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  • CUB 65244

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande présentée par
    CHERYL LANDIN

    et

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par l'employeur, THE EXCLUSIVE LOOK, à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Sudbury (Ontario) le 13 octobre 2005

    DÉCISION

    Le juge-arbitre BARNES

    L'employeur, The Exclusive Look, interjette appel de la décision unanime rendue par un conseil arbitral le 13 octobre 2005. Comme l'employeur a renoncé à son droit à la tenue d'une audience, la décision sera rendue sur la foi du dossier.

    La décision du conseil arbitral annulait la décision rendue par l'agent de l'assurance aux termes de laquelle l'employée, Cheryl Landin, ne pouvait toucher de prestations parce qu'elle avait quitté volontairement son emploi sans justification.

    L'employeur soutient que le conseil arbitral a commis une erreur, car il n'a pas « tenu compte du fait que Mme Landin avait abandonné son poste » [Traduction]. La préoccupation de l'employeur à cet égard est difficile à comprendre, puisqu'il avait indiqué sur le relevé d'emploi de Mme Landin qu'il s'agissait d'un congédiement. De fait, les deux parties avaient traité la cessation d'emploi de Mme Landin comme un renvoi et non comme une démission ou un abandon de poste, et elles avaient adopté la même position devant le conseil.

    L'employeur et Mme Landin ne s'entendent pas complètement sur les détails relatifs à la fin du lien d'emploi mais les faits essentiels ne semblent pas contestés.

    Mme Landin était mécontente du nombre d'heures de travail qu'on lui attribuait. Elle se demandait également si elle serait payée pour le congé du 1er août 2005. De son côté, l'employeur était préoccupé par la productivité de Mme Landin. Les deux ont eu une dispute au début du quart de travail de Mme Landin, le 11 août 2005, et celle-ci est partie. L'employeur l'a interrogée sur ses intentions mais n'a pas eu de réponse. Il a ensuite essayé de lui téléphoner, sans succès. Le lendemain, Mme Landin est retournée au lieu de travail mais elle était en retard et visiblement fâchée. Elle et l'employeur ont eu une brève discussion, sur quoi Mme Landin est partie encore une fois. Les éléments au dossier sont contradictoires en ce qui concerne la question de savoir si l'employeur avait accepté ce second départ ou s'il s'agissait d'un geste unilatéral de Mme Landin, mais il reste que l'employeur a décidé alors de mettre fin à son emploi. Mme Landin a dit qu'elle n'avait pas l'intention d'abandonner son emploi.

    L'agent de l'assurance a refusé le bénéfice des prestations à Mme Landin, au motif qu'elle avait quitté volontairement son emploi sans justification.

    Le conseil arbitral a vu les faits sous un jour différent après avoir entendu le témoignage de Mme Landin et celui de l'employeur. Il est indiqué dans sa décision que les deux parties s'entendaient pour dire que Mme Landin n'avait pas démissionné mais qu'elle avait été congédiée. Le conseil a souligné avec raison que le comportement de Mme Landin constituait de l'inconduite mais a qualifié cette inconduite de réaction émotive qui, dans les circonstances, ne constituait pas un motif de renvoi.

    Le paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi traite de la compétence du juge-arbitre dans les appels de cette nature. Il précise que les seuls motifs d'appel de la décision d'un conseil arbitral sont les suivants :

    a) le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;

    b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

    c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

    La Cour d'appel fédérale a présentée comme suit la norme de contrôle judiciaire s'appliquant aux appels de cette nature dans Budhai c. Canada (Procureur général) [2003] 2 C.F. 57 (C.A.F.) :

    [47] Compte tenu des facteurs ci-dessus examinés, je conclus que les juges-arbitres devraient faire preuve de retenue lorsqu'ils déterminent si un conseil arbitral a commis une erreur de droit en appliquant la loi aux faits d'une affaire relevant de leur expertise. Toutefois, l'absence d'une clause privative forte, la nature décisionnelle des fonctions du conseil et son manque d'expertise juridique m'amènent à conclure que c'est la norme de contrôle de la décision déraisonnable simpliciter plutôt que celle de la décision manifestement déraisonnable qu'il convient d'appliquer.

    [48] D'autre part, les juges-arbitres devraient déterminer si le conseil a correctement tranché les questions d'interprétation de la loi qui se posent au vu de la décision que celui-ci a rendue, ou qui peuvent avec raison être considérées comme ayant implicitement été tranchées dans la décision. Dans ce contexte, il convient de mentionner la remarque que la Cour suprême du Canada a faite dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, précité, paragraphes 8 à 10, à savoir qu'il appartient à l'organisme d'appel judiciaire de veiller à ce que le droit pertinent ait été appliqué.

    Les conclusions de fait du conseil n'ont rien de déraisonnable. Le conseil a entendu les parties; il était le mieux placé pour évaluer les éléments de preuve portés à sa connaissance.

    Il semble que la question de savoir si telle conduite constitue un motif de congédiement est à la fois une question de fait et de droit qui, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, est également assujettie à la norme du raisonnable; voir Canada (Procureur général) c. Sacrey [2004] 1 R.C.F. 733.

    La façon dont le conseil a traité cette question, à la lumière des faits qui lui avaient été présentés, n'a rien de déraisonnable, comme on l'a dit précédemment. En fait, cette décision semble aller dans le même sens que bon nombre d'autres décisions concernant des cas d'inconduite de peu de gravité. À mon avis, les actions de Mme Landin ne constituent pas une inconduite de la nature de celle qui est envisagée à l'article 30 de la Loi, au sens de conduite délibérée ou insouciante adoptée au mépris des intérêts de l'employeur, ou de conduite dénotant une insouciance telle qu'elle frôle le propos délibéré; voir Canada (Procureur général) c. Tucker [1986] 2 C.F. 329 (C.A.F.)

    En résumé, je suis incapable de conclure que la décision du conseil arbitral est entachée d'une quelconque erreur de fait ou de droit susceptible de contrôle judiciaire. Pour ces motifs, l'appel de l'employeur est rejeté.

    « Robert L. Barnes »

    Juge-arbitre

    OTTAWA (Ontario)
    Le 8 février 2006

    2011-01-16