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  • CUB 63271

    TRADUCTION

    Dans l'affaire de la Loi sur l'assurance-emploi,
    L.C. 1996, ch. 23

    et

    d'une demande de prestations de chômage présentée par
    Kenneth Rutherford

    et

    d'un appel interjeté par la Commission à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue le 25 mai 2004 à North York (Ontario)

    Appel instruit à Toronto (Ontario) le 1er mars 2005

    DÉCISION

    Le juge-arbitre R.C. STEVENSON

    La Commission interjette appel de la décision majoritaire d'un conseil arbitral ayant accueilli l'appel de M. Rutherford à l'encontre de la décision qu'elle avait rendue, à savoir le refus de prolonger le délai prévu pour interjeter appel devant un conseil arbitral de sa décision de l'exclure du bénéfice des prestations de chômage parce qu'il avait volontairement quitté son emploi sans justification.

    La Commission a rendu sa décision d'exclure le prestataire du bénéfice des prestations le 13 novembre 2003. L'avis d'appel que ce dernier a fait parvenir au conseil arbitral était daté du 12 mars 2004 et a été reçu par la Commission le 19 mars, comme en fait foi la date estampillée sur le document. Pour justifier son retard, le prestataire a déclaré ce qui suit :

    Avec le recul de plusieurs mois, je suis plus convaincu que jamais que j'étais fondé à présenter ma démission et que j'aurais dû recevoir des prestations régulières de même que consulter un conseiller en emploi ou suivre un cours de recyclage approprié.

    [TRADUCTION]

    La Commission a refusé de considérer ces explications comme des raisons spéciales justifiant la prolongation du délai aux termes du paragraphe 114(1) de la Loi sur l'assurance-emploi.

    Dans son avis d'appel à l'encontre de cette décision, M. Rutherford a déclaré ceci :

    Comme je l'ai déclaré à l'occasion de l'appel que j'ai interjeté précédemment, je m'appuie sur le fait que j'étais épuisé et surmené (tant professionnellement que personnellement) et je n'ai pas réalisé l'ampleur du problème avant l'expiration du délai de 30 jours (c.-à-d. avant que je ne me retrouve dans une situation beaucoup moins stressante). [TRADUCTION]

    Il a présenté d'autres observations écrites et orales au conseil arbitral. Dans sa décision, le conseil arbitral a déclaré ceci :

    Il a déclaré qu'il lui avait fallu un certain temps pour prendre du recul et se rendre compte qu'il n'avait pas d'argument (sic). Il croyait que lorsqu'on démissionne, on n'a pas droit à des prestations. Il s'est renseigné et a compris qu'il avait de bonnes raisons d'avoir quitté volontairement son emploi.

    Il était très stressé lorsqu'il a démissionné.

    Quand l'agent de la Commission lui a demandé pourquoi il n'avait pas fait sa demande auparavant, il a été surpris et n'a pu répondre adéquatement. Il avait commencé à chercher du travail avant de démissionner et a continué après.

    CONSTATATION DES FAITS, APPLICATION DE LA LOI

    Si un prestataire ne présente pas sa demande d'appel dans les 30 jours et veut antidater sa demande, il doit avoir un motif valable pour ne pas l'avoir fait avant.

    Le prestataire a attendu quelques mois avant d'interjeter appel de la décision de la Commission de ne pas lui verser de prestations régulières. Il a indiqué qu'il lui a fallu du temps pour comprendre qu'il était justifié à quitter volontairement son emploi. Auparavant, il était trop stressé.

    Les membres majoritaires du conseil soulignent que le prestataire a cherché du travail à partir du moment où il a quitté son emploi et estiment qu'il était raisonnable de sa part de croire qu'il n'était pas admissible. Lorsqu'il s'est renseigné, ayant les idées plus claires, il a compris qu'il pouvait être admissible.

    Les membres majoritaires du conseil déterminent que dans l'intérêt de la justice naturelle, le prestataire doit avoir la possibilité de soumettre son cas.

    Le conseil arbitral semble avoir confondu la question de la prolongation du délai d'appel avec la question de l'antidatation de sa demande de prestations.

    Le paragraphe 114(1) de la Loi sur l'assurance-emploi dispose qu'un prestataire peut interjeter appel de la décision de la Commission devant le conseil arbitral dans les 30 jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder pour des raisons spéciales dans un cas particulier. Le paragraphe 10(4) de la Loi autorise la Commission à antidater une demande lorsque le retard est justifié par un motif valable. La Cour d'appel fédérale a déclaré que le critère des « raisons spéciales » ne se limitait pas nécessairement à la question de savoir s'il existait un motif valable pour justifier le retard à demander un appel. Cardamone c. Canada (procureur général), [1997] A.C.F. N° 650 (QL); N° du greffe A-432-96.

    Bien qu'aucune preuve médicale n'ait été versée au dossier, il ressort clairement que M. Rutherford vivait réellement un stress tant au travail qu'à la maison, puisqu'il s'occupait seul de trois adolescents. Étant d'origine écossaise, M. Rutherford croit naturellement qu'il est mal de quitter son emploi.

    Le conseil arbitral n'a pas utilisé les mots magiques « raisons spéciales », mais a plutôt parlé de «« motif valable »» ainsi que de « l'intérêt de la justice naturelle ». Je dois conclure que le conseil n'a pas appliqué le critère approprié.

    Comme les faits ne sont pas contestés et que la crédibilité du prestataire n'est pas mise en doute, je vais rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre.

    À mon avis, les situations stressantes dans lesquelles s'est retrouvé M. Rutherford constituaient des raisons spéciales pour justifier la prolongation du délai dans lequel il pouvait en appeler devant le conseil arbitral.

    L'appel de la Commission est donc rejeté.

    Ronald C. Stevenson

    Juge-arbitre

    FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)
    Le 11 mars 2005

    2011-01-16