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  • CUB 62792

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande présentée par
    MARUSHKA DE SOUSA

    et

    d'un appel interjeté par la prestataire devant le juge-arbitre à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue le 3 août 2004, à Longueuil (Québec)

    DÉCISION

    Le juge-arbitre A. Gobeil

    La prestataire interjette appel de la décision unanime du conseil arbitral confirmant la décision de la Commission, laquelle a refusé d'antidater sa demande de prestations.

    Il est important de citer l'extrait suivant de la décision du conseil :

    « Le conseil arbitral ne comprend pas la position de la Commission qui est énoncée dans la pièce 7.2. Au contraire, il estime que la prestataire a fait tous les efforts raisonnables pour obtenir les renseignements pertinents de la Commission à son retour de Toronto. La prestataire était tout à fait digne de foi, et le conseil arbitral n'a aucune raison de douter que l'information fournie par la Commission était erronée. Il est malheureux que la prestataire doive être pénalisée puisque, selon la jurisprudence, le fait qu'elle ait reçu de l'information erronée ne constitue pas un motif valable. On ne peut donc antidater la demande de prestations pour qu'elle prenne effet le 28 avril 2002.

    Par conséquent, la prestataire n'a pas accumulé assez d'heures assurables entre le 1er juin 2003 et le 29 mai 2004 pour avoir droit à des prestations.

    Le conseil arbitral confirme les décisions de la Commission et rejette l'appel de la prestataire à l'unanimité. »

    La jurisprudence a établi qu'une « information fausse » donnée par la Commission ne crée pas une obligation à l'égard du prestataire. L'une des principales décisions à cet égard a été rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Granger c. Canada (A-684-85).

    Toutefois cette jurisprudence ne signifie pas pour autant qu'une information fausse ne peut pas être utilisée pour expliquer la bonne foi d'un prestataire qui a adopté un certain comportement après avoir reçu la fausse information. D'après moi, la présente affaire illustre parfaitement une telle situation.

    En l'espèce, la prestataire doit démontrer qu'elle a un motif valable de présenter une demande tardive.

    Après avoir vainement cherché du travail, la prestataire a consulté Carrefour Jeunesse Emploi pour l'aider dans ses recherches. Elle a alors découvert qu'elle aurait pu présenter une demande lorsqu'elle a perdu son emploi et que son admissibilité aurait alors été déterminée. Elle a immédiatement présenté une demande. À la lecture de la décision, il est clair que la prestataire aurait présenté une demande si l'agent de la Commission ne lui avait pas donné d'information fausse.

    Les faits dans cette affaire, comme le soulignent tous les membres du conseil, indiquent clairement que la prestataire a démontré avoir un motif valable pour présenter une demande tardive. Une personne raisonnable aurait agi de la même façon qu'elle. Elle a fait confiance au représentant de la Commission qui l'a mal informée.

    Dans la décision CUB 11100, le juge-arbitre Muldoon a écrit ce qui suit :

    « La question est donc de déterminer ce qu'on attend d'une « personne raisonnable ». Maintenant, une personne raisonnable n'est pas une personne paranoïaque, en proie à l'anxiété, qui met en doute ou qui refuse de croire des conseils faisant apparemment autorité, au point de chercher à vérifier ces avis une deuxième et une troisième fois, cheque jour ou à intervalle régulier, de crainte que ces avis soient erronés. Une personne raisonnable, justifiée au premier abord d'accepter des avis qui font apparemment autorité, continue naturellement à les accepter jusqu'à ce qu'on attire son attention sur leur caractère erroné et peu digne de foi. Ce comportement décrit précisément la conduite qu'a adoptée le prestataire, laquelle était celle d'une personne raisonnable. Après tout, la justification initiale ne se détériore pas ou ne perd pas autrement sa valeur avec le temps, même après une longue période. »

    En l'espèce, je souscris aux propos du juge-arbitre G. Goulard dans l'affaire Pellichero (CUB 52237) :

    « Dans la présente affaire, le prestataire avait négligé de présenter sa demande plus tôt en raison de la croyance, confirmée par un renseignement erroné, de son inadmissibilité. Lorsqu'il a reçu la bonne information, il a présenté sa demande. Je suis donc convaincu qu'il a démontré un motif valable pour le dépôt tardif de sa demande et que cette dernière devrait faire l'objet d'une antidatation. »

    Pour ces raisons, l'appel de la prestataire est accueilli, ce qui signifie que sa demande d'antidatation l'est également.

    L'affaire sera donc renvoyée à la Commission qui devra déterminer les prestations de la prestataire.

    Albert Gobeil

    Albert Gobeil, juge-arbitre

    Montréal (Québec)
    Le 20 janvier 2005

    2011-01-16