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  • CUB 64942

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande de prestations présentée par
    Caroline JAMESON

    et

    d'un appel interjeté par la prestataire à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard) le 15 septembre 2004

    DÉCISION

    Le juge-arbitre GUY GOULARD

    La prestataire a travaillé pour le district scolaire de l'Est du 2 septembre 2003 au 12 mars 2004. Le 16 mars 2004, elle a présenté une demande initiale de prestations d'assurance-emploi, et une période de prestations prenant effet le 14 mars 2004 a été établie à son profit. Le 13 juillet 2004, la prestataire a renouvelé sa demande de prestations et a demandé que celle-ci soit antidatée afin qu'elle entre en vigueur le 14 mars 2004. Cependant, la Commission a refusé d'antidater la demande.

    La prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant un conseil arbitral, lequel a rejeté l'appel. Elle a ensuite porté la décision du conseil en appel. Le présent appel a été instruit à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard) le 24 novembre 2005 en présence de la prestataire.

    Les éléments de preuve présentés dans cette affaire ont permis d'établir que la prestataire avait présenté une demande de prestations en mars 2004, comme elle l'avait fait dans le passé, afin de commencer à observer son délai de carence, sachant qu'elle renouvellerait sa demande pour l'été comme par les années passées. La prestataire a expliqué qu'elle n'avait jamais reçu de cartes de déclaration mais seulement une lettre l'avisant qu'on lui transmettrait un code lui permettant de faire ses déclarations, code qu'elle n'avait jamais reçu. Voici un extrait de la lettre (pièce 6-2) que la prestataire a reçue de la Commission :

    « Peu de temps après avoir présenté votre demande de prestations, vous recevrez un relevé indiquant votre code d'accès téléphonique à quatre chiffres et des instructions sur la façon de faire votre déclaration de quinzaine et le moment où vous devez le faire. Veuillez prendre note que si vous ne faites pas votre déclaration dans les trois semaines suivant la date à laquelle on vous indique de le faire, vous risquez de perdre votre droit aux prestations. »

    [Traduction]

    La prestataire n'a jamais reçu son numéro de code. Elle est retournée travailler et, au mois de juin, elle a présenté une demande renouvelée de prestations rétroactive au mois de mars afin de pouvoir appliquer à son délai de carence de deux semaines la semaine pendant laquelle elle était en congé en mars.

    Dans sa lettre d'appel à l'intention du juge-arbitre, la prestataire a répété qu'elle n'avait jamais reçu son numéro de code et n'avait pas fait la déclaration qu'elle aurait faite si elle avait eu le code en question. Elle a soutenu qu'elle n'avait commis aucune erreur, qu'elle avait suivi les instructions qui lui avaient été données et qu'elle avait tout simplement attendu qu'on lui fournisse l'information nécessaire. Selon la prestataire, on ne lui avait pas fourni de numéro de code parce qu'une erreur avait été commise au bureau de la Commission.

    La prestataire a comparu devant le conseil et a fourni l'information qui figurait déjà dans le dossier d'appel. Le conseil a examiné les éléments de preuve et a conclu que la prestataire n'avait pas agi comme l'aurait fait une personne raisonnable parce qu'elle ne s'était pas informée auprès de la Commission. Le conseil a reconnu que la prestataire n'avait pas reçu l'information qu'on lui avait dit qu'elle recevrait. Le conseil n'a pas expliqué pourquoi le motif invoqué par la prestataire ne pouvait pas constituer un motif valable justifiant le fait qu'elle n'avait pas fait d'autres démarches concernant sa demande de prestations. Les éléments de preuve non contestés ont permis d'établir que la Commission avait avisé la prestataire qu'elle recevrait d'autres renseignements, mais qu'elle ne les avait jamais reçus, et que celle-ci était ensuite retournée au travail et n'avait fait aucune autre démarche avant le mois de juin. Aux termes du paragraphe 114(3) de la Loi sur l'assurance-emploi, la décision du conseil doit comprendre un exposé des conclusions du conseil sur les questions de fait. Cet article est libellé comme suit :

    114. (3) La décision d'un conseil arbitral doit être consignée. Elle comprend un exposé des conclusions du conseil sur les questions de fait essentielles.

    Dans l'arrêt Parks (A-321-97), le juge Strayer a écrit ceci :

    « Nous sommes tous d'avis que le conseil a commis une erreur de droit lorsqu'il a omis de se conformer au paragraphe 79(2). En particulier, nous sommes d'avis qu'il incombait au conseil de dire, au moins brièvement, qu'il a rejeté des parties cruciales de la preuve du demandeur et d'expliquer pourquoi il a agi ainsi. »

    Et, dans l'arrêt McDonald (A-297-97), le juge Linden s'est exprimé en ces termes :

    « Il faut absolument que le conseil arbitral aborde soigneusement les points litigieux réellement soulevés devant lui, et qu'il explique ses conclusions dans un raisonnement cohérent et logique. Tout ce qui est moindre est inacceptable. »

    Dans la décision qu'elle a rendue relativement à l'affaire Albrecht (A-172-85), la Cour d'appel fédérale a déclaré que pour déterminer si un prestataire avait un motif valable justifiant son retard à présenter une demande, il fallait établir si le prestataire avait agi comme l'aurait fait une personne raisonnable dans la même situation, que ce soit pour clarifier la situation concernant son emploi ou pour connaître ses droits et obligations.

    Dans la décision CUB 11100, le juge Muldoon, qui agissait à titre de juge-arbitre, a fait les recommandations suivantes pour déterminer si un prestataire répond à la description d'une personne raisonnable :

    « La question est donc de déterminer ce qu'on attend d'une "personne raisonnable". Maintenant, une personne raisonnable n'est pas une personne paranoïaque, en proie à l'anxiété, qui met en doute ou qui refuse de croire des conseils faisant apparemment autorité, au point de chercher à vérifier ces avis une deuxième et une troisième fois, ch[e]que jour ou à intervalle régulier, de crainte que ces avis soient erronés. Une personne raisonnable, justifiée au premier abord d'accepter des avis qui font apparemment autorité, continue naturellement à les accepter jusqu'à ce qu'on attire son attention sur leur caractère erroné et peu digne de foi. Ce comportement décrit précisément la conduite qu'a adoptée le prestataire, laquelle était celle d'une personne raisonnable. Après tout, la justification initiale ne se détériore pas ou ne perd pas autrement sa valeur avec le temps, même après une longue période. »

    Dans ce cas particulier, la Commission avait admis que si le juge-arbitre était convaincu que le prestataire avait téléphoné au service de renseignements généraux de la Commission de l'assurance-emploi et avait été mal renseigné, comme il l'avait prétendu, son appel de la décision du conseil arbitral devait donc être accueilli.

    Dans l'affaire dont je suis saisi, la prestataire avait présenté sa demande et on lui avait dit qu'elle recevrait d'autres renseignements. Comme elle n'avait pas reçu de renseignements supplémentaires, elle a attendu d'être prête à renouveler sa demande de prestations pour entreprendre d'autres démarches. La Commission doit admettre qu'elle est en partie responsable du fait que la prestataire n'a pas fait ses déclarations comme elle aurait dû le faire. Le conseil n'a pas tenu compte des explications de la prestataire ni des circonstances qui l'ont amenée à ne pas faire de déclaration comme elle aurait dû le faire. Par conséquent, le conseil a commis une erreur de droit. Dans les circonstances, compte tenu du but et de la raison d'être du régime d'assurance-emploi, je considère que la prestataire a démontré qu'elle avait un motif valable pouvant expliquer son retard et que sa demande d'antidatation doit être acceptée.

    Par conséquent, l'appel de la prestataire est accueilli et la décision du conseil est annulée.

    Guy Goulard

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 9 décembre 2005

    2011-01-16