EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
RELATIVEMENT à une demande de prestations par
Raymond BONAMI
et
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue le 21 septembre 2004 à St-Jérôme, Québec
DÉCISION
GUY GOULARD, Juge-arbitre
Le prestataire avait travaillé pour la Ville de Mont-Laurier du 29 juillet 2003 au 4 juin 2004. Il présenta une demande de prestations qui fut établie prenant effet le 6 juin 2004. La Commission détermina par la suite que le prestataire avait volontairement quitté son emploi sans justification. En conséquence, la Commission a imposé une exclusion d'une période indéterminée à compter du 6 juin 2004.
Le prestataire en appela de cette décision devant un conseil arbitral qui accueillit l'appel. La Commission porta la décision du conseil en appel devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu à Ste-Agathe-des-Monts, Québec le 21 octobre 2005. Le prestataire était présent. L'employeur était représenté par M. Normand Bélanger et M. Robin Plouffe.
La preuve dans ce dossier a établi que l'employeur avait offert au prestatairehuit semaines d'emploi durant la période d'été 2004. Le prestataire voulait alors prendre trois semaines de vacances auxquelles il avait droit. Un autre employé ayant moins d'ancienneté que le prestataire était disponible pour travailler les huit semaines. Le prestataire, conformément à la convention collective, avait le droit de travailler les huit semaines. Il a indiqué que si l'employeur avait demandé qu'il travaille, il l'aurait fait mais, comme on ne lui a pas demandé, il a laissé l'autre employé prendre les huit semaines de travail qui étaient offertes. L'employeur avait indiqué à la pièce 9 qu'on avait offert huit semaines de travail au prestataire et qu'il avait indiqué que ça ne l'intéressait pas. L'employeur ne se souvenait pas si le prestataire avait mentionné ses trois semaines de vacances. L'employeur a confirmé que le prestataire aurait pu travailler cinq semaines puisqu'il avait plus d'ancienneté.
Le prestataire avait plus d'ancienneté que tous les autres employés temporaires (pièce 7) et, en vertu de la convention collective, il avait le premier droit de rappel. Dans une déclaration statutaire à un agent de la Commission (pièce 8), le prestataire avait décrit qu'à plusieurs reprises il avait convenu avec d'autres employés temporaires de les laisser travailler alors qu'il avait droit à des semaines de travail. Il avait indiqué qu'à l'occasion il laissait un autre employé prendre les jours de travail parce que celui-ci avait plus besoin d'argent. Il avait indiqué que lorsqu'il avait avisé l'employeur qu'il désirait prendre ses trois semaines de vacances, celui-ci avait préféré donner les huit semaines à un autre employé. Le prestataire avait reconnu qu'il n'avait pas exercer son droit d'ancienneté pour les cinq semaines après ses vacances parce qu'il ne savait pas qu'il avait le droit de le faire.
Dans sa lettre d'appel au conseil arbitral, le prestataire a indiqué que le choix de conserver un autre employé en service revenait à son supérieur et qu'il avait été mis à pied.
Le prestataire ainsi que les représentantes de l'employeur se sont présentés devant le conseil arbitral où ils ont confirmé la preuve au dossier. Le conseil a souligné que tous les témoins s'entendaient pour dire que la culture de l'entreprise n'était pas rigide en matière de la convention collective et que le rôle de l'employeur était complaisant relativement à l'application de la clause d'ancienneté.
Le conseil a revu la preuve et a indiqué que le prestataire avait manifesté son désir et son droit de combler le poste offert mais que l'employeur n'avait pas donné suite à cette offre et avait laissé les deux employés décider lequel d'entre eux allait travailler. Le conseil a conclu que la décision de l'employeur de retenir les services de l'employé ayant moins d'ancienneté constituait la mise à pied du prestataire.
Cette décision est clairement contraire à la preuve incontestée au dossier qui avait établi que le prestataire n'avait pas manifesté son désir et son droit de combler le poste offert. Il avait, au contraire, indiqué qu'il n'était pas disponible pour travailler les huit semaines offertes et qu'il ne savait pas qu'il avait le droit de demander de travailler les cinq semaines avant ou après ses trois semaines de vacances. L'employeur avait indiqué que le prestataire avait dit qu'il n'était pas intéressé aux huit semaines offertes. Comme l'a souligné le conseil, le prestataire et l'autre employé avaient décidé lequel d'entre eux travaillerait, comme ils l'avaient fait à maintes reprises par le passé. La seule raison pour laquelle les semaines ont été offertes à un autre employé est que le prestataire ne s'est pas prévalu de son droit de travailler ces semaines. Il s'agissait d'une décision personnelle.
Comme l'avait souligné le conseil, l'employeur était, pour dire le moindre, complaisant relativement à la mise en application de la convention collective et de la clause d'ancienneté.
La preuve a démontré que l'employeur avait offert huit semaines de travail au prestataire. Celui-ci avait le droit d'accepter toutes ces semaines ou celles qui restaient une fois qu'il aurait pris les vacances qu'il voulait prendre. Il est de jurisprudence constante qu'un employé qui, compte tenu de son ancienneté, a le droit de continuer de travailler mais choisit de refuser pour permettre à un autre employé de travailler a quitté volontairement son emploi et n'a pas établi une justification au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (CUBs 29161A, 14555, 26406, 42706 et 53566).
Dans le CUB 42706, le juge Forget avait écrit :
« La jurisprudence a clairement établi qu'un employé ayant plus d'ancienneté qui choisit de ne pas exercer son droit de priorité et accepte volontairement de quitter son poste doit être exclu du bénéfice des prestations. »
Dans le présent dossier, le prestataire avait le choix de travailler. Il a choisi de ne pas le faire. Il s'agissait manifestement d'un départ volontaire. Le paragraphe 29(c) de la Loi se lit comme suit :
29 c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas
(J'ai souligné)
Dans l'arrêt Denise Landry (A-1210-92), le juge Pratte écrivait :
« ... le conseil arbitral n'a pas à se demander s'il trouve raisonnable la conduite du prestataire; il doit plutôt se demander si le prestataire a quitté son emploi dans l'une ou l'autre des circonstances décrites aux alinéas a) à e) du paragraphe 28(4) de la Loi (maintenant 29(c)) et, dans la négative, si le départ immédiat du prestataire constituait la seule solution raisonnable dans son cas. »
Le prestataire avait d'autres alternatives que de quitter son emploi quand il l'a fait. Il a choisi de ne pas travailler. Ceci ne représentait pas la seule solution raisonnable dans son cas.
Le conseil a donc erré en droit et en fait dans sa décision.
En conséquence, l'appel est accueilli. La décision du conseil arbitral est annulée et la décision initiale de la Commission est confirmée.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 3 novembre 2005