EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
RELATIVEMENT à une demande de prestations par
Diane FOURNIER
et
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue le 23 juin 2005 à Bathurst, Nouveau Brunswick
DÉCISION
GUY GOULARD, Juge-arbitre
Le 10 février 2005, la prestataire a présenté une demande initiale de prestations qui fut établie prenant effet le 13 février 2005. Dans sa demande de prestations la prestataire avait indiqué qu'elle avait travaillé pour Tim Horton du 30 août 2004 au 25 septembre 2004 et qu'elle avait quitté cet emploi pour accepter un autre emploi au Centre de Santé et Services Sociaux Québec-Sud. Elle a aussi indiqué qu'elle avait travaillé chez Tim Horton en attendant d'obtenir sa licence d'infirmière au Québec et que, lorsqu'elle l'avait reçue, elle avait accepté un emploi d'infirmière auxiliaire. La Commission détermina que la prestataire avait quitté son emploi chez Tim Horton sans justification et que ceci ne représentait pas la seule solution raisonnable dans son cas. En conséquence, la Commission a imposé une exclusion d'une période indéterminée prenant effet le 13 février 2005. La Commission détermina aussi, qu'après avoir quitté son emploi sans justification, la prestataire n'avait pas accumulé le nombre d'heures d'emploi assurable pour établir une période de prestations.
La prestataire en appela des décisions de la Commission devant un conseil arbitral qui accueillit l'appel. La Commission a porté la décision du conseil en appel devant un juge-arbitre. Cet appel a été entendu le 6 juin 2006 à Bathurst, Nouveau Brunswick. La prestataire était présente.
À la pièce 6, la prestataire a indiqué qu'elle avait quitté son emploi chez Tim Horton avant d'avoir confirmé son emploi avec le Centre de Santé parce qu'elle travaillait de nuit et qu'elle était trop fatiguée le jour pour poursuivre ses efforts pour confirmer un autre emploi. Elle a ajouté qu'elle était certaine qu'elle allait avoir le poste et ne pensait pas devoir avoir recours aux prestations d'assurance-emploi.
Dans sa lettre d'appel au conseil arbitral, la prestataire expliquait qu'elle est une infirmière auxiliaire diplômée. Elle travaillait à Bathurst à temps partiel et recevait des prestations. Elle est déménagée au Québec au mois de juillet 2004 et sa demande a été transférée. Elle a rencontré des délais dans ses efforts pour obtenir sa licence d'infirmière auxiliaire pour le Québec. Elle recevait toujours des prestations. Elle a alors accepté une position de nuit chez Tim Horton. Elle rentrait chez elle à 7h45 et devait préparer son enfant de 7 ans et la reconduire à l'école pour ensuite aller finalement se coucher vers 9:00h. Vers 15:00h elle devait aller chercher sa fille. Elle avait donc peu de temps pour se rechercher un emploi dans son domaine. Elle savait qu'elle pourrait se trouver un emploi d'infirmière mais devait y consacrer le temps nécessaire pour s'en trouver un. Elle a donc décidé de quitter son emploi chez Tim Horton. Elle soulignait qu'elle avait épargné 5 semaines de prestations au système et que, si elle avait su que le fait d'avoir accepté un emploi temporaire chez Tim Horton, à un salaire de 7,95$ de l'heure, allait lui causer tous ces problèmes, elle aurait tout simplement continué de percevoir ses prestations. Elle concluait en indiquant qu'elle avait tout simplement voulu bien faire.
La prestataire ne s'est pas présentée devant le conseil qui a revu la preuve au dossier et a accueilli son appel pour les motifs suivants :
« Mad. Diane Fournier travaillait à temps partiel à Bathurst et obtenait des bénéfices d'assurance-emploi. Elle voulait éliminer la situation de chômage. Elle a postulé pour un emploi d'infirmière auxiliaire au Québec. En attendant d'avoir sa licence de cette province, elle alla travailler chez Tim Horton pour quelque temps en attendant d'avoir son emploi au Québec avec un meilleur salaire et selon son métier. Elle a tout fait pour ne pas être en situation de chômage et de travailler dans son métier.
La prestataire a tout fait comme une personne raisonnable pour obtenir un emploi dans son domaine et ne pas être sur l'assurance-emploi. »
En appel, la Commission a soumis que le conseil avait erré en fait et en droit en décidant que la prestataire avait établi qu'elle était justifiée de quitter son emploi. La Commission a soumis que la prestataire aurait dû attendre d'avoir confirmé son emploi d'infirmière avant de quitter son poste chez Tim Horton. L'avocate de la Commission a soumis que la prestataire ne rencontrait aucune des situations de justification prévues au paragraphe 29(c) de la Loi sur l'assurance-emploi. La Commission a, entre autres, souligné que la prestataire n'avait aucune assurance d'un emploi dans un avenir immédiat quand elle avait quitté son emploi chez Tim Horton.
Le paragraphe 29(c) de la Loi se lit comme suit :
29 c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
(J'ai souligné)
Le conseil s'est penché sur les circonstances de la prestataire et a conclu qu'elle était justifiée de quitter son emploi chez Tim Horton. Il s'agissait d'un emploi temporaire, de nuit, qu'elle avait accepté en attendant de pouvoir se trouver un emploi d'infirmière et dans le but de ne pas demeurer sur l'assurance-emploi. Elle avait très bien expliqué pourquoi il lui était pratiquement impossible de se rechercher un emploi d'infirmière tout en continuant de travailler chez Tim Horton.
La jurisprudence nous enseigne que le conseil arbitral est le maître dans l'appréciation de la preuve et des témoignages présentés devant lui. La Cour d'appel fédérale s'est exprimée ainsi sur ce sujet dans l'arrêt Guay (A-1036-96) :
« De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral, le pivot de tout le système mis en place par la Loi, pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation, qui est celui qui doit apprécier. »
La jurisprudence (Ash (A-115-94) et Ratté (A- 255-95)) nous enseigne de plus qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Dans l'arrêt Ash (supra) la juge Desjardins écrivait :
« Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité. Il y avait en outre une preuve abondante appuyant la conclusion de la majorité. »
Et dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A-547-01), le juge Létourneau indiquait que le rôle d'un juge-arbitre se limite « à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier ».
Dans la présente affaire la décision du conseil est entièrement compatible à la preuve au dossier. Soutenir la position de la Commission équivaudrait à inviter les prestataires se retrouvant dans la même position que Mme Fournier à ne pas accepter un emploi tel que celui qu'elle avait accepté, dans un domaine qui n'était pas le sien, dans des conditions difficiles et nuisibles à ses efforts de se trouver un emploi dans son champs d'expertise et à un salaire concordant à sa formation.
Le juge-arbitre n'est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui du conseil. Les compétences du juge-arbitre sont limitées par le paragraphe 115(2) de la Loi. À moins que le conseil arbitral n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'il ait erré en droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre doit rejeter l'appel.
La Commission n'a pas démontré que le conseil arbitral a erré de la sorte.
Par conséquent, l'appel est rejeté.
Guy Goulard
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 30 juin 2006