TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'une demande de prestations présentée par
Rhiannon GALLANT
et
d'un appel interjeté par la Commission à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard) le 6 avril 2005
DÉCISION
Le juge-arbitre GUY GOULARD
La prestataire a travaillé pour Southport Home Centre Ltd. du 23 octobre 2004 jusqu'au 25 janvier 2005. Le 7 f&eacue;vrier 2005, elle a fait une demande de prestations de maladie et on lui a établi une période de prestations qui prenait effet le 30 janvier 2005. La Commission a par la suite appris que Mme Gallant avait travaillé pour la Banque nationale du Canada du 31 mai au 3 septembre 2004. Elle a établi que la prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification et lui a imposé une exclusion de durée indéterminée à partir du 30 janvier 2005.
La prestataire a appelé de la décision de la Commission devant un conseil arbitral qui a accueilli son appel. La Commission a interjeté appel de la décision du conseil; cet appel a été instruit à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, le 25 novembre 2005. La prestataire était absente mais s'était fait représenter par sa mère, Mme Sandra Gallant.
La preuve en l'espèce a permis d'établir que la prestataire avait poursuivi des études universitaires pendant plusieurs années tout en occupant un ou plusieurs emplois durant cette période. Au printemps 2004 la prestataire a accepté un emploi d'été à la Banque nationale du Canada tout en avisant son employeur qu'elle entendait retourner à l'université à l'automne. Quand elle a quitté son emploi à la Banque nationale du Canada, elle est retournée travailler pour l'un de ses autres employeurs, à savoir le Southport Home Center Ltd. Elle a dû quitter cet emploi par la suite pour des raisons de santé. La Banque a indiqué qu'elle aurait certainement gardé Mme Gallant à son emploi si elle avait pu lui offrir un horaire de travail compatible avec celui de ses cours. La prestataire achevait alors son programme universitaire et il ne lui restait plus que quelques crédits à obtenir, ce qui limitait son choix de cours. Elle savait qu'elle reprendrait un de ses anciens emplois après son congé de maladie. Et finalement, comme on me l'a indiqué à l'audience, la prestataire n'a été en chômage qu'une semaine et c'est son admissibilité aux prestations durant cette semaine qui fait l'objet de cet appel.
La prestataire a comparu devant le conseil arbitral et exposé sa version des faits. Elle a expliqué qu'elle n'avait pas quitté son emploi à la Banque nationale du Canada pour retourner aux études, mais qu'elle avait plutôt accepté ce travail comme emploi d'été et qu'elle était donc retournée à l'université comme prévu, sachant qu'elle travaillerait encore pendant l'année scolaire comme elle l'avait fait durant les années précédentes. La direction de la Banque lui avait dit qu'elle aimerait bien la garder à son service mais que ce n'était pas possible dans les circonstances.
Le conseil avait accueilli l'appel de la prestataire pour les raisons suivantes :
« Le conseil constate que la prestataire a établi de très bons antécédents de travail à temps partiel pendant qu'elle suivait des cours. Bien qu'on lui ait refusé le bénéfice des prestations, elle continue tout de même à chercher un travail à temps partiel, de même qu'un emploi dans son domaine à l'échelle du pays. Par conséquent, le conseil conteste la décision de la Commission et cite la décision CUB 53009. Dans cette affaire, le juge-arbitre souscrit à la décision selon laquelle le prestataire (O'Connell) n'a pas quitté son emploi pour se placer au chômage, mais pour retourner à l'école et terminer son programme de formation. C'est aussi le cas de Mme Gallant, et cette dernière ne devrait pas être pénalisée pour avoir voulu améliorer ses chances de trouver un emploi rémunéré à temps plein qui lui convienne vraiment. »
Dans son argumentation d'appel, la Commission a indiqué que selon elle, le conseil avait commis une erreur en concluant que la prestataire était fondée à quitter l'emploi qu'elle avait à la Banque nationale du Canada, parce qu'elle l'avait quitté pour retourner à l'université.
La représentante de la prestataire a fait valoir que le conseil avait bien analysé la situation de la prestataire avant d'en arriver à cette décision et de conclure qu'elle était fondée à quitter son emploi à la banque. Elle a souligné que cette dernière avait eu deux ou même trois emplois durant son année universitaire et qu'elle avait repris un de ces emplois lorsqu'elle a laissé la banque pour reprendre les études. La représentante de la prestataire a répété que sa fille avait accepté l'emploi à la banque comme travail d'été et que son entente avec la banque avait pris fin, même si la direction de la banque aurait bien aimé la garder. Elle a soutenu que sa fille n'avait pas quitté la banque pour se retrouver au chômage et qu'elle n'avait jamais été en chômage, sauf une semaine à la fin de son congé de maladie. Elle a rappelé que le conseil avait pris ces faits en considération lorsqu'il a accueilli l'appel de la prestataire. Elle a déploré le fait que la Commission ait pu considérer comme une solution raisonnable que la prestataire conserve son emploi à la banque plutôt que de le quitter pour retourner finir le programme universitaire menant à l'obtention de son diplôme.
Pour déterminer si un prestataire a réussi à démontrer qu'il était fondé à quitter son emploi et qu'il n'y avait pas d'autre solution raisonnable dans les circonstances, il faut tout d'abord apprécier la preuve et établir les faits. Or la jurisprudence est très claire à cet égard; c'est le conseil arbitral qui est le principal juge des faits dans les affaires d'assurance-emploi.
Dans l'arrêt Guay (A-1036-96), le juge Marceau a écrit ceci :
« De toute façon, dans tous les cas, c'est le Conseil arbitral - le pivot de tout le système mis en place par la Loi pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation - qui est celui qui doit apprécier.
[...]
Le juge-arbitre, d'après nous, ne pouvait pas rejeter cette conclusion du Conseil sur la seule base d'un raisonnement qui, en somme, ne fait que donner pleine priorité aux vues de l'employeur. »
Et dans Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau a déclaré que le rôle d'un juge-arbitre se limitait à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier.
Dans l'affaire qui nous occupe, la décision du conseil est tout à fait compatible avec les éléments de preuve dont il disposait. Même si la jurisprudence a clairement établi qu'une personne n'est pas fondée à quitter son emploi pour aller suivre une formation, le conseil a toutefois reconnu que la situation n'était pas exactement la même dans le cas de la prestataire, car celle-ci a simplement quitté un emploi d'été pour reprendre un ou deux emplois à temps partiel tout en poursuivant ses études universitaires, comme elle en avait l'habitude. Elle avait d'ailleurs obtenu presque immédiatement un autre emploi, mais elle a été forcée de le laisser temporairement pour des raisons de santé. Elle n'a été au chômage que pendant une semaine, puis elle a recommencé à travailler tout en poursuivant ses études. La décision du conseil est parfaitement étayée par la preuve; la prestataire a démontré qu'elle était fondée à quitter l'emploi qu'elle avait à la banque.
Rappelons que les pouvoirs du juge-arbitre sont limités par les dispositions du paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi, et qu'à moins que le conseil arbitral ait omis d'observer un principe de justice naturelle, ait rendu une décision entachée d'une erreur de droit ou ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre est tenu de rejeter l'appel.
La Commission n'a pas prouvé que le conseil arbitral avait commis une erreur. Bien au contraire, le conseil a rendu une décision judicieuse fondée sur les faits portés à sa connaissance.
En conséquence, l'appel est rejeté.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 9 décembre 2005