TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande présentée par
YVONNA SARKEES
- et -
d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par l'employeur, Immigrant Women Services Ottawa, à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à Ottawa (Ontario) le 17 juin 2005
DÉCISION
Le juge PAUL ROULEAU, jube-arbitre en chef désigné
L'employeur porte en appel la décision unanime du conseil arbitral qui a conclu que la prestataire avait démontré qu'elle avait été fondée à quitter volontairement son emploi au sens des articles 29 et 30 de la Loi. La Commission a été représentée devant le juge-arbitre mais elle n'a assumé aucune position relativement à cet appel.
La prestataire a travaillé pour Immigrant Women Services Ottawa du 22 octobre 2001 au 20 avril 2004, date à laquelle elle a quitté son emploi. Elle a expliqué qu'elle avait des relations conflictuelles avec sa superviseure, ce qui était mauvais pour sa santé. Elle n'était pas autorisée à prendre des vacances et, quand elle a demandé congé pour visiter sa mère malade en Pologne, l'employeur a refusé. Elle a affirmé que, dès qu'elle s'accordait un moment de repos, l'employeur la critiquait à son retour. L'ultime incident est survenu quand l'employeur l'a forcée à payer une facture de téléphone cellulaire pendant une période où elle remplaçait une autre employée en congé et où elle avait reçu un plus grand nombre d'appels que d'habitude. Elle a en outre indiqué se sentir toujours menacée de congédiement parce que, chaque fois qu'un conflit éclatait entre elle et sa superviseure, celle-ci lui disait qu'il lui faudrait choisir entre ce problème et son pain et son beurre. La prestataire n'a pas soulevé ces problèmes auprès de l'employeur car elle avait besoin de références pour obtenir un autre emploi.
La Commission a déterminé que la prestataire avait été fondée à quitter volontairement son emploi, car les relations conflictuelles qu'avait décrites la prestataire étaient inacceptables au point de ne lui laisser d'autre solution raisonnable que de démissionner.
L'employeur a porté la décision de la Commission en appel devant un conseil arbitral. Une audience a eu lieu le 3 mai 2005. La présidente et la directrice exécutive de Immigrant Women Services Ottawa ainsi que la prestataire et son mari se sont présentés devant le conseil. L'employeur a déposé un grand nombre de documents qui ont été versés au dossier d'appel. Le conseil a décidé d'ajourner l'audience afin d'avoir la possibilité d'examiner cette preuve documentaire. Le même conseil s'est réuni de nouveau le 17 juin 2005 et a conclu comme suit :
« La preuve au dossier et le témoignage de la prestataire à l'audience indiquent que celle-ci a effectivement quitté son emploi à cause d'un stress extrême. Ce stress était tellement accablant qu'il nuisait à sa vie familiale et à son rendement au travail. Le stress avait aussi pris une telle ampleur qu'il empêchait la prestataire de discuter de graves conflits personnels et professionnels avec sa supérieure, la directrice exécutive, de même que de présenter ses difficultés au conseil de direction, parce qu'elle craignait de perdre son emploi.
La prestataire a déclaré qu'elle ne pouvait plus supporter la relation conflictuelle qui existait entre elle et sa supérieure et qui menaçait directement sa santé.
Au dire de la partie appelante, la prestataire n'est pas digne de foi lorsqu'elle soutient que les conditions de travail étaient intolérables. En réalité, aucune situation de conflit n'avait été portée à l'attention de l'employeur. En observant les réactions des personnes présentes à l'audience, il a paru évident au conseil qu'il existait des tensions et que les représentants de l'employeur s'attachaient à protéger l'image de l'agence et la réputation de la direction.
En conclusion, le conseil détermine que les conditions de travail de la prestataire étaient telles que le stress causé par la relation conflictuelle avec sa supérieure constituait un danger grave pour sa santé.
Le conseil souscrit à la décision de la Commission voulant que la prestataire ait été effectivement fondée à quitter son emploi.
Le conseil rejette l'appel à l'unanimité. »
L'employeur porte maintenant en appel devant un juge-arbitre la décision du conseil au motif que ce dernier ne s'est pas conformé à sa propre procédure, qu'il n'a pas appliqué la loi et qu'il n'a pas pris en considération des éléments de preuve qui lui ont été présentés et qui réfutaient les allégations de la prestataire.
Ayant examiné la preuve documentaire, je suis convaincu que la décision du conseil est dûment fondée en fait et en droit et je ne vois pas en quoi le conseil aurait manqué à un principe de justice naturelle. En l'espèce, le conseil a rigoureusement examiné tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés et il a rendu une décision solidement étayée par la jurisprudence.
Il est un principe bien établi que le conseil arbitral a la responsabilité de faire les constatations de fait. En l'espèce, il était loisible au conseil d'évaluer les éléments de preuve présentés par les deux parties et d'accorder plus de poids à une version qu'à l'autre. Les éléments de preuve sur lesquels le conseil aurait pu fonder sa décision ne manquent pas. Ainsi, les pièces 21 et 22 sont constituées de lettres déposées par la prestataire et qui provenaient d'anciennes employées de l'établissement, dont les propos corroboraient l'interprétation que faisait la prestataire des conditions de travail très difficiles qui régnaient dans son milieu de travail.
La compétence du juge-arbitre est limitée par le paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi. À moins que le conseil arbitral ait omis d'observer un principe de justice naturelle, qu'il ait rendu une décision entachée d'une erreur de droit ou fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre est tenu de rejeter l'appel.
Dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau a affirmé que le rôle du juge-arbitre se limitait à déterminer si l'appréciation des faits par le conseil arbitral est raisonnablement compatible avec les éléments de preuve portés à la connaissance du conseil.
En l'espèce, il m'est impossible de conclure que le conseil a rendu une décision entachée d'une erreur. En conséquence, l'appel de l'employeur est rejeté.
Paul Rouleau
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 25 janvier 2006