail qui avait rédigé l'entente de règlement s'était tout simplement inspiré d'un précédent et que les termes employés ne rendaient pas compte avec exactitude des raisons expliquant la position du prestataire relativement au règlement. Au paragraphe 11 de son argumentation écrite (pièce 17-4), le représentant du prestataire a affirmé ce qui suit :

    « L'agent des Relations de travail n'a pas inclus, dans le texte du règlement, une déclaration selon laquelle M. Bielich recevait les sommes en question à titre de dommages-intérêts en contrepartie d'une renonciation de sa part à son droit de réintégration. Toutefois, telle est la raison pour laquelle les deux parties en sont finalement arrivées à un règlement. Sans la renonciation à son droit de réintégration, M. Bielich n'aurait pas reçu la somme en question. »

    [Traduction]

    Le représentant a en outre ajouté que le prestataire était bien placé pour être réintégré dans son poste, que l'employeur ne voulait pas le voir à ce poste et qu'il avait par conséquent versé les 24 000 $ pour être sûr que le prestataire ne reviendrait pas.

    Le conseil a examiné la preuve et noté que le représentant syndical du prestataire avait été présent à la réunion au cours de laquelle le grief du prestataire avait été réglé. Le conseil a accepté la preuve et l'argument du prestataire selon lesquels les sommes reçues avaient été versées en échange de sa renonciation à reprendre son emploi.

    La Commission a avancé que le conseil avait commis une erreur en rejetant la preuve contenue dans le texte de l'entente de règlement. L'avocat de la Commission a soutenu que le conseil s'en était remis à l'argumentation écrite du représentant syndical laquelle, au dire de la Commission, ne constitue pas un élément de preuve mais tout simplement une argumentation.

    La Commission a reconnu la possibilité qu'une partie du règlement ait été accordée en échange de la renonciation par le prestataire à son droit d'être réintégré, mais que cette partie du règlement pouvait également avoir été versée pour d'autres pertes subies par le prestataire telles qu'une perte de salaire et d'autres avantages. La Commission a avancé que le conseil aurait dû répartir les sommes reçues de manière à prendre en compte cette possibilité.

    L'avocat du prestataire a soutenu que la décision du conseil était dûment fondée sur les éléments de preuve qui lui avaient été présentés. Il a souligné que le prestataire avait fourni, par l'intermédiaire de son représentant syndical, la preuve que la totalité du montant du règlement était versée en échange de sa renonciation à son droit d'être réintégré dans son poste et que cette preuve n'avait été contredite ni par la Commission ni par l'employeur.

    Il est courant que des parties interjetant appel devant des conseils arbitraux présentent des descriptions factuelles dans leurs argumentations écrites. Si ces faits ne sont pas contestés, le conseil peut les intégrer à sa réflexion en vue de déterminer les faits. En l'espèce, le représentant du prestataire avait fourni une description détaillée des faits pour faire comprendre que le prestataire avait un droit de réintégration et qu'il avait cherché à se faire réintégrer jusqu'à ce qu'il renonce à ce droit en échange des sommes reçues.

    M. Church a soutenu que la question faisant l'objet d'un appel était celle de savoir si la détermination des faits à laquelle le conseil en était arrivé était raisonnable. Il a cité le juge Sexton qui, dans l'arrêt Meechan (A-610-01), déclarait que la norme d'examen que le juge-arbitre doit appliquer à une décision faisant intervenir à la fois des faits et le droit rendu par le conseil arbitral est celle du caractère raisonnable de la décision. Ailleurs, le même juge affirmait qu'il était incapable de conclure qu'il était déraisonnable de la part du conseil d'accepter la preuve présentée par le demandeur, selon laquelle les dommages-intérêts représentaient un dédommagement pour la renonciation au droit de réintégration.

    M. Church a reconnu que c'était au prestataire qu'échoit le fardeau de démontrer que les sommes reçues n'avaient aucun lien avec la perte de son emploi et de son revenu. Il a soutenu que le prestataire s'était déchargé de ce fardeau en présentant la preuve jamais contredite qui a convaincu le conseil - l'instance chargée de déterminer les faits dans les appels en matière d'assurance-emploi - que la totalité du montant avait été versée en échange d'une renonciation à un droit de réintégration.

    Je conviens avec le prestataire que la preuve présentée au conseil pouvait raisonnablement amener ce dernier à rendre la décision qu'il a rendue. Le prestataire ne s'est jamais contredit quant à la preuve qu'il a présentée selon laquelle il avait accepté le règlement moyennant une renonciation à son droit d'être réintégré. Cela n'a pas été contredit.

    La compétence d'un juge-arbitre est limitée par le paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi. À moins que le conseil arbitral ait omis d'observer un principe de justice naturelle, qu'il ait rendu une décision entachée d'une erreur de droit ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de manière abusive ou sans tenir compte des éléments de preuve qui lui ont été présentés, le juge-arbitre est tenu de rejeter l'appel.

    Dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau a affirmé que le rôle du juge-arbitre se limite à déterminer si l'appréciation des faits par le conseil arbitral est raisonnablement compatible avec les éléments de preuve qui lui ont été présentés.

    La Commission n'a pas démontré que le conseil arbitral avait rendu une décision entachée d'une erreur. Au contraire, la décision du conseil est dûment fondée sur une détermination raisonnable des faits soutenue par la preuve présentée au conseil.

    En conséquence, l'appel est rejeté.

    GUY GOULARD

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 15 novembre 2004

    2011-01-16