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  • CUB 66284

    EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    RELATIVEMENT à une demande de prestations par
    Mathieu MASSÉ

    et

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue le 6 décembre 2005 à Gaspé, Québec

    DÉCISION

    GUY GOULARD, Juge-arbitre

    Le prestataire a présenté une demande initiale de prestations qui fut établie prenant effet le 14 août 2005. La Commission détermina que le prestataire avait volontairement quitté son emploi sans justification et que son départ ne représentait pas la seule solution raisonnable dans son cas. En conséquence, la Commission a imposé une exclusion d'une période indéterminée à compter du 14 août 2005. La Commission détermina aussi qu'après avoir quitté son emploi sans justification, le prestataire n'avait pas accumulé le nombre d'heures d'emploi assurable requis pour établir une période de prestations.

    Le prestataire en appela des décisions de la Commission devant un conseil arbitral qui accueillit l'appel. La Commission porta la décision du conseil en appel devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu aux Iles-de-la-Madeleine, Québec le 19 juin 2006. Bien qu'on lui ait envoyé un avis d'audience, le prestataire n'était pas présent devant moi. Il n'avait pas communiqué avec la Commission ou avec le Bureau du juge-arbitre. La Commission a soumis que le conseil avait erré en fait et en droit en décidant que le prestataire avait été justifié d'avoir quitté son emploi au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi.

    Les faits dans ce dossier n'étaient pas contestés et peuvent se résumer comme suit :

    Le prestataire s'est présenté devant le conseil arbitral, par le biais de la vidéo conférence. Le conseil a revu et bien résumé la preuve et a accueilli l'appel du prestataire pour les motifs suivants :

    « M. Massé a suivi un cours en technique policières à Rimouski de septembre 2002 à mai 2005.

    Pendant qu'il suivant ce cours, il travaillait pour Dépanneur Esso à raison de 35 heures par semaine l'été, durant les vacances, et de 20 heures par semaine en moyenne durant le reste de l'année.

    Ses parents lui fournissaient régulièrement la somme de 600.00$ par mois pendant ses études, c'est-à-dire jusqu'en mai 2005.

    Il aurait pu conserver son emploi à Rimouski où il aurait continué à temps partiel. À l'été il aurait travaillé là temps plein, sensiblement pour la même durée que son emploi pour la Municipalité des Iles-de-la-Madeleine.

    Ensuite, il serait revenu à temps partiel, une vingtaine d'heures par semaine, de l'avis de son employeur.

    Cependant, il n'aurait pas eu l'aide financière de ses parents.

    Considérant ses dépenses obligatoires comme le logement, la nourriture, l'habillement, l'automobile et le téléphone, il devient vite évident qu'il n'aurait pu boucler son budget avec le seul revenu provenant de son emploi à temps partiel.

    Il faisait face à une impossibilité à compter de september alors qu'en revenant chez ses parents, il s'assurait de boucler son budget tout en recherchant de l'emploi.

    Dans cette perspective et considérant que sa demande de prestations prend effet le 14 août 2005, le fait de continuer à plein temps chez Dépanneur Esso à Rimouski ou pour la Municipalité des Iles-de-la-Madeleine perd de son importance.

    C'est la situation ultérieure à l'emploi à temps plein qui est importante.

    M. Massé avait le choix entre un emploi à temps partiel chez Dépanneur Esso qui ne lui aurait pas permis de rencontrer ses dépenses obligatoires et celui de retourner chez ses parents où il pourrait demeurer ce qui lui enlevait la charge de payer un loyer et lui permettait de se cherche de l'emploi.

    C'est ce qu'il a fait et il s'est trouvé un emploi à plein temps depuis le début d'octobre dans une épicerie.

    Le conseil arbitral conclut que quitter son emploi pour Dépanneur Esso de Rimouski le 22 mai 2005 constituait pour M. Massé, compte tenu de toutes les circonstances, la seule solution raisonnable dans son cas.

    Comme le conseil arbitral considère qu'il était justifié au sens des articles 29 et 30 de quitter cet emploi, la deuxième question en litige concernant les heures d'emploi assurable acquises depuis le 22 mai 2005 ne se pose plus.

    Le conseil arbitral s'est référé particulièrement au CUB 51955, Cloutier, pour en arriver à sa conclusion. »

    En appel, la Commission a soumis que le conseil avait erré en droit et en fait en décidant que le prestataire avait démontré qu'il était justifié de quitter son emploi au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi. La Commission a soumis que le conseil n'avait pas pris en considération l'ensemble de la preuve pour en arriver à sa décision. Le procureur de la Commission a soumis que le conseil avait omis de prendre en considération le fait que le prestataire avait laissé un emploi à temps plein pour en accepter un autre qui n'était qu'un emploi d'été et qui avait éventuellement causé son chômage. Le procureur a aussi soumis que le conseil avait indiqué que le prestataire n'avait pas établi qu'il laissait son emploi pour un autre emploi aux sens de l'alinéa 29(c)(vi) de la Loi sur l'assurance-emploi puisqu'il ne s'agissait que d'un emploi d'été. Le procureur a également soumis que le conseil avait erré en indiquant que c'était la situation ultérieure à l'emploi à temps plein qui était importante, puisque la situation au moment où le prestataire avait laissé son emploi était le facteur déterminant de la question de la justification pour avoir quitté l'emploi en question et non ce qui aurait pu se passer par après. La Commission a soumis enfin que le prestataire avait d'autres solutions raisonnables plutôt que de quitter son emploi dans ses circonstances.

    Dans le présent dossier, le conseil a revu et résumé la preuve d'une façon exceptionnelle. Le conseil, se fondant sur cette preuve, en est venu à la conclusion que le prestataire avait démontré avoir été justifié de quitter son emploi et que ceci représentait la seule solution raisonnable dans son cas.

    Le paragraphe 29 (c) de la Loi sur l'assurance-emploi prévoit comme suit :

    29(c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :

    (J'ai souligné)

    La Loi exige que toutes les circonstances d'un prestataire soient prises en considération pour déterminer s'il a établi une justification pour avoir quitté son emploi. Comme l'indiquait le juge Stevenson dans le CUB 57874 :

    « Aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi, pour déterminer si une prestataire est fondée à quitter son emploi, il faut tenir compte de l'ensemble de ses circonstances y compris la situation économique. Ne pas en tenir compte ou ne pas leur accorder un poids suffisant constitue une erreur de droit. Je me reporte aux décisions que j'ai rendue dans les CUBs 35229, 46437 et 54416. »

    Le conseil a, entre autres, pris en considération les circonstances économiques du prestataire, le fait qu'il avait déjà consacré des années à sa formation en sciences policières et avait accepté un emploi d'été dans son domaine dans sa région d'origine et qui lui offrait des conditions similaires à l'emploi qu'Il avait laissé ainsi que le fait que le prestataire s'était trouvé un emploi en octobre. La situation ultérieure à laquelle le conseil se réfère fait partie de l'ensemble des circonstances du prestataire.

    Dans ce dossier le conseil s'est posé la question qu'il devait se poser à savoir si, compte tenu de toutes ses circonstances, le prestataire avait démontré qu'il avait une justification pour quitter son emploi et si cela représentait la seule solution raisonnable dans son cas. Le conseil a ensuite conclu sur l'ensemble de la preuve et pour les motifs soulignés que le prestataire rencontrait les conditions requises pour établir une justification aux sens du paragraphe 29(c) de la Loi.

    La jurisprudence nous enseigne que le conseil arbitral est le maître dans l'appréciation de la preuve et des témoignages présentés devant lui. La Cour d'appel fédérale s'est exprimée comme suit sur ce sujet dans l'arrêt Guay (A-1036-96) :

    « De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral, le pivot de tout le système mis en place par la Loi, pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation, qui est celui qui doit apprécier. »

    La jurisprudence (Verreault (A-186-86), Ash (A-115-94) et Ratté (A-255-95)) nous enseigne de plus qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Dans l'arrêt Ash (supra) la juge Desjardins écrivait :

    « Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. Il y avait en outre une preuve abondante appuyant la conclusion de la majorité. »

    Et dans Verreault (supra), le juge Pratte indiquait :

    « Suivant l'alinéa 95c) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, un juge-arbitre ne peut réviser une conclusion de fait d'un conseil arbitral à moins que cette conclusion n'ait été erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve. Or, il est évident que même si les conclusions de fait sur lesquelles le conseil a appuyé sa décision peuvent être discutées, on ne peut affirmer qu'elles soient erronées et encore moins qu'elles soient absurdes ou arbitraires. »

    Et, plus récemment, dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau indiquait que le rôle d'un juge-arbitre se limite « à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier ».

    Dans la présente affaire la décision du conseil est entièrement compatible à la preuve au dossier.

    Le juge-arbitre n'est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui du conseil. Les compétences du juge-arbitre sont limitées par le paragraphe 115(2) de la Loi. À moins que le conseil arbitral n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'il ait erré en droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre doit rejeter l'appel.

    Je ne peux conclure que le conseil arbitral a erré de la sorte.

    Par conséquent, l'appel est rejeté.

    Guy Goulard

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA, Ontario
    Le 7 juillet 2006

    2011-01-16