TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'une demande de prestations présentée par
ANTHONY BUBB
et
d'un appel interjeté par la Commission à l'encontre de la décision du conseil arbitral rendue à Mississauga (Ontario), le 27 octobre 2003
DÉCISION
Le juge David G. Riche
La question en l'espèce consiste à déterminer si le prestataire était admissible au bénéfice des prestations depuis le 2 janvier 2003, étant donné qu'il était engagé dans l'exploitation d'une entreprise et ne peut être considéré comme étant en chômage au sens des articles 9 et 11 de la Loi sur l'assurance-emploi.
Le conseil arbitral a conclu que le prestataire s'était retrouvé en chômage. Comme il y avait un gel du recrutement, on a fait appel à ses services en qualité de consultant mais non en tant qu'employé. Rémunéré à l'heure, le prestataire travaillait deux ou trois heures par jour et deux ou trois jours par semaine. Il a mis sur pied sa propre entreprise pour s'aider à trouver un emploi. Il essayait de trouver un emploi plutôt que de travailler comme consultant et, à cette fin, a dû voyager beaucoup et s'occuper de plusieurs contrats tout en cherchant un emploi. Le conseil arbitral a jugé que le prestataire satisfaisait au critère de la disponibilité pour travailler. Il a conclu qu'être disponible signifiait également agir d'une façon qui témoigne d'un désir sincère de travailler et de l'incapacité à trouver un emploi. Le conseil a constaté ce qui suit : « Comme le constatent à la majorité les membres du conseil arbitral, il est clair que telle n'est pas la situation du prestataire. Il était, en effet, conscient du fait qu'il est âgé de 50 ans et que ses chances d'obtenir un poste dans sa profession sont limitées. C'est pourquoi il a compris qu'il devait faire preuve d'imagination et multiplié les occasions d'établir des contacts dans le but de se trouver un emploi lucratif. Aussi a-t-il décidé de mettre sur pied sa propre firme de consultant et de s'en servir comme outil promotionnel. Le prestataire n'a jamais perdu de vue le fait qu'il était plus important pour lui de trouver un emploi, et il a affirmé qu'en cas de conflit d'horaire entre une entrevue d'emploi et son travail de consultant, il aurait choisi de se présenter à l'entrevue. Voilà qui illustre sa disponibilité pour travailler et le fait qu'il a agi comme une personne rationnelle dans sa situation particulière. »
Le membre dissident du conseil a fait valoir que le prestataire avait consacré trois jours par semaine à l'exploitation de son entreprise, sans compter ses nombreux déplacements. Le prestataire a également investi 8 100 $ et a acheté un ordinateur de 3 500 $. Il avait également un emprunt de 3 500 $ à rembourser. Le membre dissident a conclu que le prestataire n'exploitait pas son entreprise dans une mesure limitée et qu'il ne devrait donc pas être considéré comme en chômage.
La Commission fait valoir que le prestataire n'était pas un travailleur indépendant exerçant un emploi dans une mesure limitée. Elle est d'avis que le conseil arbitral n'a pas pris en compte l'ensemble des six facteurs établis avant de rendre sa décision, soit accueillir l'appel en se fondant sur la question de la disponibilité pour travailler.
Les six facteurs prévus au paragraphe (30)(3) du Règlement sont les suivants :
J'ai examiné la preuve, en l'espèce, et je ne peux faire autrement que de tenir compte des dispositions du paragraphe 30(3) du Règlement. La Commission a souligné que le prestataire consacre deux à trois heures par jour à son travail et qu'il travaille deux ou trois jours par semaine (pièce 5.6). À mon avis, cela ne suffit pas à démontrer qu'il travaille davantage que dans une mesure limitée dans l'exploitation de son entreprise. En fait, s'il travaillait en moyenne deux jours et demi par semaine et deux heures et demie par jour, cela voudrait dire qu'il ne travaillerait en moyenne que 5 heures par semaine. Or, la jurisprudence en matière d'assurance-emploi fait état d'une semaine normale de travail de 40 heures. Dans le cas présent, le prestataire ne faisait donc que le huitième d'une semaine normale de travail. On ne saurait considérer qu'il s'agit là d'un emploi dans une mesure plus que limitée.
En ce qui a trait au capital et aux ressources investis, notons que le prestataire a investi environ 12 000 $, si l'on inclut son ordinateur, qu'il doit rembourser un emprunt d'un peu plus de 39 000 $. Sur cette somme, il a investi 8 100 $ en prêt consenti à son entreprise, et il a emprunté 39 000 $ pour en assurer le fonctionnement comme tel. Le prestataire mentionne que le montant de 9 000 $ est inexact. En fait, il a essuyé des pertes. Il n'a investi que 2 000 $ pour ses frais de bureau, mis à part l'achat de son ordinateur. La pièce 5.7, qui fait état de dépenses oscillant entre 2 000 $ et 9 000 $ par mois, témoigne du fait qu'il y a erreur, car le montant de ses dépenses serait certainement beaucoup plus élevé que 2 000 $ s'il dépensait entre 2 000 $ et 9 000 $ par mois. Le montant de ses dépenses s'élèverait à plus de 60 000 $.
À mon sens, le montant investi par le prestataire ne constitue pas un investissement substantiel, dans le monde d'aujourd'hui, pour quelqu'un qui tente de mettre sur pied une entreprise. De plus, l'argent investi dans l'entreprise sert parfois à rémunérer les personnes qui y travaillent et à payer les factures générales.
Quant à la réussite ou à l'échec sur le plan financier, il ne fait aucun doute que l'entreprise du prestataire n'a généré aucun revenu mais qu'elle l'a endetté de 22 000 $.
En ce qui concerne le caractère permanent de l'entreprise, le prestataire a expliqué clairement qu'il se servait de cette entreprise pour essayer de rester disponible et se chercher un emploi. À 50 ans, il est conscient des difficultés que lui causerait le fait de tomber en chômage, même partiellement, et de ne plus avoir de travail, puis de chercher un autre emploi.
Le prestataire essaie d'obtenir des contrats correspondant au domaine dans lequel il travaillait, ce qui prouve qu'il est bien à la recherche d'un emploi. De même, en ce qui a trait à sa disponibilité pour travailler, le prestataire a fourni la preuve d'efforts soutenus en vue d'obtenir des contrats pour sa firme de consultant, efforts qui témoignent encore une fois de ses démarches pour trouver un emploi. Jusqu'à maintenant, il s'est servi des contrats consentis à son entreprise pour dénicher éventuellement un emploi.
Compte tenu du temps consacré par le prestataire et de ses nombreux déplacements pour se trouver un emploi, lesquels ont dû entraîner des frais substantiels, je suis convaincu que la décision rendue à la majorité du conseil arbitral doit être maintenue. L'examen de la preuve m'amène à conclure que le prestataire n'exploite pas une entreprise dans une mesure plus que limitée puisqu'elle ne lui sert qu'à rester disponible pour accepter un emploi et à démontrer qu'il est une personne encore apte au travail. On ne saurait considérer que le fait de travailler cinq heures par semaine, ce qui, à mon avis, est un facteur important à prendre en considération, équivaut à exercer un emploi ou à exploiter une entreprise dans une mesure plus que limitée.
Pour ces motifs, je suis convaincu que l'appel de la Commission doit être rejeté.
David G. Riche
Juge-arbitre
St. John's (T.-N.-L.)
Le 10 décembre 2004