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  • CUB 65958

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande présentée par
    GLENNA PALIDWOR

    - et -

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par l'ancien employeur de la prestataire, Julian Ceramic Tile Inc., à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue à Burnaby (Colombie-Britannique) le 23 novembre 2005

    DÉCISION

    Le juge-arbitre PAUL ROULEAU

    L'ancien employeur de la prestataire, Julian Ceramic Tile Inc., fait appel de la décision du conseil arbitral qui a confirmé que Mme Palidwor n'avait pas perdu son emploi en raison de son inconduite. Dès le début de l'audience, la Commission a indiqué qu'elle ne prenait pas position dans cet appel.

    La demande initiale de prestations présentée pour la prestataire a pris effet le 11 avril 2004 (pièce 2). Le relevé d'emploi présenté à l'appui de sa demande a révélé que la prestataire avait travaillé comme commis comptable pour Julian Ceramic Tile Inc. du 22 juin 1992 au 8 avril 2004, date à laquelle elle a été remerciée (pièce 4).

    D'après les explications de la prestataire, celle-ci avait exercé les mêmes fonctions pendant douze ans et l'employeur avait toujours été content de son travail jusqu'à ce qu'elle soit remerciée. Elle a affirmé qu'elle n'a pas reçu d'instructions appropriées de l'employeur, que celui-ci ne lui a pas donné la chance de réagir et que la question était entre les mains d'un avocat, lequel poursuit l'employeur pour renvoi injustifié.

    Quand la Commission a communiqué avec l'employeur, celui-ci a soutenu que le renvoi de la prestataire était justifié. Les fonctions de la prestataire comprenaient la gestion du livre de paie. L'employeur a déterminé que la prestataire s'était payé des heures supplémentaires et qu'elle avait fait de même pour d'autres employés, sans avoir obtenu l'autorisation de l'employeur. Ce dernier a déclaré que la prestataire avait travaillé une heure de plus chaque jour et s'était payé du temps supplémentaire pour cette heure. Mme Palidwor travaillait durant son heure de lunch afin de pouvoir partir plus tôt et elle partait une demi-heure plus tôt pour tenir compte du temps qu'elle passait à la banque pour des questions liées au travail. La politique de l'employeur voulait que le temps supplémentaire soit approuvé par la direction. Le directeur informe alors le service de la paye du nombre d'heures travaillées par chacun des employés, en lui envoyant une feuille de temps. C'est lorsque l'employeur a remarqué une forte augmentation du montant de la paye, notamment le paiement de 6 000 $ de temps supplémentaire en un mois, qu'il s'est rendu compte de ce que la prestataire faisait.

    Quand l'employeur a demandé des explications à la prestataire, celle-ci a répondu que, huit ou neuf ans auparavant, on lui avait dit de faire des heures supplémentaires si cela était nécessaire pour terminer un projet. Se basant sur cette explication, et sur le fait qu'elle n'avait donné aucune explication pour justifier le paiement d'heures supplémentaires à un employé à temps partiel, l'employeur a estimé qu'il ne pouvait plus se fier au jugement de la prestataire et il a décidé de la congédier.

    La Commission a avisé la prestataire de la déclaration de l'employeur. La prestataire a affirmé que, huit ou neuf ans auparavant, alors qu'elle demandait tout le temps si elle pouvait se faire payer des heures supplémentaires, on lui a répondu de cesser de demander et de faire les heures supplémentaires nécessaires. Elle a affirmé qu'il n'y avait aucune politique quant au temps supplémentaire et au paiement de celui-ci, et qu'en 1992 ou en 1993, elle avait demandé à l'employeur s'il existait une telle politique, ce à quoi on lui a répondu par la négative. Elle avait dû s'adresser à la Commission des normes du travail pour connaître ses lignes directrices concernant le paiement du temps supplémentaire. Au moment où elle a été renvoyée, l'employeur lui a dit qu'elle aurait dû connaître la politique puisqu'il l'avait modifiée environ un an auparavant. Mme Palidwor a affirmé que personne ne lui avait rien dit à ce sujet, ni verbalement ni par écrit, et qu'elle avait même cherché une politique écrite et n'avait rien trouvé. La prestataire estimait que, si l'employeur ne voulait pas qu'elle fasse des heures supplémentaires, il aurait dû l'en aviser. Elle a dit estimer que l'employeur aurait dû vérifier les comptes dans lesquels figuraient les heures supplémentaires, et lui en parler s'il n'était pas d'accord.

    Se fondant sur cette information, la Commission a conclu que les faits ne justifiaient pas une constatation d'inconduite vu qu'il n'y avait pas eu de fraude de la part de la prestataire. Elle avait fait des heures supplémentaires et avait été payée pour ces heures. Même si le fait que la prestataire ne se soit pas informée au sujet de la pertinence de la directive antérieure de l'employeur dénote un manque de jugement de sa part, la Commission est d'avis que cela ne constitue pas de l'inconduite.

    L'employeur a porté la décision en appel devant un conseil arbitral. Ce dernier a rejeté l'appel après avoir examiné le dossier et entendu les témoignages de la prestataire et de l'employeur. Voici un extrait de sa décision :

    « Il y a un profond désaccord entre l'employeur et l'employée quant au nombre d'heures de travail par jour. Le conseil a souligné qu'il n'y avait aucun document écrit, comme une lettre remise normalement par l'employeur à l'employé et dans laquelle est énoncé le nombre d'heures de travail par jour. Le problème auquel le conseil est confronté, c'est qu'il y a deux affirmations différentes quant au nombre d'heures de travail et que les deux ne sont que verbales. Le conseil doit donc accorder le bénéfice du doute à l'employée, qui a affirmé devoir travailler 7 heures par jour.

    Le conseil tient pour avéré qu'il y avait une entente tacite entre l'employeur et l'employée et que l'employeur s'attendait à ce que l'employée gère les questions financières au jour le jour de manière compétente, sans supervision quotidienne de l'employeur. Le conseil considère certes le fait que l'employée n'ait pas demandé la permission à l'employeur pour faire du temps supplémentaire comme une mauvaise décision de la part de l'employée, mais il conclut que l'employée n'avait pas agi de manière insouciante ou négligente au point de frôler le caractère délibéré (selon le principe établi dans l'arrêt Tucker A-381-85 et confirmé dans la décision A-402-96 de la Cour fédérale).

    En ce qui concerne le paiement d'heures supplémentaires à un collègue de travail sans autorisation, le conseil estime encore que, si la décision de l'employée de payer du temps supplémentaire à un collègue de travail était malavisée, cela ne constitue pas de l'inconduite au sens du paragraphe 30(2) de la Loi et des précisions apportées dans l'arrêt Tucker (A-381-85).

    Le conseil estime que la prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre conduite malavisée, qui ne constitue toutefois pas de l'inconduite au sens de la Loi. »

    L'employeur interjette maintenant appel devant un juge-arbitre au motif que la décision du conseil était entachée d'une erreur de fait et de droit. L'employeur insiste sur le fait que la conduite de la prestataire n'était pas due qu'à une mauvaise compréhension des politiques sur le temps supplémentaire et les heures de travail régulières, mais qu'elle impliquait des problèmes plus graves comme des abus de confiance et des vols perpétrés par une personne qui était en situation de confiance. Il fait valoir que Mme Palidwor a été congédiée non pas en raison d'un malentendu, mais plutôt en raison de son manque d'honnêteté.

    Il ne semble pas que l'intervention du juge-arbitre soit appropriée dans ce cas-ci. Il est clair que le conseil a préféré la preuve présentée par la prestataire plutôt que celle de l'employeur et que les versions des deux parties différaient considérablement l'une de l'autre. Il a accordé à juste titre le bénéfice du doute à la prestataire. Bien que cette conclusion ne soit pas celle à laquelle un juge-arbitre en serait venu d'emblée, cela n'est pas un motif suffisant pour annuler la décision du conseil. C'est le conseil arbitral qui agit comme juge des faits, et je ne peux pas conclure que la décision qu'il a rendue dans cette affaire est déraisonnable ou qu'elle n'est pas corroborée par la preuve. Pour toutes ces raisons, je rejette l'appel.

    Paul Rouleau

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 2 juin 2006

    2011-01-16