TRADUCTION
Dans l'affaire de la Loi sur l'assurance-emploi,
L.C. 1996, ch. 23
et
d'une demande de prestations de chômage présentée par
Everett MacDonald
et
d'un appel interjeté par le prestataire à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Saint John (Nouveau-Brunswick) le 12 février 2004
Appel instruit à Saint John (Nouveau-Brunswick) le 19 avril 2005
DÉCISION
Le juge-arbitre R. C. STEVENSON
M. MacDonald appelle de la décision d'un conseil arbitral ayant rejeté l'appel d'une décision de la Commission, qui avait déterminé qu'elle ne pouvait lui verser de prestations à partir du 1er février 2001 parce qu'il exploitait une entreprise et ne pouvait donc être considéré comme en chômage.
M. MacDonald a perdu son emploi de contremaître chez Maguire Excavating Ltd. en novembre 2000, peu avant ses 62 ans. Il a demandé des prestations de chômage, et une période de prestations a été établie à son profit. En 2003, par suite d'une comparaison de données d'assurance-emploi et de déclarations de revenu, la Commission a découvert que M. MacDonald avait déclaré un travail indépendant en 2001.
M. MacDonald et son épouse avaient acheté en 1997 un lave-auto qui était resté inexploité jusqu'à ce que M. MacDonald décide de le relancer, après avoir perdu son emploi régulier.
Les dispositions pertinentes du Règlement sur l'assurance-emploi figurent aux paragraphes 30(1), (2) et (3) :
30.(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (4), le prestataire est considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail lorsque, durant la semaine, il exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite une entreprise soit à son compte, soit à titre d'associé ou de cointéressé, ou lorsque, durant cette même semaine, il exerce un autre emploi dans lequel il détermine lui-même ses heures de travail.
(2) Lorsque le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise selon le paragraphe (1) dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d'une personne, il n'est pas considéré, à l'égard de cet emploi ou de cette activité, comme ayant effectué une semaine entière de travail.
(3) Les circonstances qui permettent de déterminer si le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans la mesure décrite au paragraphe (2) sont les suivantes :
a) le temps qu'il y consacre;
b) la nature et le montant du capital et des autres ressources investis;
c) la réussite ou l'échec financiers de l'emploi ou de l'entreprise;
d) le maintien de l'emploi ou de l'entreprise;
e) la nature de l'emploi ou de l'entreprise;
f) l'intention et la volonté du prestataire de chercher et d'accepter sans tarder un autre emploi.
Les six facteurs énumérés au paragraphe 30(3) doivent tous être pris en compte mais la Cour d'appel fédérale a statué dans Charbonneau c. Canada (Procureur général) 2004 FCA 61; 324 N.R. 89 que le premier et le sixième facteur sont prééminents. Dans cet arrêt, le juge Décary, s'exprimant au nom de la Cour, a dit ce qui suit aux paragraphes 8 à 10 :
[8] Quoi qu'il en soit et de manière plus fondamentale, la raison première, me semble-t-il, qui avait amené le juge Marceau à consacrer la prééminence du facteur « temps » est que ce facteur était « le plus pertinent », « le seul facteur essentiel à entrer en ligne de compte » dans tous les cas. La seule chose qui nous intéresse, dira-t-il, est l'idée de travailler une semaine entière et « la conclusion dépendra directement et nécessairement du "temps consacré" ». Or, cette raison première existe toujours, rien n'est changé à cet égard.
[9] Je me permettrai cependant d'ajouter que pas très loin derrière le facteur « temps », en termes d'importance, se trouve celui de « l'intention et la volonté du prestataire de chercher et d'accepter sans tarder un autre emploi ». Comme le soulignait le juge Marceau dans Jouan, « La loi est là pour assurer des prestations temporaires aux personnes sans emploi qui cherchent activement un autre travail » (mon soulignement). Un prestataire ne sera pas en état de chômage s'il se contente de se dire disponible et n'effectue pas, tout au long de sa période de prestations, des démarches sérieuses et réelles pour se trouver du travail.
[10] En conclusion, s'il est exact de dire que tous les facteurs énumérés à l'article 30(3) du Règlement sur l'assurance-emploi doivent être pris en considération, le fait est que le facteur « temps » (l'alinéa a)) et le facteur « intention et volonté » (l'alinéa f)) sont d'une importance primordiale. Un prestataire qui n'a pas le temps de travailler ou qui ne se cherche pas activement un emploi ne devrait pas bénéficier du système d'assurance-emploi.
Le conseil arbitral qui a instruit l'appel de M. Macdonald s'est exprimé ainsi :
Le conseil juge louable le fait que le prestataire essaie d'établir une entreprise viable. Son ignorance de la loi, toutefois, ne lui donne pas droit à des prestations qui ne sont pas prévues dans la Loi sur l'assurance-emploi et dans son Règlement.
Le conseil tient pour avéré que le prestataire exploitait en fait une entreprise et qu'il ne pouvait donc pas être considéré comme chômeur. Il est d'accord avec la jurisprudence citée par la Commission, soit la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Veillet (A-58-94), dans laquelle le tribunal a maintenu que les six critères établis dans Schwenk (décision CUB 5454) et maintenant inscrits au paragraphe 30(3) du Règlement, doivent servir à déterminer le statut d'un prestataire exploitant une entreprise. Le conseil est également d'accord avec le principe énoncé dans la décision CUB 39594 et la décision CUB 23120.
Le conseil partage l'avis de la Commission et soutient que la décision est conforme à la Loi sur l'assurance-emploi et à la jurisprudence.
La Commission s'était référée aux décisions CUB 39594 et 23120 dans les observations écrites qu'elle a adressées au conseil arbitral. Elle s'était aussi référée à la décision rendue par la Cour dans Veillet c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration) (1994), 176 N.R. 308, citée par le conseil. La citation présentée par la Commission était inexacte. La décision Veillet ne renvoyait pas, et n'aurait pas pu renvoyer, au paragraphe 30(3) du Règlement, car elle avait été rendue avant que le Règlement soit édicté.
La décision rendue par le conseil arbitral en l'espèce est incomplète. Le conseil n'a pas respecté le paragraphe 114(3) de la Loi, qui l'oblige à inclure dans sa décision un exposé de ses conclusions sur les questions de fait essentielles.
Dans les affaires liées à l'exercice d'un travail indépendant, le conseil arbitral doit tirer des conclusions de fait relativement à chacun des six facteurs énumérés et déterminer ensuite si le prestataire exerçait son travail indépendant dans une mesure si limitée qu'une personne ne compterait pas normalement sur celui-ci comme principal moyen de subsistance.
Plutôt que de renvoyer l'affaire pour qu'elle soit instruite à nouveau, je vais rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre.
Temps consacré. M. MacDonald tenait un registre d'entreprise (pièce 6). En janvier 2001, il a passé du temps à mettre le matériel en bon état de marche et à s'occuper d'autres préparatifs. En février, le lave-auto a été fermé 17 jours sur 28 à cause des conditions météorologiques. Les jours où il était ouvert, les revenus ont oscillé entre 40 $ et 105 $, totalisant 869 $ pour tout le mois. En mars, l'entreprise a été fermée 15 jours sur 31 et a fait entre 30 $ et 68 $ de revenus les jours où elle était ouverte, soit 841 $ en tout. En avril, elle a été ouverte 16 jours sur 30, les revenus se sont situés entre 12 $ et 88 $ par jour et ont totalisé 950 $. De mai à octobre, les affaires ont mieux marché, les revenus atteignant un sommet de 1962 $ en août. Du 1er mai au 30 novembre, l'entreprise a été ouverte 120 jours sur 214, soit un peu plus de la moitié du temps. M. MacDonald passait peut-être toute la journée au lave-auto quand celui-ci était ouvert mais il est évident qu'une bonne partie de ce temps n'était pas productif.
Nature et montant du capital et des autres ressources investis. M. MacDonald et son épouse avait acheté l'entreprise pour 7500 $ en 1997. Des frais de démarrage de plus de 4000 $ avaient été engagés en 2001 mais ces frais avaient été imputés aux résultats.
Réussite ou échec financier de l'entreprise. Dans ses observations écrites au conseil arbitral, la Commission a dit que M. MacDonald avait dégagé un profit de 2343,70 $ pour l'année d'imposition 2001. Le conseil arbitral a dit qu'il avait été déterminé que M. MacDonald avait déclaré 7554 $ de revenu tiré d'un travail indépendant pour cette année. Les deux se trompaient. La somme de 7554 $ provenait de la pièce 3-1, formés de l'imprimé de la comparaison de données, et représentait le montant des prestations de chômage que M. MacDonald avait reçues en 2001.
J'ignore où la Commission a trouvé le chiffre de 2343,70 $ de profit. Le rapprochement des montants de rémunération montre que l'entreprise a eu un revenu brut de 12 069 $ et une perte nette de 3904 $. Les dépenses sont ventilées aux pièces 5-1 et 7 et ne comprennent pas le loyer foncier mensuel de 287,50 $, qui fait monter la perte à 7354 $.
Maintien de l'entreprise. L'entreprise existe encore et est maintenant exploitée par un des enfants de M. MacDonald.
Nature de l'entreprise. M. MacDonald avait été contremaître en construction ou en excavation. Le lave-auto était un à-côté qui n'était pour lui guère plus qu'une entreprise amateur lorsqu'il est devenu chômeur.
Intention et volonté du prestataire de chercher et d'accepter sans tarder un autre emploi. M. MacDonald a dit à la Commission qu'il aurait fermé le lave-auto s'il avait trouvé un emploi. Il se rendait compte qu'il commençait à être trop âgé pour travailler dans la construction.
Conclusion. Compte tenu des six facteurs applicables et plus particulièrement, en l'espèce, du fait que l'entreprise n'était pas rentable, je conclus que M. MacDonald participait à l'exploitation de l'entreprise dans une mesure si limitée que cette activité n'aurait pas constitué normalement le principal moyen de subsistance d'une personne.
Décision. L'appel est accueilli, et l'inadmissibilité est levée.
Ronald C. Stevenson
Juge-arbitre
FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)
Le 29 avril 2005