TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
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d'une demande présentée par
JOSEPH SCHNURR
- et -
d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par l'employeur, Maximilian Huxley Building & Renovations Ltd, à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue le 6 octobre 2005 à Victoria (Colombie-Britannique)
DÉCISION
Le juge-arbitre en chef désigné PAUL ROULEAU
Cet appel est interjeté par l'employeur, Maximilian Huxley Building & Renovations Ltd, à l'encontre d'une décision du conseil arbitral selon laquelle le prestataire a perdu son emploi pour inconduite, aux termes des articles 29 et 30 de la Loi. L'appelant n'a pas demandé la tenue d'une audience et je rendrai donc une décision sur la foi du dossier.
Une période initiale de prestations prenant effet le 24 juillet 2005 a été établie au profit du prestataire. Celui-ci a travaillé pour Namdor Reinforcing Steel (1987) Ltd. (« Namdor ») jusqu'au 22 juillet 2005, date à laquelle il a quitté son emploi pour des raisons médicales. Avant de travailler pour Namdor, le prestataire avait travaillé pour Maximilian Huxley Building & Renovations Ltd (« Huxley »), soit du 7 février au 29 juin 2005, date à laquelle il a été congédié. Le prestataire prétend qu'il a quitté son emploi chez Huxley parce qu'il avait des problèmes avec son contremaître et parce qu'il n'aimait tout simplement pas travailler pour cette entreprise. Il a obtenu un autre emploi très rapidement, puisqu'il a été embauché par Namdor le 4 juillet 2005 et qu'il a commencé à travailler le 8 juillet 2005. Après que le prestataire eut présenté une demande de prestations, Huxley s'est manifesté et a laissé entendre que le prestataire avait été congédié parce qu'il consommait des stupéfiants sur les lieux de travail, pendant les heures de travail Huxley a également déclaré que le prestataire avait manifestement gonflé son nombre d'heures d'emploi.
Dans sa décision initiale, la Commission a déclaré que le prestataire n'avait pas accumulé le nombre minimal d'heures d'emploi assurable depuis qu'il avait quitté volontairement son emploi chez Huxley pour être admissible au bénéfice des prestations. Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel au motif qu'il avait été congédié et qu'il n'avait pas quitté volontairement son emploi. La Commission a interrogé le prestataire au sujet des incohérences entre sa déclaration antérieure (départ volontaire) et sa déclaration subséquente (congédiement). Le prestataire a prétendu qu'il n'avait pas tellement d'habiletés en communication écrite et que ce qu'il voulait dire, c'est que l'entreprise l'avait congédié.
La Commission a également interrogé le prestataire au sujet des raisons de son congédiement. Celui-ci a reconnu avoir fait une erreur seulement dans ses fiches de présence (sur lesquelles il avait indiqué avoir travaillé huit heures par jour à deux reprises), mais qu'il s'agissait d'une erreur accidentelle et d'un incident isolé. Il a nié le deuxième motif de son congédiement. Il a répété qu'il n'avait jamais fumé de marijuana sur les lieux de travail. Il a reconnu consommer de la marijuana, mais jamais pendant les heures de travail, ni sur les lieux de travail. Il a ajouté que l'employeur n'avait aucune preuve selon laquelle il fumait de la marijuana sur les lieux de travail et prétend que l'employeur n'a fait qu'ajouter foi aux dires d'une tierce partie.
Lorsqu'on a demandé à l'employeur s'il avait une preuve confirmant que le prestataire fumait de la marijuana sur les lieux de travail, celui-ci a répondu que le contremaître, Adam, ainsi qu'un électricien, Kevin, avaient surpris le prestataire et deux de ses collègues en train de fumer de la marijuana au moyen d'une pipe sur les lieux de travail. Le gestionnaire a déclaré que le prestataire avait été congédié (ainsi que les deux autres employés) pour cette raison. Le gestionnaire a déclaré que la première question, à savoir le gonflement des heures sur la fiche de présence, était accessoire pour la direction. Le principal problème était plutôt la consommation de drogues illégales pendant les heures de travail, sur les lieux de travail. Le propriétaire de Huxley, et le gestionnaire, ont déclaré tous les deux que la consommation de marijuana sur les lieux de travail était inacceptable pour des raisons de sécurité. Malgré la déclaration des témoins oculaires, le prestataire continue de nier qu'il a consommé de la marijuana au travail et déclare ne pas comprendre pourquoi le contremaître et l'électricien disaient le contraire. L'employeur a déclaré que le prestataire était un très bon employé, l'un de ses meilleurs, mais que Huxley avait une politique de tolérance zéro en ce qui concerne la consommation de marijuana sur les lieux de travail ou pendant les heures de travail. L'employeur a déclaré que les trois employés, y compris le prestataire, ont été congédiés parce qu'ils ont fumé de la marijuana.
L'employeur a également parlé de la rencontre au cours de laquelle le prestataire a été congédié. Il a déclaré que le prestataire, lorsqu'on lui a appris que deux personnes l'avaient vu en train de fumer de la marijuana, a répondu qu'il n'y avait pas que lui, qu'ils étaient trois. Le prestataire n'a pas signé sa lettre de congédiement lors de cette rencontre.
Le conseil arbitral a examiné les déclarations du prestataire, et celles de l'employeur. Le prestataire s'est présenté à l'audience et a déclaré qu'il avait déjà fumé de la marijuana au travail dans le passé, mais a prétendu qu'il n'avait pas fumé avec les deux autres employés le jour en question. Il a reconnu être au courant de la politique de l'entreprise interdisant la consommation de marijuana.
Le conseil arbitral a examiné l'ensemble de la preuve et a accueilli l'appel du prestataire à l'unanimité. Il a pris en considération l'arrêt Tucker (A-381-85) dans lequel l'inconduite est définie comme un acte volontaire ou du moins comme un acte procédant d'une telle insouciance ou négligence que l'on pourrait dire que l'employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail. Le conseil arbitral a déclaré qu'il appartenait à l'employeur et à la Commission de prouver que, selon la prépondérance des probabilités, le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite (Falardeau A-396-85). Il a également répété que la crédibilité était en cause dans le présent appel. Enfin, il a indiqué que, lorsque les éléments de preuve présentés par les deux parties sont équivalents, il faut accorder le bénéfice du doute au prestataire.
Le conseil arbitral a signalé que selon l'arrêt Tucker, précité, le prestataire doit avoir commis l'action qui a entraîné directement son congédiement. Le conseil arbitral répète que, lorsque la preuve est ambiguë, ou divergente, il faut accorder le bénéfice du doute au prestataire. En conséquence, le conseil a tiré les conclusions de fait suivantes :
Le conseil a ajouté que les témoins de l'incident en question n'avaient présenté aucune déclaration et que la plus grande partie des éléments d'information présentés constituait des éléments de preuve de seconde main. De l'avis du conseil, l'employeur n'a pas fourni une preuve suffisante pour établir que le prestataire a fumé de la marijuana sur les lieux de travail le jour en question. Le conseil a accueilli l'appel du prestataire à l'unanimité.
L'employeur interjette maintenant appel de la décision du conseil arbitral devant le juge-arbitre. La Commission ne prend pas position dans le cadre du présent appel devant le juge-arbitre. L'employeur fonde son appel sur les alinéas 115(2)a) et c) de la Loi. Il prétend que le conseil arbitral n'a pas permis à l'employeur de présenter sa cause et que le conseil a mal interprété les faits sur lesquels il a fondé sa décision.
À l'audience, l'employeur était représenté par Mme Gurney. Celle-ci a présenté la preuve et a exposé le point de vue de l'employeur.
Aux termes de l'alinéa 115(2)c), le juge-arbitre qui réexamine l'affaire n'intervient pas dans une décision raisonnable. Une décision raisonnable s'entend d'une décision que pouvait rendre le conseil compte tenu des faits en cause. C'est une règle de droit bien connue que le conseil, et non le juge-arbitre, est celui à qui il incombe de constater les faits. Dans le cas qui nous occupe, je suis convaincu que le conseil arbitral a fait des constatations de fait raisonnables, après avoir examiné attentivement la preuve contradictoire de l'employeur et du prestataire. Le conseil arbitral a signalé clairement que dans un cas comme celui-ci, lorsque la preuve est ambiguë, ou lorsque la preuve des deux parties est équivalente, il faut accorder le bénéfice du doute au prestataire. La décision du conseil, qui a accueilli l'appel du prestataire, est raisonnable en ce sens qu'elle s'appuie sur les faits et elle ne doit pas être modifiée. En conséquence, l'appel de l'employeur est rejeté.
Paul Rouleau
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 21 avril 2006