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  • CUB 63107

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande de prestations présentée par
    Clark MCFATRIDGE

    et

    d'un appel interjeté par la Commission à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral le 14 avril 2004 à Kenora (Ontario)

    DÉCISION

    Le juge-arbitre GUY GOULARD

    Le prestataire a travaillé pour Sobeys Capital Inc. du 9 avril 2001 au 7 février 2004. Le 24 septembre 2004, il a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi et une période initiale de prestations prenant effet le 8 février 2004 a été établie à son profit. Par la suite, la Commission a déterminé que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite et l'a exclu du bénéfice des prestations pour une période indéfinie à partir du 8 février 2004.

    Le prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant un conseil arbitral, qui a accueilli l'appel. La Commission a ensuite porté la décision du conseil en appel. Le présent appel a été instruit à Kenora (Ontario) le 15 février 2005 en présence du prestataire.

    L'employeur a expliqué qu'il avait congédié le prestataire parce qu'il lui avait fait un bras d'honneur au cours d'une discussion animée au sujet d'un congé que le prestataire avait pris après s'être entendu avec un collègue de travail. L'employeur a donc rédigé une lettre de démission qu'il a demandé au prestataire de signer. Le prestataire a refusé de le faire et la discussion s'est poursuivie. Le prestataire est ensuite rentré chez lui, croyant avoir été suspendu pour la journée. Après avoir discuté de la situation avec le siège social de Sobeys, l'employeur a décidé de congédier le prestataire et lui a fait part de cette décision. Il convient de rappeler que la Commission a déterminé que le prestataire avait été congédié en raison de son inconduite, et ce malgré le fait que le siège social de Sobeys et le gérant du magasin avaient refusé de fournir des renseignements additionnels au sujet de l'incident. Le propriétaire était absent au moment où on a demandé ces renseignements et le gérant ne voulait pas discuter de ce qui s'était passé.

    À la pièce 5, le prestataire a décrit de façon très détaillée l'incident qui a entraîné son congédiement. Dans sa lettre d'appel au conseil, le prestataire a admis qu'il avait fait un bras d'honneur à l'employeur. Cependant, il a ajouté qu'il avait posé ce geste après avoir refusé de signer une lettre de démission, et il a précisé que cet incident s'était produit dans une pièce à l'arrière du magasin devant seulement un employé.

    Le prestataire a comparu devant le conseil, qui a résumé la preuve et conclu ce qui suit :

    « Le prestataire a comparu à l'audience et a déclaré qu'il demandait souvent à modifier son horaire de travail avec celui d'un autre employé, à la convenance des deux, et que cela s'était fait sans problèmes dans le passé. Le prestataire a déclaré que le gérant subissait un stress pour des raisons personnelles, et que cette situation peut avoir expliqué sa réaction exagérée. Le fait d'avoir pointé le doigt en sa direction est un geste qui a été posé dans le feu de l'action, et à l'arrière-boutique, devant un autre employé et non devant tout le monde. Le prestataire avait fait l'objet d'une mesure disciplinaire antérieure, consignée à son dossier. L'employeur a été prévenu de la date et de la tenue de l'audience, mais a choisi de ne pas s'y présenter. L'employeur, a-t-on relevé, ne dispose pas d'un système de consignation des mesures disciplinaires progressives qui peuvent être prises.

    CONSTATATION DES FAITS ET APPLICATION DE LA LOI : Le conseil admet que les agissements du prestataire n'étaient pas négligents ou délibérés ou insouciants au point de frôler le caractère délibéré. Le conseil constate en outre qu'il n'y a pas eu de lien causal entre l'inconduite et le congédiement, et par conséquent, l'appel est accueilli. »

    Dans le cadre de l'audience d'appel, la Commission a prétendu que le conseil avait rendu une décision entachée d'une erreur de fait et de droit en déterminant que le prestataire n'avait pas perdu son emploi en raison de son inconduite. La Commission a soutenu que la preuve permettait de conclure que les actes du prestataire correspondaient à la définition du terme inconduite donnée par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Tucker (A-381-85) et l'affaire Brissette (A-1342-92) et que cette inconduite était à l'origine du congédiement.

    Dans l'affaire Tucker (A-381-85), la Cour d'appel fédérale a rejeté une demande de contrôle judiciaire de la décision du juge-arbitre qui a accueilli l'appel de la prestataire à l'encontre de la décision du conseil relativement à une conclusion d'inconduite entraînant la perte du droit aux prestations d'assurance-emploi. La Cour a repris les propos suivants du juge Reed, qui agissait à titre de juge-arbitre :

    « Le passage pertinent de la décision du juge Reed se lit comme suit :

    Afin de déterminer s'il y a eu inconduite dans la présente affaire, il faut examiner les principes de droit généraux applicables à la relation employé-employeur. À cet égard, je note que dans le texte écrit par Innis Christie, Employment Law in Canada (1980), il est mentionné à la page 361 :

    « Il est clair que, pour l'employé, il est plus grave de manquer à certaines de ses obligations implicites qu'à d'autres.

    [...] La malhonnêteté mise à part, les tribunaux semblent être prêts à admettre que les employés sont humains, qu'ils peuvent être malades et être incapables de s'acquitter de leurs obligations, et qu'ils peuvent faire des erreurs sous l'influence du stress ou de l'inexpérience. »

    Sous le terme « misconduct » (inconduite), le Black's Law Dictionary (1979, 5e éd.) dit ce qui suit :

    « [...] ce terme a pour synonymes délit, méfait, écart de conduite, délinquance, inconvenance, mauvaise administration et infraction, mais pas négligence ni insouciance.

    L'inconduite, qui rend l'employé congédié inadmissible au bénéfice des prestations de chômage, existe lorsque la conduite de l'employé montre qu'il néglige volontairement ou gratuitement les intérêts de l'employeur, par exemple, en commettant des infractions délibérées, ou ne tient aucun compte des normes de comportement que l'employeur a le droit d'exiger de ses employés, ou est insouciant ou négligent à un point tel et avec une fréquence telle qu'il fait preuve d'une intention délictuelle [...]. »

    Même si le second extrait cité ci-dessus ne se rapporte pas à la Loi sur l'assurance-chômage en vigueur au Canada, il correspond parfaitement, à mon sens, à notre droit, dans la mesure où il indique que, pour constituer de l'inconduite, l'acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d'une telle insouciance ou négligence que l'on pourrait dire que l'employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail. Aucune volonté de la sorte ne s'est manifestée dans la présente affaire. »

    Dans le cas qui nous occupe, le conseil a examiné les éléments de preuve, dont une lettre d'une des collègues de travail du prestataire confirmant le fait que l'employeur pouvait parfois être difficile et dans laquelle elle affirmait avoir travaillé avec le prestataire pendant sept ans et qu'il était facile de bien s'entendre avec lui, qu'il accomplissait son travail consciencieusement tout en étant sympathique et que les employeurs étaient des individus qui ne faisaient pas preuve de professionnalisme et qui n'étaient pas dignes de confiance. Selon le prestataire, cette lettre avait été remise au conseil et identifiée comme étant les pièces 12-2 et 12-3, mais elle ne figurait pas dans le dossier d'appel. Je n'ai aucune raison de ne pas croire le prestataire lorsqu'il affirme que cette lettre a été remise au conseil.

    À partir des éléments de preuve qui avaient été portés à leur connaissance, les membres du conseil ont conclu à l'unanimité que le comportement du prestataire ne constituait pas de l'inconduite au sens où l'entend la Cour d'appel fédérale.

    Pour conclure que les actes ayant entraîné le congédiement d'un prestataire constituaient de l'inconduite, il faut avant tout examiner la preuve et déterminer les faits. Il est établi sans équivoque dans la jurisprudence que le conseil arbitral est le principal juge des faits dans les affaires relatives à l'assurance-emploi.

    Dans l'arrêt Guay (A-1036-96), le juge Marceau a écrit ceci :

    « Nous sommes tous d'avis, après ce long échange avec les procureurs, que cette demande de contrôle judiciaire portée à l'encontre d'une décision d'un juge-arbitre agissant sous l'autorité de la Loi sur l'assurance-chômage se doit de réussir. Nous pensons, en effet, qu'en contredisant, comme il l'a fait, la décision unanime du Conseil arbitral, le juge-arbitre n'a pas respecté les limites dans lesquelles la Loi assoit son pouvoir de contrôle.

    [...]

    De toute façon, dans tous les cas, c'est le Conseil arbitral - le pivot de tout le système mis en place par la Loi pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation - qui est celui qui doit apprécier. »

    De plus, dans l'arrêt Ash (A-115-94), la juge Desjardins a écrit ce qui suit :

    « Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. »

    Et plus récemment, dans l'affaire Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau a déclaré que le rôle d'un juge-arbitre se limitait à déterminer si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments de preuve qui avaient été portés à sa connaissance.

    En l'espèce, la décision du conseil est tout à fait compatible avec les éléments de preuve dont il disposait. Le prestataire n'a fait qu'un bras d'honneur à son employeur durant une discussion animée au cours de laquelle celui-ci n'a pris aucune mesure pour désamorcer la situation, mais l'a plutôt envenimée en demandant au prestataire de signer une lettre de démission. Le conseil était en droit de conclure que le comportement du prestataire ne constituait pas de l'inconduite. La Commission n'a pas prouvé que le conseil avait rendu une décision entachée d'une erreur de fait ou de droit.

    Par conséquent, l'appel est rejeté.

    GUY GOULARD

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 21 mars 2005

    2011-01-16