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  • CUB 62630

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande de prestations présentée par
    ZAHRA SHAFIEI

    et

    d'un appel interjeté par la Commission à l'encontre de la décision du conseil arbitral rendue à North York (Ontario), le 25 novembre 2003

    DÉCISION

    Le juge David G. Riche

    La prestataire a présenté une demande de prestations qui a pris effet le 1er décembre 2002. La Commission lui a écrit le 10 janvier suivant pour l'informer de l'incidence de sa paye de vacances sur sa demande. Selon le conseil arbitral, la lettre de la Commission était rédigée en ces termes : « Une fois que vous serez admissible aux prestations, vous aurez deux semaines d'attente au cours desquelles aucune prestation ne vous sera versée. » [Traduction] La Commission poursuivait en indiquant à la prestataire que si elle avait de nouveaux renseignements ou d'autres renseignements susceptibles de modifier cette décision, elle devait les lui communiquer. La prestataire, dont la connaissance de l'anglais était déficiente, n'a pas compris tout à fait la teneur de la lettre et a présumé qu'elle n'était pas admissible au bénéfice des prestations à ce moment-là. Ce n'est qu'en septembre 2003, en parlant au personnel des services sociaux, qu'elle a appris qu'elle pouvait toucher des prestations et qu'on aurait dû lui fournir un indicatif d'accès téléphonique afin qu'elle puisse aller de l'avant avec sa demande. C'est alors qu'elle a cherché à faire antidater sa demande pour qu'elle prenne effet le 1er décembre 2002.

    La Commission a rejeté la requête de la prestataire, estimant que cette dernière n'avait pas prouvé qu'elle avait un motif valable pour tarder à présenter sa demande.

    Le mari de la prestataire a indiqué au conseil arbitral que sa femme et lui étaient d'avis qu'elle avait fourni un motif valable pour ne pas avoir présenté sa demande à temps. Le conseil, quant à lui, s'est reporté à l'arrêt Albrecht (A-172-85), dans lequel la Cour d'appel fédérale précise que l'ignorance de la loi ne constitue pas un motif valable. La prestataire doit démontrer qu'elle a fait ce qu'une personne raisonnable aurait fait dans sa situation. Le conseil arbitral a conclu que, dans les circonstances, la prestataire avait fait ce qu'une personne raisonnable aurait fait dans sa situation. Il a ajouté qu'une personne jouissant d'une plus grande expérience et d'une meilleure connaissance du processus aurait pu contester la décision de la Commission quant à son admissibilité au bénéfice des prestations.

    Le conseil arbitral a poursuivi en invoquant une décision rendue par la juge Reid, qui déclarait ceci : « L'un des aspects frappants de la procédure réside dans le fait que la capacité du prestataire à se conformer au mode de fonctionnement et à respecter les délais dépend, dans une large mesure, de la Commission. Si pour une quelconque raison, le prestataire n'envoie pas ses cartes de déclaration, ou les envoie en retard, [...] ou encore si le prestataire ne reçoit pas les consignes adéquates quant à la façon de présenter sa demande, il se trouve alors à ne pas se conformer au mode de fonctionnement et à ne pas respecter les délais [...] et est jugé non admissible au bénéfice des prestations. » [Traduction]

    Pour les raisons invoquées par la prestataire, le conseil a jugé que sa façon d'agir était raisonnable dans les circonstances, et il a accueilli son appel.

    La Commission interjette appel de cette décision. Elle soutient que le conseil arbitral a rendu une décision entachée d'une erreur de droit en concluant que la prestataire avait démontré qu'elle avait un motif valable pour ne pas remplir sa déclaration comme l'exige la loi.

    La prestataire a présenté une demande de prestations après avoir perdu son emploi en raison de la vente de l'entreprise. Sa demande a pris effet le 1er décembre 2002. Elle a alors été avisée, dans une lettre datée du 10 janvier 2003, que sa paye de vacances serait répartie sur sa rémunération hebdomadaire normale et que le solde de 148 $ serait appliqué à la semaine du 1er décembre 2002. Puis, la Commission poursuivait en ses termes : « Une fois que vous serez admissible aux prestations, vous aurez deux semaines d'attente au cours desquelles aucune prestation ne vous sera versée. » [Traduction]

    Je remarque ici qu'il n'y a aucune preuve indiquant que la Commission ait envoyé à la prestataire des cartes ou de l'information quant à la façon de procéder pour faire ses déclarations. La Commission n'a pas indiqué non plus à la prestataire qu'elle commencerait à toucher des prestations après la période de deux semaines en question.

    La Commission a invoqué la jurisprudence, qui montre que la difficulté à maîtriser la langue anglaise ne constitue pas un motif valable pour ne pas présenter sa demande de la façon requise et dans les délais prévus. La Commission a fait état de la décision CUB 10406, dans laquelle le juge J. McNair concluait : « Par conséquent, l'argument voulant que la barrière des langues ait été, à elle seule, à l'origine de l'ignorance de la loi, laquelle est invoquée par le prestataire pour expliquer qu'il ne savait pas qu'il devait présenter sa demande dans un délai donné, ne saurait être retenu. » [Traduction] Pour sa part, le juge Murdock, dans la décision CUB 47262B, déclarait ceci : « Bien que l'anglais ne soit pas la langue maternelle du prestataire, rien n'indique qu'il a tenté de quelque façon que ce soit de saisir le sens de l'avis qu'il a reçu [...] Il n'y a rien qui prouve qu'il a fait ce qu'une personne raisonnable aurait fait dans sa situation, c'est-à-dire s'enquérir de ses droits et obligations. » [Traduction]

    Pour résoudre la question, j'ai lu attentivement la pièce 9-6, soit la lettre que la Commission a envoyée à la prestataire. Elle indique, tout d'abord, ce qui a déjà été mentionné, à savoir que la paye de vacances de la prestataire doit être appliquée au montant des prestations, ce qui paraît assez clair. Puis elle mentionne qu'aucune prestation ne sera versée pour la période allant du 27 au 30 novembre 2002 et qu'un solde de 148 $ sera appliqué à la première semaine de décembre. La Commission mentionne ensuite qu'une fois admissible aux prestations, la prestataire devra attendre pendant deux semaines, période au cours de laquelle aucune prestation ne lui sera versée. Je trouve cette formulation à tout le moins ambiguë. Certes, quand la demande qu'elle avait présentée a été approuvée, la prestataire a su qu'elle était admissible au bénéfice des prestations; mais on lui a dit qu'elle ne recevrait ses prestations qu'après une période d'attente ou de carence de deux semaines. De toute évidence, une formulation plus claire s'impose. J'ai moi-même de la difficulté à saisir le sens de cette phrase en anglais. On peut présumer, en l'espèce, que la prestataire allait toucher des prestations après une période d'attente de deux semaines, à moins qu'une irrégularité ne soit constatée. À l'étape suivante, la Commission aurait dû envoyer à la prestataire des cartes ou des renseignements sur la façon de procéder pour faire ses déclarations au moyen du système Télédec. Tel n'est pas le cas. Puis, pour une raison qui m'échappe, la Commission glisse un paragraphe indiquant à la prestataire qu'en cas de désaccord, elle peut interjeter appel de la décision dans les 30 jours. Interjeter appel de quoi? Il n'y a rien, dans les propos de la Commission, qui donne à entendre à la prestataire qu'on pourrait refuser de lui verser des prestations, mais, néanmoins, la lettre donne l'impression qu'elle n'est pas admissible au bénéfice des prestations. La lettre indique qu'il y aura une période d'attente de deux semaines avant que la prestataire commence à recevoir des prestations et que des cartes ou d'autres informations lui seront envoyées pour lui expliquer comment procéder.

    Je suis d'avis qu'une formulation plus claire s'impose, que cette lettre soit envoyée à quelqu'un qui maîtrise bien l'anglais ou à une personne à qui cette langue pose des difficultés. À mon avis, la Commission a omis d'expliquer clairement à la prestataire qu'elle allait être admissible au bénéfice des prestations après la période d'attente de deux semaines. J'estime que la lettre est susceptible d'induire en erreur le destinataire, et je souscris à la décision rendue par le conseil arbitral.

    Pour ces motifs, je rejette l'appel de la Commission.

    David G. Riche

    Juge-arbitre

    St. John's (T.-N.-L.)
    Le 10 décembre 2004

    2011-01-16