TRADUCTION
Dans l'affaire de la Loi sur l'assurance-emploi L.C. 1996, chap. 23
et
d'une demande de prestations d'assurance-chômage présentée par
Janice Ralbosky
et
d'un appel interjeté par la prestataire à l'encontre d'une décision d'un conseil arbitral rendue le 13 septembre 2004, à Brampton (Ontario)
Appel instruit à Toronto (Ontario) le 2 mars 2005
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE R. C. STEVENSON
Mme Ralbosky interjette appel de la décision majoritaire d'un conseil arbitral qui a rejeté son appel à l'encontre de la décision de la Commission refusant d'antidater sa demande de prestations pour qu'elle prenne effet le 25 août 2003 plutôt que le 4 juin 2004.
Mme Ralbosky a perdu son emploi le 22 août 2003. Le relevé d'emploi remis à ce moment par l'employeur portait l'avertissement suivant : « Vous pourriez perdre les prestations auxquelles vous aviez droit si vous ne soumettez pas une demande de prestations dans les quatre semaines qui suivent la cessation de votre emploi. » [Traduction] Le relevé d'emploi ne mentionnait pas l'indemnité de départ. Un second relevé d'emploi émis par l'employeur en décembre 2003 indiquait une indemnité de départ de 55 554 $.
Mme Ralbosky a attendu jusqu'en juin 2004 pour présenter une demande de prestations. Une agent de la Commission a eu une conversation téléphonique avec elle le 21 juin. Cette conversation a été consignée sur le formulaire intitulé « Décision défavorable ». À la rubrique intitulée « Commentaires concernant l'entrevue », l'agent a noté ce qui suit :
Conversation téléphonique avec la prestataire pour l'informer de la décision (BPNE N-1). La prestataire était mécontente. J'ai demandé à la prestataire pourquoi elle n'avait pas présenté sa demande plus tôt. Elle a répondu qu'elle ne pensait pas être sans emploi aussi longtemps et qu'elle avait reçu une indemnité de départ. J'ai indiqué à la prestataire que je lui ferai parvenir un formulaire de demande d'antidatation pour qu'elle le remplisse et que nous examinerons notre décision lorsqu'elle le retournera- Elle a indiqué qu'elle comprenait. [Traduction]
Je ne sais pas ce que signifie BPNE N-1. Ce code peut désigner le rejet d'une demande parce que Mme Ralbosky n'avait pas un nombre suffisant d'heures d'emploi assurable puisque l'avis d'appel envoyé au conseil arbitral le 28 juin précisait qu'elle interjetait appel pour cette raison. (Le dossier d'appel ne contenait aucune décision écrite à ce moment-là.) La prestataire a écrit ce qui suit dans son avis d'appel :
Lorsque j'ai perdu mon emploi en août 2003, j'ai téléphoné au centre de l'assurance-emploi et on m'a dit que je ne serais pas admissible aux prestations jusqu'en juin 2004 en raison de l'indemnité de départ que je recevais. J'ai demandé des prestations d'assurance-emploi en juin 2004 et on m'a informé que mes prestations auraient dû commencer le 18 avril 2004. Cependant, comme j'avais attendu jusqu'en juin 2004 pour faire une demande, celle-ci était refusée parce que je n'avais pas accumulé un nombre suffisant d'heures d'emploi assurable. Je souhaite que la demande de prestations soit antidatée de façon que je puisse être admissible au bénéfice des prestations à partir du 18 avril 2004. [Traduction]
Le 15 juillet, la Commission a écrit à Mme Ralbosky pour l'informer que sa demande ne pouvait pas prendre effet le 25 août 2003 parce qu'elle n'avait pas démontré qu'elle avait un motif valable pour présenter une demande tardive de prestations du 25 août 2003 au 4 juin 2004.
Le 29 juillet, Mme Ralbosky a présenté une demande officielle d'antidatation. Elle s'est exprimée dans les termes suivants sur sa demande :
Le ou vers le 27 août 2004 [sic], j'ai téléphoné à DRHC pour m'informer du processus à suivre pour demander des prestations d'assurance-emploi. J'ai indiqué que je toucherais une indemnité de départ de 55 000 $ et j'ai demandé à l'agente ce que je devais faire. Elle m'a répondu que je ne serais pas admissible aux prestations avant la fin du versement de mon indemnité de départ, ce qui devait avoir lieu en juin 2004 selon ses calculs. Par conséquent selon l'information qu'elle m'a donnée, je n'ai pas fait de demande avant le mois de juin 2004. [Traduction]
La Commission a refusé d'antidater sa demande pour qu'elle prenne effet le 10 août parce qu'elle a constaté que la question avait déjà été tranchée - CCS D40.
Le 16 août, Mme Ralbosky a interjeté appel devant le conseil arbitral en faisant référence à la lettre du 15 juillet de la Commission.
La majorité des membres du conseil arbitral s'est exprimée comme suit dans sa décision :
En l'espèce, le conseil a dû rendre sa décision en se fondant sur la prépondérance des probabilités. La prestataire a déclaré qu'elle avait téléphoné vers le 27 août 2003, mais la Commission n'avait aucune preuve de cet appel. Il semblerait que si un tel appel avait été fait au cours duquel un représentant de la Commission avait fait des calculs au sujet de la demande, une preuve écrit aurait été conservée alors qu'il n'y en a aucune.
Le conseil a également tenu compte du fait que la prestataire avait fait un seul appel en août 2003 à la Commission puis un autre dix mois plus tard pour vérifier les premiers calculs. Si la prestataire comptait sur l'information reçue de la Commission alors qu'elle n'avait qu'une vague idée du montant de son indemnité de départ, pourquoi n'a t-elle pas téléphoné à la Commission en décembre 2003 lorsqu'elle a appris le montant exact de cette indemnité?
Le conseil a aussi examiné la réponse donnée par la prestataire pour expliquer son retard, soit qu'elle ne savait pas qu'elle serait si longtemps sans emploi et qu'elle recevrait une indemnité de départ (pièce 4). La prestataire n'a pas indiqué à ce moment-là que la Commission lui avait dit d'attendre jusqu'en juin 2004.
En tenant compte de tous les éléments de preuve et en se fondant sur la prépondérance des probabilités, la prestataire n'a pas téléphoné à la Commission autour du 27 août 2004 [sic] pour s'informer au sujet de sa demande. Elle a décidé de ne pas présenter sa demande avant juin 2004. Le conseil a également pris en compte le fait que la prestataire n'avait pas entièrement lu le relevé d'emploi et n'avait pas consulté le verso du document pour obtenir plus de renseignements. Elle allègue qu'elle était mécontente de sa mise en disponibilité. En fait, la prestataire n'a pas agi comme l'aurait fait une personne raisonnable dans sa situation pour vérifier les droits et les obligations que lui impose la Loi.
La prestataire n'a pas démontré avoir un motif valable pour présenter une demande tardive. La demande d'antidatation est rejetée. [Traduction]
La majorité des membres du conseil se contredit. Dans le deuxième paragraphe, ces membres disent qu'ils tiennent compte du « fait que la prestataire avait fait un seul appel en août 2003 ». Deux paragraphes plus loin, ils disent qu'elle n'a fait aucun appel. Le membre dissident doutait que l'appel avait été fait.
Si la majorité des membres du conseil a conclu que Mme Ralbosky n'avait pas téléphoné, ceux-ci se sont apparemment fondés sur l'absence de preuve écrite consignée par le personnel de la Commission. Les juges-arbitres entendent si souvent dire que de telles preuves écrites n'existent pas qu'il est il fort possible qu'aucune note sur cet appel ait été conservée, tout particulièrement parce que Mme Ralbosky n'avait pas encore fait de demande de prestations et qu'aucun dossier n'avait été créé à cet effet par les bureaux de la Commission.
J'estime que la conclusion tirée par la majorité des membres selon laquelle Mme Ralbosky n'avait pas téléphoné à la Commission en août 2003 n'était pas raisonnable.
La question demeure. Mme Ralbosky avait-elle un motif valable pour tarder à présenter sa demande de prestations? Dans la décision CUB 37589 mentionnée par le membre dissident, le juge-arbitre Rouleau a dit :
Chaque cas doit être examiné en fonction des faits qui lui sont propres, au moyen d'une appréciation partiellement subjective des circonstances. Dans Hamilton c. Le procureur général du Canada (1988), 91 NR 145, la Cour d'appel a soutenu que ce qui constitue un motif valable est toujours une question de fait. Dans cet arrêt, la Cour, citant une décision qu'elle avait rendue dans Le procureur général du Canada c. Gauthier (A-1789-83, 9 octobre 1984) s'est prononcée en ces termes :
À tout le moins, à notre avis, les circonstances dans lesquelles il est raisonnable pour un prestataire de retarder délibérément la présentation de sa demande doivent-elles également constituer des motifs justifiant un retard. Les tribunaux ne devraient pas, par des obstacles artificiels, nuire aux démarches louables d'un prestataire qui, pour des motifs raisonnables, retarde la présentation de sa demande de prestations.
Lorsque la Commission donne des renseignements erronés ou lorsqu'elle omet de fournir l'information requise, il en résulte manifestement des situations qui peuvent compromettre l'admissibilité aux prestations du prestataire. Un prestataire qui a fait toutes les démarches requises pour s'informer de son droit aux prestations sera perçu comme ayant établi un « motif valable » de retard lorsque son défaut de présenter sa demande de prestations plus tôt résulte directement d'un renseignement erroné de la part de la Commission. Dans le CUB 11100, le juge-arbitre a considéré ce à quoi il faut raisonnablement s'attendre de la part d'un prestataire à qui un représentant de la Commission a donné un renseignement qui l'a conduit à ne pas présenter sa demande de prestations dans le délai prescrit par la Loi :
Si, comme il le prétend, il a effectivement accepté les avis de cette personne, alors le prestataire a « agi comme l'aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s'assurer des droits et obligations que lui impose la Loi » [...]
Une personne raisonnable, justifiée au premier abord d'accepter des avis qui font apparemment autorité, continue naturellement à les accepter jusqu'à ce qu'on attire son attention sur leur caractère erroné et peu digne de foi.
Mme Ralbosky a été avisée qu'elle ne pourrait recevoir de prestations tant qu'une indemnité de départ lui serait versée. On ne lui a pas dit que, malgré cela, elle devrait présenter immédiatement une demande de prestations. En pareilles circonstances, elle avait un motif valable de retard et sa demande aurait dû être antidatée.
Peu de temps après avoir instruit cet appel, j'ai demandé l'enregistrement de l'audience devant le conseil arbitral et j'ai reçu la bande magnétique il y a quelques jours. C'est pourquoi je n'ai pu rendre ma décision plus tôt.
L'appel est accueilli et l'antidatation est autorisée.
Ronald C. Stevenson
Juge-arbitre
FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)
Le 16 mai 2005