EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
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RELATIVEMENT à une demande de prestations par
ROBERT LAPORTE
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RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de l'assurance-emploi de la décision d'un conseil arbitral rendue le 21 septembre 2005, à Gatineau, Qc
DÉCISION
PAUL ROULEAU, Juge-arbitre en chef délégué
La Commission en appelle de la décision unanime du conseil arbitral qui a déterminé que le prestataire avait démontré qu'il justifié d'avoir volontairement quitté son emploi dans ses circonstances.
Une demande renouvelée de prestations fut établie en faveur du prestataire à compter du 26 juin 2005. Il avait travaillé pour Magma Communication du 13 au 22 juin 2005 puis avait quitté cet emploi alors qu'il était toujours en formation pour le poste lorsqu'il a réalisé qu'il devrait travailler toutes les fins de semaines. Il n'avait pas saisi cet aspect du contrat lors de son embauche; il croyait plutôt qu'il devrait travailler occasionnellement la fin de semaine. Il a expliqué que sa conjointe travaille dans le domaine médical sur des quarts de travail et que s'il devait travailler toutes les fins de semaines cela aurait provoqué un conflit familial. L'employeur a déclaré ne pas souhaiter perdre les services du prestataire mais a indiqué que ce dernier a choisi de partir pour des raisons personnelles.
La Commission a imposé une exclusion indéterminée prenant effet le 26 juin 2005.
Le prestataire a porté la décision de la Commission devant un conseil arbitral. Lors de l'audition, il a réitéré que lors de l'entrevue d'embauche on l'avait informé qu'il devrait travailler certaines fins de semaine mais que lorsqu'il avait reçu son horaire de travail pour juillet il devait travailler toutes les fins de semaines. Il a discuté de la situation avec son employeur qui a répliqué qu'il était impossible de modifier l'horaire. Il a donc remis une lettre de démission qui fut acceptée par l'employeur. La représentante de l'employeur a confirmé que les horaires sont établis sur une base de rotation quant au travail de fin de semaine et elle n'a pu fournir aucune explication quant à l'horaire du prestataire.
Après avoir entendu les témoignages oraux et étudié la preuve documentaire au dossier, le conseil arbitral a conclu comme suit :
« Le Conseil, après avoir entendu le témoignage du prestataire et l'intervention de la conseillère juridique de l'employeur, se rend compte que, suite à l'examen du dossier, la preuve démontre que 1) un contrat de travail existe incluant une rotation (pièce 9-4) (la conseillère juridique confirme qu'il y avait une rotation de fin de semaine); et nous constatons que ceci n'était pas le cas du prestataire. 2) la lettre de démission stipulait que le prestataire était prêt à travailler certaines fins de semaine et l'employeur accepte toutefois cette lettre, sans rectifier le malentendu sur l'horaire. 3) l'horaire fourni pour le mois de juillet démontrait que le prestataire était appelé à travailler toutes les fins de semaine.
Selon le Conseil, ceci fait preuve qu'il y a eu malentendu entre l'employeur et l'employé. Le Conseil se fonde donc sur l'alinéa 29(c)(x) qui soutient l'argument du prestataire.
Par conséquent, les membres du Conseil sont unanimes d'accueillir l'appel. »
La Commission soumet que le conseil arbitral a erré en fait et en droit en décidant que le prestataire était justifié de quitter son emploi en vertu de l'alinéa 29(c)(x). Elle soutient que le conseil a mal interprété les dispositions de cet alinéa qui réfère à un conflit entre l'employeur et son employé alors qu'en l'espèce il s'agit plutôt d'un malentendu relativement à l'horaire de travail. Le prestataire aurait mal interprété les clauses de l'offre d'emploi qui était à temps plein, sur rotation et qui exigeait du travail les fins de semaine. Ce malentendu créait un conflit personnel entre le prestataire et sa conjointe qui, comme il l'avait indiqué, l'aurait quitté s'il travaillait toutes les fins de semaines.
La Commission soutient que le conseil ne pouvait raisonnablement conclure que le prestataire était justifié de quitter son emploi puisqu'il ne s'agissait pas là de la seule solution raisonnable dans son cas et qu'il avait mis un terme à son emploi parce que son travail entrait en conflit avec celui de sa conjointe.
Il est évident en l'espèce que le prestataire a pris la décision de quitter son emploi parce qu'il ne voulait pas travailler toutes les fins de semaines, ce qui aurait nuit à sa relation de couple et allait à l'encontre de l'entente prévue lorsqu'il a été embauché.
La détermination de la question à savoir si un prestataire a établi une justification au sens de la Loi pour avoir volontairement quitté son emploi implique une détermination de faits. La jurisprudence nous enseigne que le conseil arbitral est le maître dans l'appréciation de la preuve et des témoignages présentés devant lui. À cet égard, la Cour d'appel fédérale s'exprimait comme suit dans l'arrêt Guay (A-1036-96) :
« De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral, le pivot de tout le système mis en place par la Loi, pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation, qui est celui qui doit apprécier. »
La jurisprudence (Ash (A-115-94), Ratté (A-255-95) et Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01)) nous enseigne de plus qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
Dans le dossier dont je suis saisi, la décision du conseil est entièrement compatible avec la preuve devant le conseil. Celui-ci a accepté l'explication offerte par le prestataire. De plus, lors de l'audition devant le conseil arbitral, la représentante de l'employeur n'avait pu confirmer que le contrat d'embauche prévoyait que le prestataire devait travailler toutes les fins de semaine. La preuve semble plutôt démontrer que l'horaire de travail du prestataire se ferait sur une base de rotation incluant certaines fins de semaine.
Devant le conseil arbitral les témoins ont déclaré ce qui suit :
« Il [le prestataire] dit avoir tenté de raisonner avec son employeur pour qu'il ne soit pas obligé de travailler toutes les fins de semaine, mais sans succès. L'employeur lui dit qu'il était impossible de modifier son horaire. C'est à cette conjoncture qu'il décide de quitter son emploi. Il remet donc sa lettre de démission (pièces 5 et 9-14) qui est acceptée par l'employeur. L'employeur, a accepté la lettre de démission du prestataire (pièce 9.14), sans lui confirmer que les horaires futurs refléteraient la clause de son contrat (pièce 9-4), qui prévoyait un horaire de rotation.
Pour sa part, la conseillère juridique a confirmé, à maintes reprises, que tous les horaires sont établis sur une base de rotation quant au travail en fin de semaine. Elle ne peut fournir aucune explication quant à l'horaire du prestataire. Elle souligne que, lors des entrevues d'embauche, tous les employés sont informés de la clause du contrat qui stipule le travail en rotation pour les horaires de fin de semaine. »
Il est clair que le contrat d'embauche indique que le prestataire devait travailler des quarts mais il ne spécifie pas qu'il doit travailler toutes les fins de semaine. Lorsque le prestataire s'est objecté, on lui a tout simplement dit qu'on ne pouvait modifier la cédule. Il a évidemment exprimé son mécontentement et immédiatement, avant même de négocier un autre arrangement, on lui a demandé de signé sa lettre de démission (pièce 9-14).
S'il s'agissait d'une situation spéciale en raison de vacances ou autre et que l'employeur avait l'intention de modifier la cédule dans les mois à venir, il aurait pu le mentionner non seulement au prestataire mais également à la Commission. Lorsque le conseil arbitral a posé la question à la représentante de l'employeur elle n'a pu fournir aucune explication.
Il n'était donc pas déraisonnable de la part du conseil arbitral d'avoir conclu en faveur du prestataire.
Par conséquent, je maintiens la décision du conseil arbitral et rejette l'appel de la Commission.
Paul Rouleau
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 25 janvier 2006