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  • CUB 65985

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    PAUL WILSON

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par l'employeur (le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels) à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à Hamilton (Ontario) le 3 novembre 2005

    DÉCISION

    Le juge-arbitre en chef désigné PAUL ROULEAU

    L'employeur interjette appel d'une décision du conseil arbitral qui accueillait l'appel du prestataire. Le conseil était d'avis que le prestataire n'avait pas perdu son emploi en raison d'inconduite. L'employeur interjette maintenant appel de la décision du conseil devant le juge-arbitre. Aucune audience n'a été demandée, par conséquent l'appel sera tranché sur la foi du dossier.

    La Commission soutient que l'employeur a des raisons d'interjeter appel selon les alinéas 115(2)b) et c) de la Loi.

    Une demande initiale de prestations a pris effet le 21 août 2005. Le prestataire a travaillé pour le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels jusqu'au 6 juin 2005, date à laquelle il a été congédié par son employeur pour infraction au code de conduite. L'incident culminant a été que le prestataire avait menotté un collègue, ce dont a été témoin un troisième employé. Un élément de preuve additionnel indique que le prestataire avait menotté une employée à une étagère à pains et lui avait mis un sac de plastique sur la tête. Le prestataire a libéré sa victime peu de temps après. Il soutient qu'il s'agissait seulement de chamailleries, alors que le témoin et la victime ont tous deux porté plainte concernant la conduite du prestataire. L'employeur a congédié le prestataire le 6 juin 2005.

    L'employeur a signalé qu'une politique sur la prévention de la discrimination en milieu de travail, que le prestataire aurait dû connaître, était en place. Aucun incident n'avait été consigné au dossier du prestataire auparavant, mais l'employeur a soutenu que celui-ci aurait dû savoir que pareille conduite était inacceptable.

    En réalité, le prestataire connaissait la politique. Il a indiqué qu'il avait fait une erreur et qu'il aurait dû faire preuve de plus de discernement. Le prestataire et l'employée en question se sont présenté des excuses le lendemain de l'incident. Le prestataire a ajouté que l'employée et lui s'étaient déjà chamaillés auparavant, que des plaintes avaient été déposées, mais qu'aucune mesure n'avait été prise. Il a signalé avoir été lui-même menotté à une toilette pour une période assez longue. L'employeur a soutenu que le prestataire avait enfreint une politique en vigueur dans son milieu de travail. Voici le libellé de la partie pertinente de la politique qui, si elle est enfreinte, mène au congédiement :

    « les employés ne doivent pas se voir tenir des propos choquants, être victimes d'un comportement inapproprié ou se trouver dans un environnement malsain (fondés sur des motifs de distinction illicite) susceptibles de créer un climat de travail intimidant ou humiliant. » [Traduction]

    La Commission a pris en considération le congédiement ainsi que les actes du prestataire et a déterminé que celui-ci avait perdu son emploi en raison de sa farce, qui constituait une inconduite au sens de la Loi. Le prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant un conseil arbitral. Le prestataire a soutenu devant le conseil qu'il était employé depuis 22 ans et que son dossier était impeccable. Il a indiqué que des incidents similaires à l'incident en question ou encore pires que celui-ci n'avaient pas été sanctionnés par le congédiement. Il a signalé que l'employeur n'avait appliqué aucune mesure disciplinaire progressive, ce qui aurait été justifié selon l'incident en question. Il aussi précisé que le « témoin » ne se trouvait pas près de lui ou de l'employée au moment de l'incident. Le prestataire a repris l'argument que, le lendemain, l'employée et lui se sont présenté des excuses en ce qui a trait à l'incident.

    Le conseil a examiné la preuve et a conclu qu'une seule version des faits avait été prise en considération par la Commission. Le conseil a accueilli l'appel à l'unanimité, en rendant sa décision ainsi :

    Constatation des faits :
    Le conseil tient pour avéré que le prestataire n'a pas perdu son emploi en raison de son inconduite.
    Application de la Loi :
    Après avoir examiné avec soin les éléments de preuve versés au dossier d'appel et avoir entendu le témoignage de toutes les parties, le conseil a conclu que le prestataire n'a pas perdu son emploi en raison de son inconduite. Selon le conseil, il est clair qu'une seule version des faits a été prise en considération. Le conseil a également estimé que le traitement réservé au prestataire avait été aussi sévère parce que l'incident en question impliquait une femme. Le conseil est d'avis que si le syndicat avait appliqué des mesures disciplinaires progressives, le prestataire aurait pu faire l'objet d'une suspension pour ses actes et l'autre employée aurait pu faire l'objet d'une suspension moins importante. Le résumé indique que l'employée a fait une remarque incendiaire au prestataire. En effet, elle lui aurait dit ceci : « La personne qui réussira me battre n'est pas encore née » [Traduction]. Le conseil estime que des éléments particuliers ont entraîné les chamailleries. Le conseil estime que puisqu'une femme et un homme ont été impliqués dans l'incident, les déclarations de la femme ont primé celles du prestataire. De plus, aucun certificat médical ne prouve que la femme a subi des blessures. Dans ce cas, il s'agissait de la parole de l'employée contre celle du prestataire.

    Puisque le prestataire travaillait pour l'employeur depuis 22 ans et avait un dossier impeccable, le conseil conclut que l'employeur a réagi de façon excessive à l'incident en question. Le conseil conclut également que les actes du prestataire ne constituaient pas de l'inconduite aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi, puisqu'ils n'étaient pas volontaires ou délibérés, ou ne témoignaient pas d'une telle insouciance qu'ils frôlaient le caractère délibéré.

    Le conseil a accueilli l'appel du prestataire à l'unanimité et l'employeur interjette maintenant appel de la décision du conseil devant le juge-arbitre. L'appel est interjeté en vertu des alinéas 115(2)b) et c) de la Loi.

    Un appel en vertu de l'alinéa 115(2)b) est accueilli si le conseil arbitral a commis une erreur de droit ou s'il a appliqué le mauvais critère juridique. Je peux conclure que le conseil n'a pas commis d'erreur concernant l'interprétation de la loi et qu'il a établi correctement le critère juridique en matière d'inconduite. L'employeur n'a pas de raisons d'interjeter appel en vertu de l'alinéa 115(2)b).

    J'estime que les tenants de l'opinion majoritaire ont appliqué le critère à utiliser dans les cas d'inconduite et qu'ils ont tenu compte de tous les faits communiqués par le prestataire et par l'employeur. Ils ont tiré des conclusions de fait et ont appliqué le critère juridique pertinent, de sorte qu'il n'y a pas lieu de modifier leur décision aux termes du paragraphe 115(2) de la Loi. Il existe en droit un principe élémentaire selon lequel le juge-arbitre doit respecter les décisions fondées sur des situations de fait qui sont rendues par le conseil arbitral. Je me dois de confirmer la décision, à moins que celle-ci ne soit pas raisonnable, conformément à l'alinéa 115(2)c) de la Loi. Je considère que la décision rendue par le conseil est fondée sur les faits et que celui-ci n'a pas fait une interprétation erronée des faits. Au contraire, le conseil a clairement pris en considération les deux versions des faits et il a conclu que les actes du prestataire ne constituaient pas une inconduite, et que la preuve ne confirmait pas la décision rendue par la Commission. Selon l'alinéa 115(2)c), la décision du conseil est raisonnable.

    Le conseil a appliqué le bon critère juridique en matière d'inconduite, où il faut déterminer si les actes du prestataire sont délibérés ou s'ils résultent d'une insouciance telle qu'ils frôlent le caractère délibéré. Également, le conseil note qu'il a doit y avoir un lien de causalité entre l'inconduite et le congédiement. J'ai examiné le dossier et je suis d'avis que la décision ne doit pas être modifiée. Le conseil connaissait clairement la définition d'inconduite, telle qu'énoncée dans l'arrêt Tucker (A-381-85), selon laquelle, pour être considéré comme une inconduite, il faut que l'acte reproché ait un caractère volontaire ou délibéré ou résulte d'une insouciance ou d'une négligence telle qu'il frôle le caractère délibéré. Également, le conseil était clairement conscient du lien de causalité défini dans l'arrêt Luc Cartier (A-168-00), selon lequel l'acte d'inconduite doit avoir été la cause du congédiement. Selon les conclusions de faits du conseil, je suis d'avis qu'il pouvait rendre raisonnablement cette décision et celle-ci ne sera pas modifiée par le juge-arbitre qui réexamine l'affaire. Par conséquent, l'appel de l'employeur est rejeté.

    Pour toutes ces raisons, l'appel de l'employeur est rejeté.

    Paul Rouleau

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 8 juin 2006

    2011-01-16